La Ferme des Quatre-Temps, la prochaine révolution en agriculture

INNOVATION – La Ferme des Quatre-Temps, à Hemmingford, représente le modèle de ce que pourrait être la ferme de demain. On y élève des animaux et y cultive une grande variété de fruits, de légumes et de fleurs sur des petites surfaces sans avoir recours aux pesticides ni au tracteur. Véritable laboratoire, cette ferme montre de manière tangible qu’il est possible de faire une agriculture en harmonie avec la nature qui soit productive et rentable.

Située sur une terre de 167 acres, elle est la propriété de l’homme d’affaires André Desmarais. «Je veux attirer les jeunes dans le métier pour pouvoir nourrir les gens avec des produits plus sains, confiait M. Desmarais dans un article paru dans Le Devoir le 10 juin. Je voudrais mieux alimenter les gens, qu’ils comprennent l’incidence du choix des aliments sur leur santé.»

Les produits sont vendus dans quatre marchés, dont trois à Montréal ainsi que les samedis à la boucherie Viau, située au 83, chemin Covey Hill à Hemmingford. Parmi ses clients, la ferme compte une vingtaine de restaurants, dont Au Pied de Cochon, Joe Beef, Montréal Plaza, Toqué!, mais aussi l’Institut de cardiologie de Montréal et la Caravane des cultures, qui vend des légumes locaux dans les différentes municipalités de la MRC des Jardins-de-Napierville.

Modèle

C’est Jean-Martin Fortier qui, à titre de directeur de la ferme, pilote ce projet. M. Fortier est le copropriétaire de la Ferme la Grelinette à Saint-Armand, mais il est aussi l’auteur du livre Le jardinier maraîcher, paru en 2012, qui s’est vendu partout dans le monde à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. M. Fortier y défend un modèle d’agriculture écologique en présentant des techniques et des outils qui permettent de faire de la culture biologique sur une petite surface, de façon rentable.

C’est pour apprendre auprès de M. Fortier qu’Alexandre Bellanger est venu de France pour travailler à la Ferme des Quatre-Temps. Le Coup d’œil l’a rencontré lors de son passage et il lui a fait visiter les lieux.

«Sur sa ferme, Jean-Martin à moins d’un hectare de légumes et fait un chiffre d’affaires de 150 000$ avec deux employés», souligne M. Bellanger.

«Notre objectif est de cultiver des produits locaux de qualité pour nourrir notre communauté, de faire de l’éducation et de former des jeunes», explique Chloé Trudeau, coordonnatrice de la ferme.

Techniques

Les techniques et les outils utilisés à la Ferme des Quatre-Temps permettront aux jeunes de pratiquer l’agriculture et d’en tirer un profit honorable.

Tout le site a été pensé pour en faire un véritable écosystème, de manière à ne pas avoir besoin de produits chimiques de synthèse ni même de machinerie agricole. La ferme est d’ailleurs en voie d’obtenir une certification biologique.

Pour éviter l’infestation d’insectes nuisibles, on privilégie la polyculture plutôt que la monoculture que l’on pratique en agriculture conventionnelle. Les insectes ravageurs seront moins tentés de s’installer dans un champ si on n’y trouve peu de plantes d’une même variété à dévorer.

Pour éloigner ces ennemis des cultures, plusieurs étangs qui attirent les grenouilles et les libellules qui se nourrissent de ces insectes ont été aménagés. Des dizaines de cabanes d’oiseaux, qui se nourrissent de ces insectes, ont aussi été installées dans le jardin. De larges bandes fleuries séparent les différents lots pour attirer les pollinisateurs et les oiseaux.

Le fait de cultiver de petites surfaces permet d’augmenter la productivité. «Dans les grands champs de monoculture, on gaspille beaucoup d’espace pour laisser passer la machinerie, explique M. Bellanger. Nous n’utilisons que des outils à main, donc plutôt que de planter un ou deux rangs de carottes, nous en cultivons jusqu’à six sur un même espace.»

Grâce à cette technique, le feuillage des différents plants se touche rapidement et empêche la prolifération des mauvaises herbes en privant le sol de lumière.

On recherche cette même efficacité dans l’élevage des animaux. À la Ferme des Quatre-Temps, on a recours à la technique du mob grazing ou pâturage mobile. Les vaches broutent l’herbe du champ et coupent l’herbe. On retire ensuite les vaches et on y déplace les poulaillers mobiles qui sont montés sur des remorques. Les poules se nourrissent à leur tour d’herbe fraîche et fertilisent le champ grâce à leur fiente.

«Elles pondent un œuf par jour et elles ne sont jamais malades, affirme Mme Trudeau. Je n’ai jamais vu de poules heureuses comme ça de ma vie.»

La ferme en chiffres

15

La ferme qui emploie une quinzaine de personnes en est à sa première année de production.

40

On y culture environ 40 variétés de légumes sur une superficie de quatre acres, dont le chou, la laitue, le concombre, la carotte et la tomate en serre.

350

On y élève aussi plus de 350 poules pondeuses, une soixantaine de vaches de la race Belted Galloway, croisées avec la Wagyu.

50

Le nombre de cochons, élevés en forêt.

10

Dix acres de vergers et un laboratoire culinaire, où un chef expérimente et transforme les récoltes pour créer des produits uniques.