Un homme et ses chiens de Marc Séguin: « L’art de vivre: rêver juste »

Lecture. Après cinq romans, des poèmes, des chroniques et L’atelier (2021), un journal de bord de son travail d’artiste peintre, Marc Séguin, un auteur de Hemmingford, propose Un homme et ses chiens (Leméac, 2022).

L’homme du titre reste sans nom. Sa mère lui apprend, seule, à observer, à apprécier et à s’engager en respectant la parole donnée. Malgré les liens étroits mère-fils, l’absence du père laisse des traces autant que de découvrir que le père Noël est une chimère.

Ses chiens

Contrairement à lui, ses chiens sont tous identifiés. Après Mujo, son compagnon d’enfance devenu témoin de ses colères et confident de l’intimidation que le petit rouquin subit à l’école, il y a Solo, un braque allemand compagnon des années à guider les chasseurs sur l’île d’Anticosti. Puis, il choisit Easter, un labrador de la lignée Chesapeake retrievers qui sera le plus près de lui d’entre tous et le plus dépendant.

Pour l’homme, l’amour a toujours été une quête impossible. Au début, il y a Élisabeth qui peine à comprendre son caractère impétueux et ses humeurs changeantes. Arrive Clara Sauvage qui s’accommode de sa personnalité et de ses élans amoureux. Marie Chase Cadieux est sa dernière amoureuse. Ce sont les étrangers qu’il guide à « qu’il en révélait un peu plus, [et qu’il] demeurait un mystère pour ses proches. Et une énigme pour l’amoureuse. Pour chaque amoureuse. »

L’amour

L’homme devient guide de chasse, seul avenir, croit-il, pour calmer les tourments qui l’habitent. « Adulte, sur un littoral de l’île d’Anticosti, il allait constater en souriant que la marée haute devant lui voulait dire qu’elle était basse ailleurs. L’amour n’échapperait pas à ce calcul. Parfois une somme, plus tard, une différence. L’homme allait renoncer tôt à comprendre le désarroi amoureux et faire de son mieux pour la suite. »

Durant ces mois d’ensauvagement, « l’homme aimait boire: c’était ainsi plus facile de trouver les clés et d’ouvrir ses portes secrètes, ça apaisait les craintes d’y découvrir trop de miroirs. Et ça donnait pour un temps, accès à certaines vérités essentielles. Comme celles des vieux qui, dans leurs derniers soupirs, racontent qu’à la fin il n’aura été question que d’amour. Eux aussi sont victimes d’un siècle inquiet. »

L’appel du grand air

J’emprunte à la quatrième de couverture le résumé de la trame: « Le personnage de cette fable entretient avec le réel et les êtres qu’il aime des rapports incertains, parfois difficiles, souvent rageurs. Ado et jeune homme, il aura joué le jeu de l’amour sans trop y croire, mais tout en voulant bien y croire. Plus vieux, avec des compagnes tenaces et lucides, il tentera encore de faire le bout de chemin nécessaire malgré l’artifice actuel des conventions affectives: engagement, secrets, partage. »

« Mais impossible pour cet homme de résister à l’appel du grand air… À l’appel, surtout, de ses fidèles chiens, ses confidents; modèles, en quelque sorte, de sa nature première, animale. Dans des situations tour à tour urbaines et insulaires, au Sud comme au Nord, les forces de création et de destruction, de vie et de mort, d’union et de rupture se chamaillent en lui, sans jamais s’apaiser. Avec comme ligne d’horizon la fin du monde annoncée d’une planète inquiète. »

Le destin

Le décès d’Henry, qui lui a appris comment guider les chasseurs d’oiseaux à l’île aux Naufrages, est un tournant majeur pour l’homme, comme si son mentor lui avait légué une certaine sagesse. Il quitte Clara alors qu’émerge l’amour idéal de Marie, la fille cadette d’Henry, qui devient une quête hors de l’ordinaire qui s’achèvera sur un violent coup de tonnerre du destin.

Un immense privilège

La trame narrative et les péripéties d’Un homme et ses chiens m’ont chaviré par leur puissance évocatrice. Sans oublier la littérarité qui fait de ce livre une œuvre complexe aux multiples variations langagières et stylistiques. Je considère ce livre comme un immense privilège qui nous est accordé.