Un premier pas vers la fermeture des zoos, craint le propriétaire du Parc Safari

Actualité. Le propriétaire du Parc Safari, Jean-Pierre Ranger, dénonce le projet de loi S-241, aussi appelé Loi de Jane Goodall, du nom de la célèbre primatologue, qui appuie cette démarche. Déposé le 22 mars par le sénateur Marty Klyne, ce projet de loi vise notamment à éliminer la présence d’éléphants en captivité au Canada.

Présenté aux sénateurs en deuxième lecture, le 24 mars, le projet de loi prévoit de nouvelles mesures de protections juridiques pour plusieurs centaines d’espèces animales, dont les primates, certains reptiles, les félins, mais aussi les ours et les loups.

« Pour mettre les choses en contexte, plus de 4000 grands félins sont détenus par des particuliers au Canada, souligne le sénateur Klyne. On signale de mauvaises conditions, des problèmes de sécurité et un manque de surveillance. Pour vous donner une idée du nombre d’animaux sauvages en captivité, il existe entre 100 et 150 attractions fauniques au Canada. Les animaux qui s’y trouvent pourraient être protégés aux termes de cette loi. »

Ce projet de loi interdit la captivité de tous les phoques, lions de mer et morses et il mettrait fin à la tenue en captivité d’éléphants.

« Pourquoi ? C’est principalement parce que notre climat ne leur convient pas, ce qui force ces créatures énormes, intelligentes et sociales, à vaste répartition, à passer l’hiver à l’intérieur », explique M. Klyne.

Portée du projet de loi

Ce projet de loi interdit « aux petits zoos privés de posséder plus de 800 espèces sauvages en captivité », précise le sénateur. La reproduction de certaines espèces serait aussi interdite.

De plus, il serait désormais interdit d’importer au Canada, d’exporter hors du Canada ou d’une province à une autre, des animaux, à moins d’avoir obtenu une licence.

Nouveau cadre législatif

Un nouveau cadre législatif, administré par Environnement et Changement climatique Canada, s’appliquerait aux institutions zoologiques.

« En établissant un statut légal pour les organismes animaliers crédibles, ce projet de loi apporterait des avantages aux animaux et inspirerait confiance aux visiteurs en ce qui concerne la qualité des soins animaliers, la sécurité, la conservation, la science et l’éducation », pense le sénateur Klyne.

Réaction

Plusieurs institutions zoologiques au pays approuvent ce projet de loi, dont le -Zoo de Granby et le Biodôme de Montréal.

Le Zoo de Granby a déjà annoncé qu’il cesserait progressivement de maintenir des éléphants en captivité. On compte actuellement 20 éléphants en captivité au pays, répartis à quatre endroits, rappelle le sénateur. De ce nombre, deux sont hébergés au Parc -Safari.

Le propriétaire du Parc Safari, Jean-Pierre Ranger, s’oppose aux restrictions qu’impose ce projet de loi, qui ne devraient pas s’appliquer à son institution, croit-il.

« Ce projet de loi s’attaque aux zoos qui s’érigent le long des routes, où l’on présente des lions, des tigres et des éléphants, mais ça ne devrait pas s’appliquer au Parc Safari parce que nous offrons de grands espaces aux animaux, pense M. Ranger. Au Parc Safari, nous avons 152 hectares. »

Importation et reproduction

M. Ranger dénonce aussi la volonté du sénateur d’interdire l’importation d’animaux.

« Il pense qu’on ne devrait plus importer de félins, de girafes, d’éléphants ou de primates. Le sénateur se place au-dessus du niveau de compétence d’Aquariums et zoos accrédités du Canada, un regroupement qui existe depuis 1974. Ce raisonnement nous mène à la fin des institutions zoologiques », craint M. Ranger.

« Nous avons réintroduit des guépards en Afrique qui sont nés chez nous. Le projet de loi dit qu’on ne pourrait plus faire de la reproduction. Pourtant, nos conditions de garde sont parmi les meilleures », plaide-t-il.

Le cheval de Troie que représente cette loi est un premier pas vers la fin des institutions zoologiques. Je pressens une menace dans ce projet de loi.

Jean-Pierre Ranger

Le propriétaire du Parc Safari rappelle que les éléphants présents au Canada sont nés au pays ou sont venus des États-Unis. De la même façon, le Parc Safari envoie des guépards à Toronto, pour diversifier leur génétique.

« Nous devons faire de tels échanges autrement, le stock génétique des animaux s’appauvrit », explique-t-il.

Débat

Jean-Pierre Ranger convient que certaines questions posées à travers ce projet de loi sont légitimes, mais la problématique est plus vaste que la simple question de la garde en captivité d’animaux sauvages.

« On se pose des questions sur l’état d’âme des tigres, mais pendant ce temps, on oublie le volet de la sensibilisation de millions de personnes à la réduction des espaces vitaux pour des animaux comme les lions, les tigres, les baleines ou les girafes, illustre-t-il. Ces espaces, il y en a de moins en moins. Un endroit où ces animaux peuvent trouver refuge et être préservés pour la postérité, c’est au Parc Safari. »

M. Ranger dénonce le fait que ce projet de loi fédéral « attaque tout le monde, sans discernement ».

« Tout ce débat repose sur le fait que ce sénateur vient de l’Ontario, où on a un mouvement plus accentué qu’ici, qui vise à mettre fin à l’achat libre d’animaux exotiques, pense M. Ranger. Au Québec, le ministère de la Faune et des Parcs a une réglementation qui est à la fine pointe en ce qui concerne la garde des animaux. Quelqu’un qui présente des lions et qui joue avec eux, c’est problématique, mais au Québec, ce n’est pas ce qu’on fait. S’attaquer aux roadside zoos en Ontario, je comprends, mais s’attaquer à toutes les institutions zoologiques, ça ne marche pas. M. le sénateur, allez régler vos problèmes en Ontario ! »

Survie des espèces

Ultimement, le fait de pouvoir garder certaines espèces vulnérables en captivité permettra d’éviter leur disparition, croit M. Ranger.

« Il ne restait que 2000 à 3000 guépards en liberté en Afrique. Si aujourd’hui, ça va un peu mieux, c’est parce qu’il y a des institutions comme la mienne où on fait de la reproduction, de la sensibilisation et de la réintroduction, clame-t-il. Il y a aussi les girafes blanches du Niger. Il n’en restait que 20 ou 30 avant l’intervention d’une institution zoologique, en Europe. Les lions, les tigres, les guépards ou les éléphants sont jugés nuisibles là où ils sont. Ils sont démesurément plus vulnérables. Quand les humains font de grandes cultures et qu’ils amènent des villages, qu’advient-il de ces animaux ? On en amène quelques-uns en Amérique et en Europe et on leur donne des conditions de vie acceptables. En 2050, nous serons 11 milliards d’humains sur la planète. La question fondamentale, c’est où iront ces animaux ? Il y a des virages à prendre pour que nous trouvions des réponses à la survie de 11 milliards de personnes. Y a-t-il de la place pour que nos enfants voient un échantillonnage des beautés de la nature que représentent toutes ces espèces, petites et grandes ? », conclut M. Ranger.