De militaire à agriculteur: retraité de l’armée, Jessy Brunet fait un retour à la terre

PORTRAIT – Jessy Brunet n’a que 41 ans, mais il est déjà retraité. Il a travaillé 20 ans dans l’armée régulière des Forces canadiennes, dont une mission de six mois en Afghanistan, en 2004. À la retraite depuis 2015, il consacre maintenant son temps à entraîner des réservistes, mais surtout à sa passion pour l’agriculture, à Hemmingford.

Lui et sa conjointe, Mélissa Dauphinais, possèdent l’entreprise Les fruits de la relève. Ils cultivent des petits fruits et des tomates et produisent du miel, qu’ils vendent à leur kiosque au Marché Atwater.

Sur leur terre, ils cultivent aussi du foin et sur une portion de leur domaine poussent des érables à sucre, qu’ils entaillent au printemps. Ils élèvent quelques poules et possèdent un cheval avec lequel ils aimeraient exécuter des travaux au champ.

«Sur notre ferme, on vit dans un autre monde, où on peut prendre notre temps et essayer des choses, dit M. Brunet. Je peux me le permettre parce que j’ai ma pension de l’armée.»

Jessy Brunet et son fils, Josephat.

Histoire

Né à Saint-Anicet de parents agriculteurs, Jessy Brunet a toujours aimé le rythme de vie de la campagne. Sa famille faisait l’élevage de chevaux, puis de bœufs. Il aurait pu se lancer dans l’aventure de l’agriculture, mais il a voulu goûter à autre chose. C’est cette soif d’apprendre qui l’a poussé à s’enrôler dans l’armée.

«Notre famille était extrêmement pauvre quand j’étais jeune et l’idée d’avoir une job stable était importante», confie M. Brunet.

Armée

M. Brunet a débuté sa carrière militaire en 1994. Son plan était de servir dix ans dans l’armée, avant de prendre la relève de la ferme familiale. Il a obtenu un baccalauréat en études françaises au sein des Forces armées.

«J’ai toujours aimé lire, confie M. Brunet. J’ai fait ma 12e année à Saint-Jean-sur-Richelieu et mes quatre ans de baccalauréat à Kingston.»

En 2004, il est envoyé en mission à Kaboul, en Afghanistan. Son rôle était de guider les avions et les hélicoptères de combat à partir du sol.

«Les deux premières semaines en Afghanistan, j’étais très stressé, raconte M. Brunet. Lorsque je me déplaçais en véhicule, je tenais toujours mon pistolet en main. Puis, je suis arrivé à un niveau où j’ai accepté que je ne reviendrais pas.»

Fort heureusement, il n’a pas été blessé pendant son séjour là-bas. Il n’a pas non plus eu besoin d’utiliser son arme. Certes, il a entendu le bruit sourd de bombardements ennemis à proximité de son camp.

Ce qui l’attirait dans ce métier, ce n’était pas le goût du risque, mais bien l’emploi en lui-même, celui d’officier d’artillerie.

«J’étais conscient que je vivais quelque chose de privilégié, dit M. Brunet. Je ne suis pas un gars qui fonctionne à l’adrénaline. Je n’ai pas besoin de ça. Je le faisais pour la job de l’armée: la mission, l’objectif, les ressources pour y arriver, l’équipe avec qui je travaille. C’est comme un père qui explique à son gars comment faire les foins et qu’après, il les fait tout seul. Le but ultime, ce n’est pas de tuer du monde, c’est d’atteindre sa mission. La meilleure façon de gagner une guerre, c’est en ne tuant personne. Il y a une dimension humaine qui m’attire beaucoup. J’ai aimé la dynamique d’équipe. Je travaillais avec quatre personnes, tous des gens compétents. J’en parle et j’ai des frissons.»

L’armée lui payait cinq années d’études, après quoi il devait servir cinq ans. Malheureusement, quand est venu le temps de se retirer de l’armée après ces dix années, ses parents avaient vendu la ferme.

«J’ai décidé de rester un dix ans de plus pour avoir droit à la pension à vie, dit M. Brunet. Ça m’a permis de m’enlever le stress qu’ont les agriculteurs lorsque les carottes ne lèvent pas…»

Jessy Brunet lors d’un exercice militaire de l’armée de réserve, à Napierville, ce printemps.

Ferme

Jessy Brunet savait qu’il allait un jour se retrouver à nouveau sur une ferme. Dès 2007, il a commencé à s’informer sur ses possibilités et il a acheté une terre à Alexandria, en Ontario. Après quoi, il a commencé à s’équiper avec de la machinerie agricole.

Puis, il a rencontré sa conjointe, Mélissa Dauphinais, et il s’est joint à son entreprise, Les fruits de la relève, basée sur le chemin Covey Hill, à Hemmingford.

Ils possèdent six ruches, qui abritent entre 60 000 et 100 000 abeilles chacune. Chaque ruche produit entre 30 kg et 50 kg de miel de pommier, les ruches étant situées à proximité d’un verger. «Souvent, on empote le miel et le lendemain, il n’y en a plus», explique M. Brunet.

Ils vendent des mûres, des framboises, des fraises, des pommes, des poires et des melons, qui poussent sur leur terre. Ils produisent aussi des tomates ancestrales en régie biologique, grâce à leurs 300 plants.

Il y a beaucoup d’aléas en agriculture. Tu travailles fort et tout d’un coup, quelqu’un change les règles et tu perds tout. J’ai vu à quel point c’est pénible.

Jessy Brunet

Jessy Brunet et sa conjointe Mélissa Dauphinais sont à la tête de l’entreprise Les fruits de la relève. Ils vendent leurs produits à leur kiosque du Marché Atwater.

Futur

Leur entreprise est en plein développement. Présentement, les quelques cochons qu’ils possèdent fouillent le sol et par le fait même, désherbent des sections de leur terre qui serviront à planter d’autres types de fruits, comme des gadelles, des groseilles ou des camerises.

M. Brunet et Mme Dauphinais aimeraient éventuellement développer un projet de ferme éducative sur leur terre, et inviter des groupes scolaires, des garderies et des camps de jour à venir visiter la ferme.

«On pense aussi sous-louer notre champ à des gens qui n’ont pas les 20 000 $ que ça prend pour acheter un arpent de terre, dit M. Brunet. Ça pourrait être des gens de Montréal qui veulent élever des chèvres. On veut migrer vers ça.»

Le produit phare de leur entreprise, Les fruits de la relève, est le miel de pommier, produit par leurs abeilles.