Tabac: hausse importante des saisies
La valeur des produits du tabac de contrebande saisis au poste frontalier de St-Bernard-de-Lacolle a atteint 5,3 M$ entre janvier et juin 2013, un bond de plus de 75% par rapport à l’ensemble de l’année 2012 durant laquelle la valeur du tabac saisi a atteint 3 M$. Selon un expert, une combinaison de facteurs permet d’expliquer la différence de la valeur des saisies d’une année à l’autre.
La dernière saisie d’importance de produits du tabac de contrebande, effectuée au poste frontalier de St-Bernard-de-Lacolle, a été annoncée le 27 juin par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).
Les agents ont alors mis la main sur 10 570 kg de tabac en vrac, dont la valeur est estimée à 850 000$. Le camionneur s’était présenté au poste frontalier en déclarant qu’il transportait du papier déchiqueté. Un agent, qui avait des soupçons, a décidé de procéder à un examen du camion, duquel se dégageait une forte odeur de tabac, ce qui lui a permis de découvrir la marchandise illégale.
Le 23 mai, l’ASFC annonçait avoir saisi 6514 kg de tabac de contrebande, toujours au poste frontalier de St-Bernard-de-Lacolle, dont la valeur était estimée à 500 000$. Puis, le 27 mars, l’annonce de l’ASFC concernait une saisie de 16 800 kg de tabac, d’une valeur estimée à 1,75 M$.
Plusieurs facteurs mis en cause
D’après les données fournies par l’ASFC, les saisies de plus grande valeur sont généralement effectuées aux postes frontaliers commerciaux. En 2008, 312 055 véhicules ont transité par le poste frontalier commercial de St-Bernard-de-Lacolle, mais aucune saisie n’a été effectuée. En 2012, ce sont 269 917 véhicules qui ont traversé la frontière à cet endroit, soit 42 138 véhicules de moins qu’en 2008. Pourtant, 7 saisies ont été effectuées l’an dernier, permettant d’intercepter du tabac de contrebande pour une valeur estimée à plus de 1,3 M$.
Qu’est-ce qui explique l’augmentation de près du double de la valeur des saisies de tabac de contrebande dans les 6 premiers mois de 2013 par rapport à l’année 2012 entière ? Du côté de l’ASFC, on indique qu’il n’y a pas une raison unique permettant d’expliquer cette augmentation. «On ne fait pas de spéculation quant aux raisons qui expliquent l’augmentation du nombre de saisies ou leur valeur, explique Sandra Duchesne, conseillère en communication à l’ASFC. Plusieurs facteurs sont en cause, dont le nombre de camions qui passent, les quantités de tabac qui varient d’une saisie à l’autre et le résultat des enquêtes en cours». Selon Mme Duchesne, il n’y aurait pas davantage d’agents en poste, leur nombre étant le même depuis 5 ans.
Selon Mme Duchesne, les méthodes de travail des agents ne sont pas différentes des années passées. «Le tabac de contrebande est plus souvent transporté dans des camions-remorques de 48 à 53 pieds, qui appartiennent à des compagnies de transport ou à des opérateurs propriétaires. Il n’y a pas une raison spécifique pour laquelle on décide de fouiller un véhicule. On vérifie le comportement des gens, si la personne est stressée. Ça peut être parce qu’il s’agit d’un nouvel importateur ou parce qu’il y a des anomalies au niveau des déclarations.»
Un expert se prononce
Selon Eugene Oscapella, avocat et professeur au département de criminologie de l’université d’Ottawa et spécialiste de la politique sur les drogues illicites, il existe plusieurs explications possibles à ce phénomène. «C’est un problème depuis au moins 20 ans. Le gouvernement a pris une décision économique de hausser les taxes sur le tabac. Quand on taxe davantage les produits du tabac au Canada, ça incite à en faire le trafic avec les États-Unis, explique M. Oscapella. On augmente les taxes pour décourager les jeunes de fumer, mais une diminution des taxes rendrait la contrebande moins attrayante. C’est un équilibre délicat», explique-t-il.
M. Oscapella croit que le contexte politique est propice à une augmentation de la surveillance aux frontières. «La philosophie du Parti conservateur envers les drogues illicites est d’utiliser davantage les forces policières pour régler les problèmes. On augmente les taxes sur le tabac et on tente ensuite de résoudre les problèmes avec la police», affirme-t-il.
Un contexte économique particulier peut aussi expliquer l’augmentation du trafic de tabac. Selon M. Oscapella, une augmentation du taux de chômage implique qu’il y a moins d’emplois disponibles dans l’économie légitime.
Aussi, une croissance de la surveillance aux frontières pourrait expliquer cette augmentation des saisies à un poste frontalier en particulier. «Si on met un peu de pression à un endroit, les trafiquants vont chercher un autre endroit pour entrer», note le spécialiste.