Domaine Neige: l’offre d’achat de la cidrerie était irrecevable selon le juge

ACTUALITÉ – L’offre d’achat présentée devant la cour par le propriétaire du Domaine Neige pour racheter son entreprise a été refusée parce qu’elle a été jugée irrecevable par le juge.

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En difficulté financière, l’entreprise Cidreco, dont faisait partie le Domaine Neige, s’est fait saisir ses actifs par la banque, qui ont ensuite été mis en vente par le biais d’une offre d’achat. Le propriétaire de la cidrerie de Hemmingford, François Pouliot, a bien tenté de racheter son entreprise, mais son offre a été jugée irrecevable.

Dans son jugement, dont Coup d’œil a obtenu copie, le juge par le juge Michel A. Pinsonnault, de la Cour supérieure du Québec, reproche à M. Pouliot d’avoir posé des gestes qui avaient pour but de réduire la valeur de Cidreco et d’éliminer la concurrence dans le processus d’offres d’achat.

Historique

M. Pouliot s’était associé à l’entreprise Pomdial avec qui il a fait l’acquisition de la cidrerie Domaine Pinnacle, à Frelighsburg. La nouvelle entité, Cidreco, qui regroupait Domaine Neige et Domaine Pinnacle, a vu le jour en août 2016.

En mai 2018, M. Pouliot, à titre de président de Cidreco, a reçu deux avis de résiliation de la part du propriétaire du Domaine Pinnacle, en raison d’un défaut de paiement. M. Pouliot a omis de divulguer cette information au séquestre qui avait reçu le mandat de la banque de mettre les actifs de Cidreco en vente.

Entre-temps, une des entreprises qui a déposé une offre d’achat pour faire l’acquisition de Cidreco a signé un nouveau bail avec le propriétaire de la cidrerie Domaine Pinnacle. Or, cette entreprise a des liens très étroits avec M. Pouliot, révèle le juge.

En somme, le juge reproche à M. Pouliot et au propriétaire du Domaine Pinnacle d’avoir mis en place un stratagème visant à donner un avantage à l’une des entreprises qui tentaient de racheter les actifs de Cidreco, dans laquelle M. Pouliot détenait un intérêt.

«Il s’agit sans contredit non seulement de gestes posés délibérément et en toute connaissance de cause par un dirigeant et administrateur de Cidreco en contravention flagrante de l’ordonnance de nomination [NDLR: du séquestre], mais également avec objectif manifeste de réduire la valeur de disposition des biens de Cidreco tout en éliminant, tout compte fait, toute concurrence au niveau du processus des offres d’achat (…) en rendant impossible à tout autre acquéreur potentiel d’utiliser les actifs de Cidreco et de poursuivre leur exploitation sur les sites de Hemmingford et de Frelighsburg», mentionne le juge Pinsonnault.

«Il s’agit d’un comportement illicite qui ne peut être avalisé par le Tribunal», pense le juge, qui conclut que cette offre est irrecevable et qu’elle doit être rejetée.

Réaction

M. Pouliot maintient qu’il n’a jamais vu ces avis de résiliation.

«Ils ont été mis dans le pigeonnier de la comptable, dit-il. Elle est partie parce qu’elle n’était pas capable de travailler en présence du séquestre et je ne les ai pas eus.»

Il précise cependant qu’il a avisé le séquestre qu’un avis de défaut de paiement devait forcément avoir été envoyé puisqu’il était en retard de deux mois dans le paiement de son loyer.

Pour ce qui est de la signature d’un nouveau bail entre le Domaine Pinnacle et l’entreprise à laquelle M. Pouliot comptait s’associer pour racheter les actifs de Cidreco, ce dernier souligne que Pomdial a elle aussi approché le propriétaire de Domaine Pinnacle avant de déposer son offre, afin de savoir s’il y avait une possibilité de s’entendre au préalable.

Pomdial

Le président de Pomdial, Bertrand Deltour, réfute les allégations de M. Pouliot quant aux événements qui ont mené à la séparation des partenaires de Cidreco.

«C’est un mariage raté, dit M. Deltour. Les intentions de départ étaient bonnes et le plan d’action était bon pour redynamiser l’industrie du cidre de glace, mais nous nous sommes vite rendu compte qu’il y avait une problématique au niveau des valeurs et de la vision.»

M. Deltour affirme que Pomdial a accepté de se retirer de la gestion de Cidreco quand il s’est aperçu que ça n’allait plus. «Nous avons même accepté d’être rachetés à un coût inférieur à l’argent que nous avions investi dans l’entreprise, qui était un montant dans les sept chiffres», dit-il.

Le président de Pomdial soutient qu’il était prêt à vendre sa part dans Cidreco pour 90 %, voire 80 % de ce qu’il avait investi.

Contrairement à ce qu’affirme M. Pouliot, M. Deltour assure que les offres de M. Pouliot ne sont pas restées lettre morte, mais qu’il ne pouvait tout simplement pas les accepter. «La première offre qu’on a eue était de 1 $, dit M. Deltour. La deuxième offre avait monté, mais elle était bien en deçà de ce qu’on avait investi.»

C’est un mariage raté. Les intentions de départ étaient bonnes et le plan d’action était bon pour redynamiser l’industrie du cidre de glace, mais nous nous sommes vite rendu compte qu’il y avait une problématique au niveau des valeurs et de la vision.

Bertrand Deltour, président de Pomdial

Suite

Pomdial entend produire et commercialiser la gamme de produits du Domaine Neige à partir de deux sites, soit le Domaine Pinnacle, avec la participation d’un autre producteur de cidre, dont M. Deltour refuse de dévoiler l’identité pour le moment.

«C’est une question de jours avant que l’on puisse continuer de vendre les produits», précise M. Deltour.

Les actifs de Cidreco, acquis par Pomdial, comprennent un inventaire permettant d’approvisionner le marché de cidre de glace pendant deux ans, estime M. Deltour.