Nouveau programme de crédit de taxes foncières agricoles: un projet de loi incomplet, estiment les agriculteurs

AGRICULTURE – Le gouvernement du Québec a dévoilé son nouveau Programme de crédit de taxes foncières agricole par le biais du projet de loi 48, le 5 novembre. Si les agriculteurs ont obtenu le plafonnement de la valeur taxable de leurs terres, ce projet de loi n’impose pas un taux de taxe agricole distinct aux municipalités, comme ils le réclament depuis plusieurs années.  

Pour Jérémie Letellier, 1er vice-président de la Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie et propriétaire de la Ferme Letellier, située à Saint-Cyprien-de-Napierville, le projet de loi 48 ne rencontre pas les demandes des agriculteurs.

«Le gouvernement avait promis de régler ça dans la première année de son mandat, rappelle-t-il. C’est un travail intéressant, mais incomplet.»

Avec la hausse fulgurante et constante de la valeur des terres dans les dernières années, les agriculteurs considèrent qu’ils paient trop de taxe. Le gouvernement du Québec le reconnait et c’est la raison pour laquelle le Programme de crédit de taxes foncières agricoles a été mis en place.

Ce programme permet aux agriculteurs de se faire rembourser une partie des taxes qu’ils paient. Néanmoins, l’UPA estime que le projet de loi 48 ne permet pas d’atteindre l’objectif d’équité entre les contribuables du secteur agricole et ceux du secteur résidentiel.

Plafond

Parmi les gains obtenus par les agriculteurs, on compte le plafonnement de la valeur imposable des terres agricoles. Cette mesure vise à contrebalancer la hausse constante de la valeur des terres agricoles depuis une dizaine d’années.

Selon l’UPA, la valeur moyenne des maisons unifamiliales au Québec a augmenté de 15 % entre 2010 et 2018. Pendant la même période, la valeur moyenne à l’hectare des terres cultivées au Québec a bondi de 200 %.

Les entreprises agricoles de la Montérégie attendent encore la véritable réforme de la fiscalité foncière agricole promise par le premier ministre pendant la campagne électorale.

Christian St-Jacques, président de l’UPA de la Montérégie

Certes, un plafond a été imposé, mais il est trop élevé au goût des producteurs agricoles. Il en est de même pour le taux d’indexation annuel qui a été établi.

Le plafond de la valeur imposable a été fixé à 29 800 $ l’hectare pour 2020.

«Il grimpera à 31 200 $ en 2021, quand la loi va entrer en vigueur, illustre M. Letellier. Si le plafond c’est le ciel, ce n’est pas un vrai plafond, surtout avec un taux d’indexation de 8 % par année. Si ç’avait été indexé au niveau de la hausse de l’indice des prix à la consommation, on aurait pu vivre avec ça.»

Valeur productive

L’UPA réclamait une refonte complète du mode de taxation. Les agriculteurs veulent que la taxe foncière s’applique sur la valeur productive de la terre, plutôt que sur sa valeur marchande, mais le gouvernement refuse d’appliquer ce principe.

«Dans plusieurs États américains, si une terre rapporte 16 000 $ par hectare par année, les agriculteurs sont taxés sur ce 16 000 $, explique M. Letellier. Le gouvernement nous a dit qu’il ne s’engageait pas dans cette voie, alors notre proposition était de plafonner la valeur assurable des terres à 20 000 $.»

Taux distinct

Les producteurs de la Montérégie représentent 3 % des contribuables, mais ils défraient près de 30 % de la facture de la taxe foncière imposée par les municipalités, déplore l’UPA.

C’est pourquoi les agriculteurs demandent au gouvernement de forcer les municipalités à appliquer un taux de taxe distinct pour le secteur agricole, qui serait inférieur au taux applicable aux autres catégories d’immeuble. Cette mesure ne fait pas partie du projet de loi 48.

En 2019, seulement 44 des 177 municipalités de la Montérégie ont appliqué un taux de taxe distinct pour les fermes, selon l’UPA.

«On n’a pas de problème à payer notre part de taxes, mais ça ne doit pas venir que des terres, pense M. Letellier. On sait que la valeur des terres s’apprécie et beaucoup de municipalités en ont profité pour donner un congé de taxe au secteur résidentiel.»