Vergers Écologiques Philion: des étudiantes en génie convertissent un tracteur diesel à l’électricité

ENVIRONNEMENT – Dans une volonté de réduire son empreinte sur l’environnement, le propriétaire des Vergers Écologiques Philion, Hubert Philion, a décidé d’acquérir un tracteur diesel, qu’il utilise pour exécuter des travaux sur son verger, et de le convertir en tracteur électrique. Lui-même diplômé en ingénierie agricole, il a décidé d’offrir l’opportunité à des étudiantes en génie de mettre en pratique leurs apprentissages en réalisant ce projet.

Hubert Philion est la 5e génération de sa famille à résider au domaine familial ancestral, situé à Hemmingford. Son verger compte 4500 pommiers et 1500 poiriers. À l’automne, on peut y faire de l’autocueillette et se procurer différents produits cuisinés sur place.

Depuis 2004, il produit aussi des alcools, soit Octave, un vin de poire sec, Gaïa, un poiré de glace, et Friga, un cidre de glace.

M. Philion a toujours eu le souci de faire de l’agriculture de façon à avoir le moins d’impact possible sur l’environnement. C’est la raison pour laquelle, il y a quelques années déjà, il s’est doté de bornes de recharge pour les voitures électriques. Plus tard, il a fait l’acquisition de scies mécaniques électriques pour émonder ses arbres.

Tracteur

Puis, l’idée a germé de remplacer son tracteur diesel par un tracteur électrique.

«Ça me prenait un tracteur pour les vignes et les vergers. Ils sont plus étroits et ils ont une force de 60 ou 70 chevaux-vapeur. Ça ne se fait pas à l’électricité dans ce format, précise M. Philion. Le tracteur électrique qui est sorti a une puissance de 100 chevaux-vapeur et il se vend 100 000 $ ou 150 000 $. Ce n’est pas achetable!»

Il a donc eu l’idée de s’en bâtir un lui-même. Ingénieur agricole de formation, il a travaillé dans le secteur de la machinerie agricole pendant une dizaine d’années avant de se tourner vers l’agriculture.

En septembre 2018, il a donc acheté un tracteur diesel 1990 à l’encan, au coût de 4000 $. «J’ai pris un certain risque parce qu’il venait avec une boîte de pièces à côté… Il n’était pas fonctionnel», raconte M.Philion.

Il a ensuite assemblé le tracteur pour le faire fonctionner. «Après, je suis allé chez un concessionnaire pour m’assurer que tout était en ordre, dit-il. Je partais avec un tracteur dont je connaissais le potentiel.»

Étudiantes en génie

M. Philion voulait redonner aux universités où il a été formé. Plutôt que de leur verser un don en argent, il a choisi d’offrir son temps et son expérience, en donnant l’opportunité à des étudiants en ingénierie de réaliser leur projet de fin d’études en travaillant sur son tracteur.

Deux étudiants ont d’abord réalisé une recherche sociale, économique et environnementale sur ce projet, qu’ils ont terminée en décembre 2018.

«Il ne leur restait qu’une session à faire, explique M. Philion. Ils m’ont proposé deux étudiantes pour continuer le projet. Comme dans mon temps, des femmes en génie, il n’y en avait pas beaucoup, j’ai décidé qu’à l’avenir, je ferais appel uniquement à des étudiantes, pour favoriser l’épanouissement des femmes en génie.»

À partir de ce moment, M. Philion a baptisé son projet «Elle-Ectrac», qui reprend les mots «Elle», parce qu’il est conçu par des femmes, «Ec», pour électrique, et «trac», pour tracteur.

Ainsi, de janvier à décembre 2019, Connie Lafferty et Stephanie Greenough, deux étudiantes en génie à l’Université McGill, ont poursuivi le projet Elle-Ectrac. Elles ont fait des recherches, des schémas et elles sont désassemblé le tracteur.

«Quand on fait un baccalauréat, on apprend beaucoup de choses dans les livres. On remplit notre coffre à outils, mais il faut les utiliser, dit M. Philion. Le côté pratique manque souvent. C’était deux filles de Montréal, elles n’avaient jamais vraiment touché à ça. Elles n’avaient jamais pensé faire ça, mais à la fin, elles étaient super contentes!»

M. Philion est maintenant à la recherche de nouvelles étudiantes pour travailler sur le projet Elle-Ectrac.

«La prochaine cohorte ne le terminera probablement pas, pense M. Philion. J’estime que ça va prendre deux ans, à temps partiel. Je laisse les étudiants travailler, chercher… Eux apprennent de mon expérience, et moi, de leurs découvertes.»

L’étudiante en génie, Stephanie Greenough, et le tracteur diesel de M. Philion qu’elle est en train de désassembler.

Avenir

Outre les 1000 litres de diesel qu’il ne consommera plus chaque année, le tracteur électrique va permettre à M. Philion de réduire le bruit pour lui et ses voisins.

Cette conversion permet aussi de prolonger la vie de ces engins qui sont très robustes. «Pourquoi jeter ces vieux tracteurs aux poubelles?, lance M. Philion. Si on fait juste changer le moteur, toute la mécanique qui est en arrière, c’est bon à vie!»

Le projet de tracteur agricole électrique favorise le rayonnement des femmes en génie, réduit les gaz à effet de serre et contribue à une agriculture propre.

-Hubert Philion

Une fois le projet complété, M. Philion entend le présenter au Salon du véhicule électrique de Montréal et au Salon de l’agriculture de Saint-Hyacinthe.

«Je vois plus loin que ça, dit-il. Il y a un potentiel pour convertir les tracteurs diesel qui épandent le sel et le sable sur les trottoirs dans les villes. Comme ils sont souvent utilisés la nuit, cela permettrait aussi de réduire le bruit nocturne. Peut-être qu’il a des étudiantes qui vont vouloir partir leur propre entreprise pour transformer des véhicules diesel à l’électricité. Je ne sais pas, on verra à l’avenir. Je ne fais pas ça pour conquérir la planète. Je le fais pour mon plaisir.»

Entretemps, c’est lui qui finance entièrement Elle-Ectrac. Il n’est pas exclu qu’il recherche du financement pour l’aider à terminer son projet.

D’ici là, il a décidé de participer au concours «Inventer le monde de demain», organisé par Genium 360, une corporation de services destinée aux professionnels en génie. Il a été sélectionné parmi les trois finalistes de la catégorie Engagement.

Le public est invité à voter en ligne pour son projet préféré. M. Philion court ainsi la chance de remporter 3500 $, si son projet est choisi. Cela lui permettrait de financer une partie de son projet.

Vote du public

Pour voter, il suffit de se rendre sur le site Internet du concours en cliquant sur ce lien. Les votes sont acceptés jusqu’au 24 janvier.