Les travailleurs agricoles en voie de perdre leur droit à la syndicalisation

Monde du travail – Le ministre du Travail, Sam Hamad, a déposé le projet de loi 8 à l’Assemblée nationale du Québec, le 13 juin, afin d’encadrer le droit d’association des travailleurs agricoles.  S’il est adopté, ce projet de loi restreindra le droit de syndicalisation que ces travailleurs avaient acquis le 11 mars 2014.  Ils pourront désormais former une association de travailleurs, mais sans avoir le droit de recourir à la grève. 

Ce projet de loi permettra aux salariés d’exploitations agricoles, qui emploient moins de trois employés de façon ordinaire et continue, de faire partie d’une association de travailleurs et de présenter des observations au sujet de leurs conditions d’emploi à leur employeur, qui se devra d’en prendre connaissance de manière diligente et de bonne foi.  Cependant, contrairement au droit à la syndicalisation, les parties ne pourront pas recourir à la grève ni au lock-out.

«On n’est pas contre la syndicalisation, explique Stéphane Billette, député libéral de Huntingdon, qui avait déposé un projet de loi similaire avant le déclenchement des dernières élections provinciales.  On a donné un peu d’oxygène aux petites fermes qui n’ont pas les ressources pour négocier des conventions collectives.  En Ontario, ils ont les mêmes lois, pour toutes les formes d’exploitations agricoles [indépendamment du nombre de travailleurs qu’elles emploient]»¸ soutient M. Billette, qui avait travaillé sur un projet de loi semblable avec le député de Chomedey, Guy Ouellette, lors de la dernière session parlementaire, mais qui était mort au feuilleton avec le déclenchement des élections.

Les agriculteurs se réjouissent de cette nouvelle.  «Ça nous satisfait parce que c’est exactement ce que nous souhaitions, explique André Plante, directeur général de l’Association des producteurs maraîchers du Québec.  Il n’y a pas de problème à ce que les travailleurs soient représentés par une association.  On trouve ça sain, mais c’est une question de rapport de force.  On cultive du vivant.  Si une entreprise syndiquée fait des moyens de pression, le producteur est vraiment vulnérable et il perd sa récolte.»

Du côté syndical, l’heure n’est pas à la fête.  «Je trouve ça malheureux, soutient Michel Tardif, responsable du dossier des travailleurs agricoles à la section locale 501 des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation du Canada.  Ça permettait aux gens les plus démunis d’avoir une défense pleine et entière de leurs droits.»  Il fait référence aux nombreux employés agricoles migrants qui travaillent chaque été dans les champs au Québec.  «Ces gens ne se plaignent pas parce que s’ils se plaignent, ils ne peuvent pas revenir», ajoute M. Tardif.

Rappelons que le paragraphe 5 de l’article 21 du Code du travail privait les employés qui travaillaient pour une exploitation agricole employant moins de trois employés permanents à l’année du droit de se syndiquer.  La Cour supérieure a rendu une décision le 11 mars 2013, indiquant que ce paragraphe ne respectait pas la Constitution canadienne, privant ces travailleurs de leur droit de s’associer. 

Dans son jugement, la Cour laissait un an au gouvernement pour modifier l’article du Code du travail et le rendre conforme à la Charte des droits sans quoi, le paragraphe cinq disparaîtrait, tout simplement.  En date du 11 mars 2014, le gouvernement de Pauline Marois n’avait toujours pas modifié l’article 21.