Importation de protéines laitières: les producteurs manifestent à la frontière américaine

Lait – Environ 200 producteurs laitiers se sont donné rendez-vous sur l’autoroute 15 à Saint-Bernard-de-Lacolle, le 5 novembre, pour manifester. Ils demandent au gouvernement fédéral d’encadrer l’importation de protéines laitières des États-Unis. Les grands fabricants de fromage et de yogourt utilisent ce dérivé plutôt que du lait 100% canadien.

Les transformateurs de lait du Québec utilisent ces protéines laitières, aussi appelé lait diafiltré, parce qu’elles leur coûtent moins cher que le lait produit ici. Comme le lait diafiltré est très concentré, il leur permet de fabriquer une plus grande quantité de fromage et de yogourt.

Les producteurs laitiers soutiennent que l’importation de ce type de lait ouvre une brèche dans le système de gestion de l’offre qui encadre la production laitière au pays.

Ce système implique que la production de lait au Canada est ajustée en fonction des besoins de la population. Aucune subvention n’est versée aux producteurs. En contrepartie, le gouvernement fédéral limite l’importation de lait.

L’ennui, c’est que le lait diafiltré n’est pas considéré comme du lait, au sens de la loi. Les transformateurs peuvent en importer autant qu’ils le veulent. «Quand ça passe aux douanes, le lait diafiltré est considéré comme un concentré de protéines laitières, explique Christian Kaiser, un producteur laitier de Noyan qui a organisé cette manifestation. Ça n’existait pas quand la loi a été écrite.»

Les producteurs laitiers demandent au gouvernement fédéral de modifier la législation. Ils souhaitent que le lait diafiltré soit considéré comme du lait et que les quantités importées ne dépassent pas ce que permet le système de gestion de l’offre.

Prix

Les producteurs de lait estiment qu’une ferme de taille moyenne perd environ 5000$ de revenus, chaque mois, en raison de ces importations de lait diafiltré qui augmentent depuis quelques années.  

Au-delà de la perte monétaire, les producteurs craignent que ce contournement de l’esprit de la loi ne mette à mal le système de gestion de l’offre et le modèle de production basé sur des fermes familiales. «Si la gestion de l’offre est affaiblie, ce sont les régions du Québec qui vont en subir les contrecoups, croit Réjean Bessette, un producteur laitier de Saint-Athanase. Ça sécurise le prix pour les consommateurs, contrairement à ce qui se passe avec le pétrole.»

M. Bessette rappelle que même si les transformateurs économisent en achetant du lait diafiltré, le prix des produits n’a pas baissé. Seuls les transformateurs sortiraient gagnants dans un scénario où la gestion de l’offre serait abolie, comme c’est le cas en France depuis quelques années. «Ils étaient 800 000 à manifester sur les Champs-Élysées, rappelle M. Bessette. Les producteurs n’arrivent plus, certains se suicident et les consommateurs n’ont pas de meilleurs prix.»

Lait diafiltré: des risques pour la santé?

La présence de plus en plus grande du lait diafiltré dans les fromages et les yogourts présente certains risques pour la santé du public, estime Michel Henin, un producteur laitier de Sainte-Élisabeth.

«Le lait diafiltré produit aux États-Unis ne respecte pas les normes canadiennes, dit-il. Aux États-Unis, on donne une hormone qui favorise la production de lait aux vaches. Cette hormone est refusée au Canada, mais on la retrouve dans le lait diafiltré. Beaucoup d’études disent que ça amène un retard de croissance chez les enfants et des cancers de la prostate.»

M. Henin explique que si, dans les ingrédients d’un produit laitier, on retrouve des substances laitières modifiées, cela pourrait vouloir dire qu’il contient du lait diafiltré. Il cite l’exemple du yogourt Astro ou encore du fromage Ficello.