Trois générations de femmes à la barre du St-Tropez: la marina située à Saint-Blaise fête ses 65 ans

NAUTISME – La Marina St-Tropez de Saint-Blaise-sur-Richelieu fête ses 65 ans cette année. Plus impressionnant encore que sa longévité, c’est le fait que trois générations de femmes se sont succédé à la barre de cette entreprise familiale.

Ça peut sembler assez commun aujourd’hui pour une femme d’être à la tête d’une entreprise. Ça l’était beaucoup moins en 1951, lorsque Fernande Tremblay, ou Mme Jacques Robert à l’époque, et son mari achètent un terrain au bout de la 39e Avenue à Saint-Blaise.

La famille Robert fonde la «Plage Saint-Blaise», la même année. L’endroit deviendra ensuite le «Bar-Salon Saint-Blaise», puis le St-Tropez et, finalement, la Marina St-Tropez.

«Même si mon père a acheté le terrain, il ne s’est jamais occupé des opérations, raconte Doris Robert. C’est ma mère qui était en charge.»

Doris Robert a suivi les traces de sa mère. Après avoir travaillé à la Plage Saint-Blaise pendant sa jeunesse, elle a fondé et géré des restaurants à Montréal. Elle revient ensuite au bercail pour prendre le relais de Fernande, qui ne quitte pas complètement l’entreprise.

Le dicton «telle mère telle fille» semble s’appliquer à plusieurs générations de la famille Robert. Après avoir travaillé au St-Tropez il y a quelques années, Karyne Roy est partie travailler dans le domaine du développement des affaires. Mais depuis un peu plus d’un mois, elle est de retour à Saint-Blaise pour prendre le relais de Doris… qui ne quitte toutefois pas l’entreprise.

«Je crois que l’aspect business et restauration a toujours fait partie de la famille, avance Mme Robert. Je suis très contente que Karyne soit revenue avec nous.»

Autre époque

Doris Robert concède qu’il était assez unique de voir une femme à la tête d’une entreprise dans les années 50. C’était l’exception plutôt que la règle. Fernande Tremblay n’était pas comme les autres. Dès 1949, elle tenait un petit restaurant, tout juste de biais avec ce qui allait devenir le St-Tropez.

«Ma mère était en affaires, tranche Mme Robert. Ce n’était pas vraiment la femme à la maison conventionnelle. Elle avait cinq enfants, mais ça ne l’empêchait pas de tenir son restaurant, de faire sa run de malle pour la poste et d’effectuer la comptabilité pour l’entreprise de transport de mon père. C’était une femme unique et libérée, fonceuse et travaillante.»

«On peut dire la même chose de ma mère!», lance pour sa part Karyne Roy.

Mme Tremblay s’est retrouvée veuve à 42 ans. Elle n’a toutefois arrêté de travailler au St-Tropez que l’année avant son décès en 2013, à l’âge de 89 ans.

À travers les ans

La Plage Saint-Blaise a bien changé depuis 1951. Lors de son ouverture, l’endroit offrait un service de restauration et une plage dont le sable était livré par les camions de M. Robert.

Les problèmes d’algues dans la rivière causent rapidement des maux de tête aux baigneurs. Fernande Tremblay décide donc de faire construire, en 1966, une piscine à quelques mètres de la plage. La même qui fait le bonheur des clients encore aujourd’hui.

«Ça avait coûté 25 000$ à l’époque, se souvient Doris Robert. Aujourd’hui, on devrait dépenser au moins 200 000$ pour en obtenir une semblable.»

Une salle de danse extérieure accompagne l’arrivée de la piscine. Ce furent de belles années pour la Plage Saint-Blaise, qui invitait régulièrement des groupes comme Les Sultans, ou encore Gerry Boulet et son frère Denis, pour faire bouger les clients.

«De la Saint-Jean-Baptiste à la fête du Travail, c’était noir de monde sur la plage, se souvient Mme Robert. Nous avions un employé qui ne faisait que faire payer les gens sur la plage et deux autres assignés au stationnement.»

Fin de la prohibition

La fin de la prohibition à Saint-Blaise a marqué une autre étape du commerce. En juin 1974, la Plage Saint-Blaise obtenait son permis d’alcool, devenait le Bar-Salon Saint-Blaise et inaugurait le bâtiment qui accueille, encore aujourd’hui, les clients. C’est également à cette occasion que Doris Robert revient dans le giron de l’entreprise.

C’est en 1983 qu’elle devient la seule propriétaire, après avoir acheté les parts de sa mère. L’entreprise prend alors un nouveau nom: Le St-Tropez. En 1990, Mme Robert ajoute le service de marina pour remplacer le simple quai qui permettait d’amarrer les bateaux.

Se renouveler

Le St-Tropez a beau servir exactement les mêmes frites juliennes qu’aux premiers jours, il n’en demeure pas moins que l’entreprise a dû se renouveler et suivre les tendances au cours des 65 dernières années.

Le volet bar de l’entreprise a beaucoup diminué depuis les années 70. Karyne Roy, qui assume les fonctions de vice-présidente aux ventes et aux opérations, indique que le chiffre d’affaires actuel est composé à 80% des revenus issus de la restauration. Mais c’est la possibilité de combiner bar et resto qui attire les clients qui arrivent autant en auto, en moto, en camion et en vélo qu’en bateau.

«Des endroits comme le St-Tropez, il n’y en a pas beaucoup au Québec, fait-elle remarquer. C’est un peu comme un resort, un tout-inclus pour une journée avec toutes les activités que nous offrons.»

Ce que Mme Roy veut tenter de vendre à la clientèle, c’est justement l’expérience d’un club de vacances pour une journée.

«Nous voulons bonifier l’expérience client, avance-t-elle. Nous aurons un beach boy cet été. Nous voulons être, à la limite, des G.O. (NDLR Les «gentils organisateurs» des Club Med).»

Mme Roy dévoile aussi qu’elle veut mettre l’accent sur les événements corporatifs. Elle estime que le St-Tropez est un endroit très intéressant pour les événements de consolidation d’équipe ou les réunions d’affaires.

Elle pourra compter sur l’aide de sa mère, qui n’a pas l’intention de quitter. Pour le moment. «Je vais commencer à y penser», lance-t-elle en riant.