Deux producteurs conscientisés

Afin de canaliser l’eau et d’empêcher la perte du sol sur la zone qui était propice à l’érosion sur sa terre, Jean Landry, producteur de maïs et de soja à Lacolle, a construit une chute en roche tandis que son collègue qui fait pousser des carottes en terre noire, Éric Rémillard, a été le premier à installer un biofiltre, qui permet de filtrer l’eau de rinçage de sa machinerie qui sert à épandre les pesticides.

L’agriculteur affirme avoir surtout posé ces gestes afin de favoriser la biodiversité et la présence de plusieurs espèces animales, notamment par la construction d’un petit lac, sur une partie de sa terre. «J’ai demandé un retrait de culture au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation et j’ai creusé, explique le principal intéressé.  Le projet a été subventionné, mais ça m’a coûté 3 000$ de ma poche.» 

M. Landry, qui participe au projet du bassin versant de la rivière Lacolle, a planté 200 plantes aquatiques et 700 arbres et arbustes tout autour de la chute en roche. Il a aussi apporté 140 tonnes de sable pour créer un espace où les tortues pourront pondre leurs œufs. Des cabanes d’oiseau et de chauve-souris ainsi que des refuges pour couleuvres, ont aussi été installées. 

«Ce sont des actions collectives qui donnent des résultats.  Dans 10 ou 15 ans, on va pouvoir mesurer la différence de qualité de l’eau de la rivière», soutient-il.

Un biofiltre pour contrer les pesticides

«Quand j’étais petit, je pêchais dans le Norton, mais aujourd’hui, il n’y a plus de vie dans ce ruisseau », confie Éric Rémillard, producteur de carottes dont les terres sont traversées par le ruisseau Gibeault-Delisle, qui se déverse à son tour dans le ruisseau Norton. 

Pour l’agriculteur, la gestion de l’eau et la protection des sols est une préoccupation au point de vue de la santé et de l’écologie, mais aussi pour assurer la pérennité même du métier, que les membres de sa famille exercent depuis trois générations.

«Il y a quelques années, on a creusé pour drainer et on s’est aperçus qu’il ne restait que six pieds de terre noire par endroits.  Les équipements de drainage qui avaient été installés à quatre pieds sous terre se trouvaient maintenant à 20 pouces de la surface, indique M. Rémillard.  L’érosion par le vent et l’eau nous fait perdre environ 1 pouce de terre par année.  Si personne ne change ses méthodes de culture, dans 50 ou 70 ans, c’est terminé la terre noire!  C’est triste !»

Selon lui, plusieurs facteurs sont en cause, dont les cultures qui sont de plus en plus intensives et la machinerie qui grossit toujours davantage. «Dans les années 1990, plusieurs agriculteurs ont coupé les arbres qui coupent le vent entre les lots de terre.  Moi, il y a 17 ans, j’ai planté des bouleaux pour briser le vent et empêcher l’érosion du sol », se rappelle-t-il.   

Dans le cadre du projet du bassin versant du ruisseau Norton, il a planté des pieux de cèdre entre lesquels il a tressé du saule, le long de la berge du ruisseau qui traverse ses terres, pour retenir le sol. 

Le producteur a aussi installé une toile géotextile et ensemencé la berge avec du gazon. «Si on ne fait pas ça, la terre et l’engrais qu’elle contient, tombe dans le Gibeault-Delisle, puis dans le Norton. Le Norton devient moins profond et il se réchauffe. Tout ça provoque l’apparition des algues», précise celui qui a aussi planté des fleurs qui attirent des insectes qui sont des prédateurs naturels d’autres insectes ennemis des cultures.

L’an passé, il a été le premier à installer un biofiltre, qui permet de filtrer l’eau de rinçage de sa machinerie qui sert à épandre les pesticides. «On doit rincer trois fois la machinerie quand on change de produit à épandre. Avant on faisait ça dans une zone enherbée de la terre, mais on s’est aperçu que plus rien n’y pousse», continue M. Rémillard. Celui-ci a donc fabriqué un biofiltre, qui consiste en une série de bacs de plastiques empilés les uns sur les autres, qui contiennent de la terre noire, du foin et du compost. La machinerie est rincée aux abords du filtre et l’eau est recueillie et pompée à l’intérieur. Elle percole lentement et à sa sortie, les analyses ont montré qu’elle est débarrassée de 96 % à 100 % des résidus de pesticides qu’elle contenait.

«Je me souviens d’une phrase de Boucar Diouf, raconte M. Rémillard.  Il disait : on n’hérite pas de la terre de nos parents, on l’emprunte à nos enfants.  Ça porte à réfléchir.»