Taxe scolaire:jusqu’à 50% d’augmentation d’ici trois ans
La taxe scolaire pourrait augmenter de 50% d’ici trois ans et de près de 30 % dès juillet si les commissions scolaires veulent maintenir les services aux élèves à la suite des importantes compressions budgétaires que Québec leur a imposées. Une hausse que déplorent les commissaires qui ne veulent pas être la cible de la grogne populaire. «Le département des miracles n’existe plus!», estime Marie-Louise Kerneïs, présidente du conseil des commissaires de la commission scolaire des Grandes-Seigneuries (CSDGS).
«Le montant de la taxe scolaire est établi en fonction de l’évaluation foncière de notre propriété. Comme en 2006 il y a eu un boom immobilier, Jean-Marc Fournier, qui était alors ministre de l’Éducation, avait consenti une réduction de la taxe scolaire aux contribuables et c’est le gouvernement qui versait la différence aux commissions scolaires. Ce devait être une mesure temporaire, explique Andrée Bouchard, présidente du Conseil des commissaires de la Commission scolaire des Hautes-Rivières (CSDHR).
«Le gouvernement actuel veut atteindre le déficit zéro et nous avons appris au mois de novembre dernier que cette mesure provisoire ne sera plus en vigueur après le 30 juin 2013», indique-t-elle.
Pour la CSDHR, la disparition de cette allocation entraînera une baisse de revenus de plus de 14 M$ sur trois ans. Elle devra donc récupérer 7 M$ en 2013-2014, 3,5 M$ en 2014-2015 et 3,5 M$ supplémentaires en 2015-2016. Dans le but d’assurer le maintien et la qualité des services offerts aux élèves, le conseil des commissaires de la CSDHR a décidé que la perte de revenus devra être comblée à même la taxe scolaire. Le conseil a exprimé publiquement son désaccord envers cette décision que l’oblige à prendre le gouvernement, estimant que les commissions scolaires avaient déjà largement contribué à l’équilibre budgétaire, que cherche à atteindre le gouvernement du Québec.
Retour au compte de taxe réel
Les commissions scolaires qui bénéficiaient de cette péréquation devront maintenant trouver une autre source de financement afin de combler le manque à gagner. Elles pourront notamment récupérer le plein montant de la taxe scolaire et auront trois ans pour le faire.
À titre d’exemple, Mme Bouchard explique que pour la CSDHR, le taux maximal de taxe scolaire que la CSDHR peut percevoir est de 0,31$ du 100$ d’évaluation foncière d’une propriété. Suite à la réduction de taxe consentie par les libéraux, elle ne recevait plus que 0,21$ par 100$ d’évaluation foncière. Le 0,10$ manquant était alors versé directement par le gouvernement, à la commission scolaire.
Par exemple, pour une propriété évaluée à 220 100$ le montant de la taxe scolaire devrait être de 693,98$, mais avec la réduction accordée de 274,66$, le montant de taxe scolaire que ce citoyen a payé est plutôt de 419,32$. Le montant de la réduction, 274,66$ dans cet exemple, devra être récupéré par les commissions scolaires d’ici trois ans. Elles prévoient rattraper 50% du montant de la réduction pendant la première année, donc dans cet exemple, le citoyen verra sa facture grimper de 137,33$ et de 25% supplémentaires pour les deux années suivantes. Ainsi, dans trois ans, le montant réel de la taxe scolaire sera 274,66$ de plus que ce qu’il était avant l’abolition de la réduction.
Des moyens réclamés pour contrer le décrochage
«Je suis très déçue que le gouvernement envoie la roche dans notre cour. Tous les élèves du territoire méritent des services éducatifs de qualité, souligne Mme Bouchard.
«Nous avons des cibles de décrochage scolaire. Nous étions à 30% de décrochage et nous avons réussi à abaisser ce taux à 20%, malgré les compressions des dernières années et nous voulons continuer! Juste pour nous, l’an dernier, les coupures ont atteint 1,2 M$. Si l’éducation était une réelle priorité nationale, personne ne permettrait ces compressions persistantes depuis tant d’années dans le réseau public des commissions scolaires», soutient Mme Bouchard.
Même son de cloche du côté de la commission scolaire des Grandes-Seigneuries (CSDGS). «Il est illusoire de penser que ces prochaines coupures n’affecteront pas les services aux élèves», soutient Marie-Louise Kerneïs, présidente du conseil des commissaires de la CSDGS.
Pour le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), il n’est pas question de réduire les services offerts.
«Les services aux élèves ne peuvent pas être affectés. Le gouvernement demande aux commissions scolaires de procéder à une réduction de leurs dépenses administratives», explique Esther Chouinard, de la direction des communications au MELS.
La perception des contribuables redoutée
«Le gouvernement précédent aurait dû déterminer à l’avance la durée de la mesure temporaire. Après tant d’années, les gens ne savent même pas qu’ils bénéficient d’une réduction de la taxe scolaire. Pourtant, c’est bien indiqué sur leur compte, explique Mme Bouchard.» Dans les faits, explique-t-elle, il ne s’agit pas d’une augmentation, mais bien de l’abolition d’une réduction de la taxe scolaire qui, à l’origine, se voulait une mesure temporaire.
Du côté de la CSDGS, on cherche aussi à donner l’heure juste aux contribuables. «On nous a déjà imposé 6M$ de coupures budgétaires depuis trois ans, explique Mme Kerneïs. Honnêtement, il n’y a plus de marge de manœuvre. On coupe dans les services administratifs, mais il faut tout de même comprendre que nous avons 2300 employés, dont 70% sont des enseignants, qui desservent plus de 24 000 élèves répartis dans 54 établissements d’enseignement et nous parcourons près de 15 700 km par jour en transport scolaire. En ce moment, nos services administratifs ne représentent que 4% de notre budget total de 220 M$. À présent, la seule façon qu’on a de récupérer le manque à gagner, c’est d’abolir en partie la réduction de la taxe scolaire. Le département des miracles n’existe plus!»
«C’est d’une naïveté abominable de croire que de couper dans les services administratifs n’aura pas d’impacts sur les élèves, croit Mme Kerneïs. Les conseillers pédagogiques permettent aux enseignants de rester à jour. Il y a une réflexion à faire sur la priorité à l’éducation. Il va falloir s’asseoir avec le gouvernement et faire ce que j’appelle une thérapie de la réalité.»