Saint-Bernard-de-Lacolle: des citoyens veulent une subvention pour mettre leurs installations septiques aux normes

ACTUALITÉ – Les installations septiques d’une majorité des 50 résidences situées dans le quartier que l’on nomme le «village des oies», à Saint-Bernard-de-Lacolle, ne sont pas conformes, voire inexistantes. Les eaux usées sont rejetées directement dans les fossés. L’odeur qui s’en dégage est nauséabonde, même en plein hiver. Ces citoyens réclament la construction d’un système collectif de gestion des eaux usées et ils veulent que le conseil municipal dépose une demande de subvention pour financer le projet.  

Le «village des oies» est situé en bordure de l’autoroute 15, juste au sud de la sortie 11, qui mène à la montée Henrysburg. Il est constitué de deux rues parallèles, Normand et Conrad, et de deux petits tronçons perpendiculaires qui les relient entre elles, les rues Gaston et Philias.

Au mois de mai, les résidents de ce secteur ont reçu une lettre de la municipalité les informant qu’ils doivent modifier leurs installations septiques non conformes.

Guylaine Gagnon réside dans ce secteur depuis une dizaine d’années. «Sur 52 maisons, il y en a juste 5 qui sont conformes, dit-elle. Il y en a qui évacuent les toilettes directement dans le fossé.»

La maison de Mme Gagnon est entourée d’un fossé où se déversent ces eaux usées. Cela fait deux ans qu’elle tente de la vendre, mais elle en est incapable, en raison des odeurs qui s’en dégagent.

«L’été, l’eau dans le fossé est noire, noire, noire. Quand je faisais visiter la maison, je mettais de la chaux dans le fossé pour que ça pue moins et je m’arrangeais pour que le vent ne vienne pas du sud. Mais au-delà de ça, c’est un problème de santé publique», raconte l’infirmière à la retraite.

Témoignages

Christopher Biddle et Sonia Gagnon habitent sur la rue Gaston depuis 2011. Ils ont deux jeunes enfants. Ils sont dotés d’une fosse septique, mais n’ont pas de champ d’épuration. Leur installation n’est pas conforme.

«Au printemps, on voit que les fossés sont pleins, témoigne M. Biddle. En bas du chemin, il y a au moins quatre pieds d’eau. C’est presque à la hauteur du chemin. La pire chose, c’est pour la sécurité des enfants qui jouent dehors. Il y a beaucoup d’odeurs, c’est dégueulasse.»

Nicole Drapeau réside sur la rue Normand depuis une dizaine d’années. Ses installations septiques ne sont pas conformes. Elle n’ose pas consommer son eau potable, par crainte qu’elle soit contaminée. «Ma fosse ne peut pas être vidée et je n’ai pas de champ d’épuration, dit-elle. C’était comme ça dans le temps. Le liquide s’en va directement dans le fossé.»

Souffrant d’une maladie pulmonaire, Lucie Provencher, une résidente du secteur, avait choisi de s’établir à la campagne pour profiter du bon air. «Là, je me retrouve à devoir prendre mon auto quand je veux aller prendre une marche parce que je ne peux pas respirer les microbes dans l’air sur ma rue.»

Lors de notre visite chez Mme Gagnon, on pouvait sentir l’odeur nauséabonde qui se dégageait du fossé, même si le mercure était sous zéro.

Problématique

Les propriétaires de ce secteur ne veulent pas se doter d’installations septiques individuelles, qu’ils considèrent comme trop coûteuses. «Beaucoup de familles ont déjà investi pour embellir leur maison, rappelle Mme Gagnon. Ils n’ont pas un autre 30 000 $ à investir pour un système comme ça.»

Ils demandent donc aux élus municipaux et provinciaux de les aider à obtenir une subvention pour la construction d’une infrastructure commune.

«On a demandé les égouts, mais on nous dit qu’on ne peut pas parce qu’on est en zone agricole, dit Mme Gagnon. Mais elles sont déjà là les maisons! On ne nuit à personne! Notre eau n’est plus bonne à boire parce que les fosses septiques sont collées sur les puits. On demande un bassin de décantation commun. Ça coûterait 500 000 $. Le conseil nous dit que si on fait ça, on va aussi devoir refaire les rues, mais elles doivent justement être refaites.»

