«L’Ombre des monastères» de Jean Louis Fleury: plonger dans la psychologie de l’extrême droite

LITTÉRATURE – C’était avant les attentats à la mosquée de Québec, l’arrivée de Trump au pouvoir et les émeutes de Charlottesville. Jean Louis Fleury écrivait les dernières lignes de son polar L’Ombre des monastères qui plonge l’intrigue au centre d’une série d’attentats perpétrés contre des musulmans.

Prémonitoire? Plutôt une suite logique de l’actualité. Écrit en 2016 peu après les attentats de Bruxelles et du Bataclan, le roman policier sorti en librairie le 26 octobre s’appuie sur les motivations de l’extrême droite.

«Je suis Français d’origine, raconte l’auteur de Saint-Valentin qui habite la province depuis plus de 40 ans. J’ai connu dans ma jeunesse des gens de l’extrême droite en Europe. […] L’extrême droite y est plus agressive, hostile et guerrière, comparativement au Québec avant l’attentat dans la capitale. Il y a un mouvement xénophobe qui n’hésite pas à descendre dans la rue.»

L’auteur et son éditeur aux éditions Alire ont voulu laisser les écrits tels quels après toute cette terrible actualité. «On n’a pas voulu changer quoi que ce soit, car il se tenait en entier. C’est très précurseur, car l’attentat ressemble beaucoup à celui de Québec, mais en même temps ça veut dire que c’est dans l’air du temps.»

Récit

L’Ombre des monastères est le sixième roman de Jean Louis Fleury mettant en vedette Aglaé Boisjoli. L’ex-enquêteuse de la Sûreté du Québec reprend donc du service pour un contrat nécessitant ses compétences en psychologie.

«À la fin du roman précédent, elle quittait le service, raconte celui qui avait été finaliste aux prix Arthur-Ellis et Saint-Pacôme grâce à L’Affaire Céline. Mais elle y revient comme psychologue associée à une enquête entourant des attentats qui ont eu lieu au Québec, mais aussi en France et en Belgique.»

Les enquêteurs vont trouver des ressemblances dans leur exécution. En établissant le profil psychologique du ou des tueurs, la doctorante en la matière découvrira qu’au-delà des groupuscules dont on entend parler dans les médias, cette mouvance possède au Québec des racines au passé lointain.

La psychologie du mouvement est donc au cœur de l’intrigue du polar. L’accent n’est pas mis sur les meurtres sordides et les attentats, mais sur le leitmotiv derrière tout ça.

«J’aime le factuel, explique l’auteur. La psychologie permet de faire le pont entre les assassins. C’est plus facile de raconter la logique dans la démarche que les meurtres.»

Racine

L’utilisation de l’aspect psychologique de l’enquête permet à l’auteur de décortiquer ce qui se trouve derrière le mouvement d’extrême droite sur les deux continents. Car comme l’explique l’ex-dirigeant du E7 (regroupement des sept plus grandes compagnies d’électricité mondiales), les bases de l’extrémisme d’ici remontent à l’après-guerre européenne.

Aujourd’hui à la retraite, Jean Louis Fleury rappelle que certains collaborateurs fascistes français ont immigré ici au Québec durant l’après-guerre apportant avec eux leurs idéaux. Pour sa part, les racines de la xénophobie en Europe sont liées avec la Russie notamment.

Russie

«Les gens ont été chassés de la Russie avec la montée du communisme et plusieurs se sont retrouvés un peu partout en Europe en restant hostiles à ce régime, rappelle l’auteur. Quand les gens des pays arabes sont arrivés en France, à la demande des Français qui souhaitaient avoir de la main-d’œuvre, ils sont devenus islamophobes. Tout ça est devenu plus grave dans les dernières années et ça m’a servi de bouteille à encre.»