Napierville: une classe sans pupitre pour motiver les élèves de l’école Daigneau

ÉDUCATION – Tables basses, tabourets et chaises de jardin font partie du mobilier de la classe de sixième année de Véronique Chouinard, qui enseigne à l’école Daigneau, à Napierville. En septembre, elle a décidé de miser sur le confort des élèves pour favoriser leur motivation. Il n’y a plus aucun pupitre dans son local. Les élèves s’assoient où ils veulent et peuvent changer de place à leur guise. Bienvenue dans une classe flexible.  

Plutôt que de s’asseoir sur des chaises droites devant des pupitres traditionnels, les élèves peuvent choisir entre différents types de sièges: un tabouret oscillant, un ballon exerciseur, une chaise berçante ou même directement au sol. Ils peuvent être seuls à leur place, ou encore s’assoir à une table à deux et même à quatre. Lors des évaluations, un petit panneau de carton déposé sur les tables permet d’empêcher le plagiat.

En tout temps, les jeunes plus agités peuvent dépenser leur énergie pendant quelques minutes sur un des exerciseurs qui se trouvent dans la classe, comme l’elliptique, le pédalier, ou encore le vélo stationnaire.

Ce principe d’aménagement flexible, ou flexible seating, est déjà très répandu aux États-Unis et il est de plus en plus présent dans les écoles du Québec.

«Le concept est simple: je ne suis plus bien, je change de place, explique Mme Chouinard. Le confort est primordial et c’est vraiment laissé de côté dans notre système scolaire. Les pupitres et les chaises ne sont pas ergonomiques parce qu’ils ne peuvent pas être ajustés.»

Mme Chouinard utilise son budget de classe pour faire l’achat de ces différents sièges. Plusieurs lui ont été donnés. Elle a aussi investi près de 500 $ de sa poche pour équiper sa classe. Ces objets, elle les achète usagés, par le biais de sites Internet de petites annonces classées.

«Je consulte les élèves pour savoir ce qu’ils aimeraient avoir, dit-elle. À la rentrée, ils savaient qu’ils avaient 400 $. J’ai aussi des élèves qui m’envoient des suggestions.»

Adaptation

Mme Chouinard a dû adapter sa façon d’enseigner. À titre d’exemple, pour prendre les présences, comme les élèves ne sont jamais assis au même endroit, chacun d’eux a un numéro, de 1 à 21, qu’ils nomment, l’un après l’autre.

Les élèves se déplacent aussi davantage, mais les règles sont claires. Ils doivent s’asseoir face à elle et il leur est interdit de s’affaler sur leur siège. Les jeunes doivent changer de place au minimum quatre fois par jour. S’ils parlent avec leur voisin, Mme Chouinard les force à changer de place. Ils doivent aussi nettoyer leur espace de travail avant de le quitter.

«Je n’ai plus aucune gestion de classe à faire, dit-elle. Leur attention est plus là parce qu’ils sont plus confortables. Je les sens profondément heureux.»

Son projet a été bien reçu par la direction de l’école, de même que par les parents de la vingtaine d’élèves de sa classe.

«J’ai droit à ma liberté pédagogique. Je suis vraiment appelée par ça, mais ce n’est pas fait pour tout le monde, convient-elle. Je m’attends à ce qu’un jour, un parent n’aime pas ma façon de faire. Il faut aussi montrer de l’ouverture si un élève préfère un pupitre.»

«On a besoin que les enfants soient compris dans leur besoin de bouger.»

Véronique Chouinard, enseignante

Bénéfices

S’il est difficile de mesurer l’effet de cet aménagement sur les résultats scolaires, il en est tout autrement quant à la motivation des jeunes.

«Je vois des impacts majeurs, confie Mme Chouinard. Je veux être dans ta classe ou Je suis content d’être dans ta classe, je l’entends souvent. Je vois l’effort, la persévérance et le plaisir de faire ce qu’on leur demande. La motivation est vraiment plus grande. On oublie souvent le facteur plaisir. C’est comme si l’école, ça n’avait pas le droit d’être le fun. Les élèves n’ont pas le choix d’être là, mais une fois qu’ils sont motivés, tu peux leur faire faire n’importe quoi.»

Sur le plan de l’éducation et des valeurs, ce concept leur apprend aussi beaucoup. Un élève cède sa place à un autre, un jeune s’assoit avec son ami, tandis qu’un autre change de place parce que la personne à côté de lui le dérange; la classe flexible permet l’échange et le partage.

«Le taux de décrochage est alarmant et on est dans un pays favorisé, déplore Mme Chouinard. Ce n’est pas normal d’avoir autant de décrocheurs. Si des chaises à roulettes et des ballons peuvent les aider, pourquoi pas.»

Pour les enseignants qui veulent en apprendre davantage, il existe le groupe Facebook «Aménagement flexible – organisation, gestion et enseignement», qui est administré par deux enseignantes québécoises, Valérie Cadieux et Josée Portelance. À ce jour, plus de 10 000 personnes en sont membres.

Ce que les élèves en pensent

«Je suis hyperactif. Avant, je me levais tout le temps pour marcher. Maintenant, j’ai juste besoin d’aller sur un exerciseur.»

-Jasmin

«C’est bien parce qu’on peut s’asseoir à côté de qui on veut. Si la personne te dérange, tu peux juste changer de place.»

-Noahkym

«En français, je suis un peu moins bon. Je peux venir en avant pour mieux comprendre et mieux me concentrer.»

-Denis