Plusieurs résidents du «village des oies» se sentent abandonnés par les élus municipaux, qu’ils tiennent en partie responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent.

«La plupart des maisons de ce quartier étaient des chalets qui ont été agrandis, explique Gabriel Viens, dont la résidence est située sur la rue Normand. Tout le monde grossit sa maison, mais les systèmes ne sont pas conformes pour ça. Les terrains sont trop petits pour qu’il y ait un champ d’épuration, donc le liquide va directement dans le fossé. La Ville a laissé bâtir un quartier résidentiel ici pour collecter plus de taxes, sans exiger que ce soit conforme, et là, ils nous laissent tomber.»

Aide

Les citoyens devaient rencontrer la députée de Huntingdon, Claire Isabelle, le 13 décembre, pour leur faire part de leur situation et réclamer une aide financière pour la construction d’une installation septique commune.

«Le gros de notre bataille, c’est qu’on veut la subvention du gouvernement qui peut couvrir jusqu’à 80 % des coûts pour un système septique commun, dit M. Viens. C’est zoné agricole, mais il est trop tard, on est déjà ici. On veut une dérogation pour notre quartier. On veut être conforme, mais on veut du soutien.»

Réaction de la municipalité

La mairesse suppléante, Estelle Muzzi, et la directrice générale de la municipalité, Jocelyne Blanchet, assurent qu’elles prennent le dossier au sérieux.

«Notre directrice générale a fait toutes les vérifications et il n’y a pas de subvention disponible parce qu’on est en zone agricole, explique Mme Muzzi. On fait tout ce qu’on peut, mais on ne peut rien leur promettre. On ne leur impose pas de délai pour se conformer parce qu’on travaille avec eux. On sait qu’ils sont dans une situation problématique. On ne peut pas leur promettre qu’ils auront une usine, c’est pour ça qu’on prévoit un plan B, qui est le système individuel, mais on continue nos recherches.»

On ne peut pas vendre nos maisons. On est prisonniers du village aux oies tant que ça ne sera pas réglé.

-Guylaine Gagnon, résidente de Saint-Bernard-de-Lacolle

La municipalité reconnait une part de responsabilité dans cette situation. «Oui, il y a eu du laisser-aller, admet Mme Blanchet. Oui, nous devons les aider et c’est ce que nous faisons. La municipalité a déjà déboursé 90 000 $ pour faire produire une étude par des ingénieurs pour déterminer ce dont chaque résidence a besoin pour se mettre aux normes.»

Le conseil municipal a aussi déboursé pour faire produire une évaluation des coûts d’une installation septique individuelle, comparativement au coût de construction d’un réseau d’égout et d’une usine d’épuration.

«Il y a une vingtaine d’années, le conseil a proposé un système commun pour tout le monde, mais ils ont refusé à cause des coûts, rappelle Mme Blanchet. Il y a eu de la tolérance et il n’y aurait peut-être pas dû y en avoir, mais ce n’était pas de la mauvaise volonté. C’était pour aider ces citoyens très peu fortunés à garder leur maison.»

Mme Blanchet admet aussi que la municipalité n’avait pas l’habitude de délivrer de permis, ce qui l’empêchait de vérifier la conformité des constructions et des rénovations des maisons. «Depuis un an, la municipalité vérifie et s’assure de la conformité de ce qui est fait, explique-t-elle. On contrevérifie les plans qui sont faits par les ingénieurs pour les installations septiques, ce qu’on ne faisait pas avant.»

En ce qui concerne la proposition des citoyens de faire construire un bassin commun pour recueillir les eaux usées, Mme Blanchet convient que ce scénario n’a pas été envisagé par la firme d’ingénierie embauchée par la municipalité. «L’ingénieur n’en a pas parlé, dit-elle. Je vais les appeler et demander pourquoi il ne nous l’a pas proposé.»

La municipalité de Saint-Bernard-de-Lacolle admet une part de responsabilité dans la problématique actuelle de déversement d’eaux usées dans les fossés du village des oies.