Les travailleurs agricoles dénoncent le projet de loi 8

ÉCONOMIE – Réunis à Saint-Rémi pour célébrer le 10e anniversaire du Centre d’appui de l’Alliance des travailleurs agricoles, des membres du syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada (TUAC) ont dénoncé le projet de loi 8 qui, s’il est adopté, aura pour effet de retirer aux travailleurs agricoles le droit qu’ils avaient récemment acquis de se syndiquer.

Selon Anouk Collet, directrice régionale des TUAC Canada, ce projet de loi retire de manière injustifiée le droit de se syndiquer et de négocier, de même que l’accès à un mécanisme de revendication légitime et efficace aux travailleurs agricoles œuvrant au Québec. 

Le projet de loi 8 prévoit que les travailleurs ont le droit de se regrouper en associations et de formuler des observations à l’employeur que ce dernier doit écouter ou lire, si elles sont présentées par écrit.  «Comment reconnait-on la légitimité de l’association?», demande Mme Collet. 

Mythe

Mme Collet croit que l’argument selon lequel les fermes familiales ne sont pas outillées pour négocier et appliquer des conventions collectives ne tient pas la route.  «Il faut défaire le mythe de l’exploitation familiale.  En 50 ans, ce secteur a évolué.  Il y a une concentration d’agriculteurs.  C’est un secteur rentable!»

Elle dénonce aussi le fait que le projet de loi 8 s’applique aux exploitations agricoles qui emploient moins de trois salariés «de façon ordinaire et continue».  «Nos travailleurs sont là neuf mois par année, mais ils sont exclus du régime parce que les fermes tombent en bas de trois employés l’hiver», dit-elle.

Quant à l’argument des producteurs selon lequel ils n’ont pas de rapport de force devant d’éventuels moyens de pression des travailleurs agricoles, notamment à cause de la météo, Mme Collet rétorque que certains centres de ski et terrains de golf sont syndiqués, bien qu’ils soient eux aussi tributaires des aléas des conditions météorologiques.

Demandes syndicales

Les TUAC reconnaissent que le secteur agricole a ses particularités, mais estiment néanmoins qu’il serait possible d’obtenir un régime de négociation de conventions collectives.  «Les travailleurs agricoles veulent des garanties d’heures», explique Mme Collet.  Elle souligne qu’en Ontario, certains jugements de la Cour ont permis de modifier le calcul des heures supplémentaires et ainsi d’alléger le fardeau pour les agriculteurs.

En ce qui concerne les moyens de pression, Mme Collet est d’avis que les travailleurs agricoles veulent travailler.  «Ils n’ont pas intérêt à faire la grève.  Ce qu’ils veulent le plus, c’est de revenir l’année suivante.  Ils demandent le droit d’être rappelés, le respect de l’ancienneté.»

Les TUAC déposeront un mémoire devant la Commission de l’économie et du travail, dont les travaux débuteront le 9 septembre à l’Assemblée nationale.

Retour en arrière

Rappelons qu’un paragraphe du Code du travail stipulait que les employés qui travaillaient pour une exploitation agricole employant moins de trois employés permanents, à l’année, n’avaient pas le droit de se syndiquer.  La Cour supérieure a rendu une décision le 11 mars 2013, indiquant que ce paragraphe ne respectait pas la Constitution canadienne, privant ces travailleurs de leur droit de s’associer.

Dans son jugement, la Cour laissait un an au gouvernement pour modifier cet article du Code du travail et le rendre conforme à la Charte des droits sans quoi, le paragraphe en question disparaitrait de la loi, tout simplement.  Le délai d’un an s’est écoulé sans qu’aucun changement à la loi n’ait été apporté par le gouvernement de Pauline Marois, ce qui a rendu ce paragraphe inopérant, jusqu’à ce que les libéraux annulent cette décision avec le dépôt du projet de loi 8, en juin dernier, par le ministre du Travail, Sam Hamad.