Propriétaire du Servidéo à Napierville: Marc Perreault ferme les portes de son club vidéo

ACTUALITÉ – Voilà plus de 30 années que le club vidéo Servidéo fait partie du paysage, à Napierville. D’ici quelques semaines, son propriétaire, Marc Perreault, fermera définitivement les portes l’un des derniers clubs vidéos indépendants de la région. La location de films étant de moins en moins répandue, c’est une page d’histoire qui se tourne avec la disparition de cette enseigne.

Si M. Perreault a été témoin de l’âge d’or des clubs vidéos dans les années 1980, il constate aujourd’hui que son commerce appartient à une époque révolue. L’arrivée d’Internet a signé l’arrêt de mort de ce type de commerce.

C’est le fruit de cette réflexion qui l’a convaincu, au mois de janvier, qu’il valait mieux fermer boutique.

Débuts

M. Perreault a travaillé pendant une quinzaine d’années pour la défunte chaîne de magasin Steinberg, avant de décider de se lancer en affaires.

Il résidait à Sainte-Julie lorsque son beau-frère lui a parlé d’un local à louer, à Napierville. M. Perreault avait la fibre entrepreneuriale et en 1982, il décide de faire le grand saut. Il a d’abord loué un petit local situé sur la rue Saint-Jacques, pour y opérer un dépanneur. «J’ai commencé la location de films au dépanneur, dit-il. C’était hot au bout, dans ce temps-là.»

À l’époque, plusieurs de ses clients ne possédait pas encore de lecteur de vidéocassette. Il s’était muni de quelques appareils qu’il louait avec les films. «Il arrivait même que je prenne l’appareil que j’avais à la maison pour le louer à des clients», explique M. Perreault.

En 1985, il décide d’acheter toute la bâtisse. Le club vidéo s’est donc agrandi au fil des ans. À cette époque, M. Perreault louait des films à une entreprise pour les mettre en location à son tour, dans son commerce. «Le trois quart des profits allait à cette compagnie, se souvient M. Perreault. À partir de 1987, j’ai décidé d’acheter mes propres films.»

C’est à ce moment aussi qu’est sortie la console de jeu Nintendo. M. Perreault s’était procuré tous les meilleurs titres et il a connu beaucoup de succès avec la location de ces jeux.

Âge d’or

Dans les années 1990, le club vidéo fonctionne à plein régime. M. Perreault tenait environ 12 000 films à cette époque, dont plusieurs copies des différents titres les plus populaires.

Il vendait des affiches, des cartes à collectionner et il avait même aménagé une section de jeux d’arcade. C’est aussi à cette époque qu’il décide d’ouvrir un deuxième club vidéo, à Bedford.

L’industrie de la location de film tournait rondement et la concurrence était féroce. «Dans le domaine du vidéo, c’était la guerre totale, avec les Vidéotron et les Blockbuster, souligne M. Perreault. À la campagne, ce n’était pas assez populeux pour ça et c’était plus avantageux de rester indépendant.»

M. Perreault a embauché environ 100 personnes dans les 35 dernières années.

Changement

L’arrivée des DVD a été une étape difficile à franchir pour M. Perreault. «Quand les DVD sont sortis, ils se vendaient 20 $, mais souvent ils n’étaient pas en français, explique-t-il. J’ai dû continuer à acheter des cassettes, mais à la fin, les VHS se vendaient entre 40 $ et 80 $ chaque. Ça pouvait me coûter 4000 $ par semaine pour me procurer les nouveautés.»

L’univers du jeu vidéo était aussi en pleine expansion. Le Nintendo a laissé la place au Nintendo 64, puis aux PlayStation 2, Xbox, PlayStation 3, Game Cube, Xbox 360 et à la Wii. M. Perreault devait chaque fois renouveler son stock de jeux en location. «Quand la PlayStation 4 et la Wii Fit sont sortis, je n’ai pas entré un seul jeu parce que je n’étais pas capable de les rentabiliser», dit-il.

Puis, l’arrivée d’Internet a sonné le glas de l’industrie de la location de films et de jeux vidéos.

La pornographie a elle aussi migré vers Internet, si bien que la location de films pour adultes a chuté dramatiquement. «Les films pour adultes, ça ne marche plus du tout. Il y en a que je viens tout juste d’acheter et là, je les vends pour 1 $ ou 2 $, affirme M. Perreault. Avec Internet, tout a arrêté.»

Le phénomène s’est accentué avec la place de plus en plus importante qu’occupe Internet dans les habitudes des gens. «Avec Netflix et les séries à la télévision, il y a trop de compétition, dit-il. Mes revenus ne me permettent plus de payer les salaires ni le loyer. Aujourd’hui, les jeunes voient les films en ligne avant même qu’ils ne sortent.»

«Je remercie tous les gens qui m’ont encouragé. J’ai beaucoup aimé travailler avec le public de Napierville et des environs.»

Marc Perreault, propriétaire du Servidéo, à Napierville

Fermeture

Au fil de ces trois dernières décennies, ce sont près de 20 000 personnes qui ont été membres de son club vidéo. Son entreprise a permis l’embauche d’une centaine de personnes, principalement des étudiantes.

Depuis l’annonce de la fermeture de son commerce, les clients et les anciens employés sont nombreux à venir saluer M. Perreault.

«Il en est venu sept la semaine passée avec des fleurs et du vin, dit-il. Ils sont venus me serrer dans leurs bras. Ça m’a viré à l’envers. Des employés d’il y a 30 ans m’ont laissé des messages sur Facebook. Je les remercie énormément pour leur grande générosité.»

À 70 ans, M. Perreault ferme son commerce après avoir travaillé d’arrache-pied pendant toutes ces années. «Ça laisse un grand vide tout à coup, confie M. Perreault. On a vécu et on a vieilli ensemble. Les gens aimaient ça, ils prenaient leur temps pour choisir un film. C’était une détente pour les clients.»

M. Perreault quitte cet emploi qu’il a beaucoup aimé pour se consacrer à sa famille et à des activités qu’il affectionne, comme le voyage et le jardinage. Le Servidéo reste ouvert encore quelques semaines, le temps de vendre tous les films qui étaient autrefois en location.

«J’ai été très bien reçu à Napierville, ajoute M. Perreault. J’ai bénéficié de l’aide de la communauté. Ç’a été un enrichissement pour moi. Le personnel que j’ai eu m’a beaucoup apporté. Pour plusieurs, c’était leur premier emploi. Je suis sûr que les employeurs vont bénéficier de la qualité de ces gens d’une grande valeur.»