Napierville: on n’enseigne plus l’écriture en lettres attachées à l’école Daigneau

ÉDUCATION – Depuis le début de l’année, on n’enseigne plus l’écriture cursive (en lettres attachées) à l’école primaire Daigneau, à Napierville, mais seulement l’écriture en lettres scriptes (en lettres carrées). Ce n’est pas sans semer l’inquiétude chez certains parents qui remettent en cause cette décision de l’établissement.

Un parent a communiqué avec le journal Coup d’oeil, il y a quelque temps, pour déplorer la situation. Comme cette décision d’enseigner ou non les lettres attachées revient à chacune des écoles, le parent en question craint qu’il y ait un déséquilibre d’apprentissage, du fait que l’enseignement n’est pas uniforme partout au Québec.

Selon lui, son enfant sera désavantagé si, dans le futur, il ne parvient pas à lire une note écrite en lettres attachées laissée par son employeur ou un collègue. Il en serait de même si l’enfant devait changer d’école ou de commission scolaire.

Quoi qu’il en soit, la direction de l’école lui aurait expliqué que les enfants éprouvent de la difficulté à apprendre deux façons d’écrire en même temps (en lettres carrées et attachées) et que de toute façon, avec l’utilisation des tablettes qui se généralise, les enfants ont de moins en moins recours aux lettres attachées.

L’école a proposé à ce parent de lui fournir de la documentation s’il voulait enseigner l’écriture cursive à son enfant à la maison.

Commission scolaire

«L’équipe-école et la direction de l’école Daigneau se sont basées sur des recherches et ils sont encadrés par des conseillers pédagogiques, explique la porte-parole de la Commission scolaire des Grandes-Seigneuries, Mylène Godin. Ça ne s’est pas fait à la légère. De plus, le ministère de l’Éducation ne nous demande pas d’évaluer les calligraphies. Il n’y a pas d’attente à ce niveau.»

Pour appuyer ses dires, elle cite une étude intitulée Enseigner l’écriture script-cursive au primaire: une pratique pédagogique mise en question, réalisée en 2011 par les auteures Marie-France Morin, Natalie Lavoie et Isabelle Montésinos-Gelet.

Les auteures concluent leur étude ainsi: «Les résultats présentés conduisent à soutenir l’idée que le développement de la compétence à écrire au primaire serait mieux soutenu par un enseignement unique d’un style d’écriture (soit cursive, soit script), et ce, afin d’éviter un double apprentissage (scripte et ensuite cursive), qui nuirait à l’activité du jeune élève qui apprend à écrire.»

Vérification faite

Isabelle Montésinos-Gelet est professeure titulaire à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. Elle est l’une des auteures de cette étude et elle nous explique les conclusions de sa recherche.

«L’apprentissage de deux styles d’écriture nuit au développement de l’enfant, dit-elle. Tout ce qu’ils ont acquis dans le premier style d’écriture, ils doivent le retravailler. Si les petits mettent toute leur énergie à transcrire, il en reste moins pour organiser leurs idées.»

Selon les auteures de cette étude, s’il est préférable d’apprendre une seule forme d’écriture, le choix de l’écriture en lettres attachées reste à privilégier.

«L’écriture cursive, c’est mieux, mais dans tous les cas, il est préférable de n’enseigner qu’un type d’écriture», affirme Mme Montésinos-Gelet.

Elle précise cependant qu’il est important que les enfants apprennent à reconnaître les lettres attachées, même s’ils ne sont pas capables de les tracer. «C’est comme en art. Il est important d’être exposés à toutes les formes d’art, mais ça ne veut pas dire que l’on peut les reproduire», dit-elle.

«Le choix de cette école de n’enseigner que l’écriture scripte n’est pas le plus optimal, mais c’est un très bon choix.»

Isabelle Montésinos-Gelet, professeure et chercheuse

Commission scolaire des Hautes-Rivières

Du côté de la commission scolaire des Hautes-Rivières (CSHR), quatre écoles primaires, situées sur le territoire couvert par le Coup d’œil, enseignent l’écriture en lettres attachées.

À l’école Alberte-Melançon, située à Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix, et à l’école Saint-Blaise, située à Saint-Blaise-sur-Richelieu, on enseigne l’écriture cursive dès la première année.

À l’école du Petit Clocher, à Saint-Georges-de-Clanrenceville et à l’école Saint-Joseph, à Lacolle, les élèves apprennent d’abord l’écriture scripte en première année, puis l’écriture cursive à partir de la deuxième année.

Le principal avantage de l’écriture en lettres carrées est le fait que les jeunes sont plus familiers avec elle, concède Julie Bazinet, conseillère pédagogique à la CSHR. On la retrouve dans les livres et sur les écrans des tablettes et des ordinateurs. En contrepartie, les élèves qui utilisent ce type d’écriture ont plus de difficulté avec l’orthographe. «L’espace entre les mots est plus difficile à concevoir», précise-t-elle.

D’un autre côté, l’écriture en lettres attachées est plus difficile à apprendre et à intégrer. Cependant, les jeunes qui l’utilisent ont plus de facilité avec l’orthographe des mots. «Ça les aide à fusionner les lettres et ils font moins d’inversion entre les lettres «p» et «q» ou «b» et «d», par exemple», souligne Mme Bazinet.

La seule différence avec les lettres cursives, c’est un léger gain de rapidité dans l’écriture. «C’est plus long apprendre à écrire en lettres attachées. Après, c’est un peu plus fluide, mais la vitesse n’est pas significative, convient-elle. L’idée, c’est de permettre aux enfants d’apprendre et d’être confortables.»