Les cas de grippe aviaire sont plus nombreux que prévu au Québec

MONTRÉAL — Les éleveurs de volaille du Québec sont aux prises avec une série d’épidémies mortelles de grippe aviaire, alors que le nombre d’oiseaux morts ou euthanasiés à cause de la maladie depuis le début de l’année dernière approche le million.

Les aviculteurs prennent tous des précautions supplémentaires, a indiqué Sylvain Junior Henrie, copropriétaire de la Ferme La Caboche à Rimouski. 

À sa ferme située au nord-est de Québec, les gens changent de bottes et de combinaisons avant d’entrer dans les bâtiments. Il attend plus tard dans l’année pour mettre son troupeau à l’extérieur, et il a investi dans des abris mobiles et une série de bâches et de toiles pour s’assurer que les oiseaux sauvages ne peuvent pas se mêler à ses poulets, canards et dindes biologiques.

«L’important est de ne pas apporter quelque chose de l’extérieur dans nos zones d’élevage», a expliqué M. Henrie.

Ce dernier a été épargné jusqu’à présent tout comme d’autres agriculteurs de sa région, mais le virus hautement pathogène H5N1 a un impact généralisé sur l’élevage de volailles dans la province, allant de l’anxiété des agriculteurs à une pénurie du médicament utilisé pour euthanasier les troupeaux infectés.

Vendredi, 20 localités de la province étaient considérées comme activement infectées. L’Alberta avait le deuxième plus grand nombre de sites infectés avec 11, suivie de la Colombie-Britannique avec huit. Plus de 7,6 millions d’oiseaux au Canada sont morts ou ont été euthanasiés à cause de la grippe depuis l’an dernier, dont 945 000 au Québec.

Le 26 avril, le gouvernement du Québec a mis en place de nouvelles règles interdisant les expositions, les foires ou les ventes où se côtoient des oiseaux de différents endroits.

Martin Pelletier, porte-parole d’un groupe qui surveille les maladies de la volaille au Québec, a déclaré qu’il y avait déjà eu plus d’épidémies cette année que l’année dernière.

«Nous nous attendions à avoir des cas cette année, et il est certain que nous en avons eu plus que prévu», a-t-il soutenu. M. Pelletier, qui est directeur général de L’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles, a expliqué que les cas peuvent augmenter au printemps en raison du retour des oiseaux migrateurs porteurs de la maladie.

Défis multiples

Jean-Pierre Vaillancourt, professeur à l’École vétérinaire de l’Université de Montréal, a indiqué que les éclosions actuelles sont concentrées dans un groupe de fermes de la région de la Montérégie, à l’est de Montréal. Il a précisé que la proximité des fermes – certaines à moins de 200 mètres les unes des autres – peut créer des problèmes si les employés, l’équipement ou les installations sont partagés.

«Nous avons une situation où vous avez beaucoup de fermes très proches les unes des autres, a-t-il souligné. Donc, cela a créé ce genre de série d’épidémies.»

Il a spécifié que certaines des fermes concernées sont des élevages de canards, ce qui crée un risque accru, car les canards ont tendance à porter la maladie plus longtemps avant de présenter des symptômes.

M. Vaillancourt a déclaré qu’à l’exception du Québec, les cas dans le reste du Canada et aux États-Unis sont bien inférieurs à ceux de l’an dernier. Mais l’épidémie suscite toujours de nombreuses inquiétudes, notamment les défis environnementaux liés à l’élimination des carcasses et l’acceptabilité sociale de tuer des dizaines de milliers d’oiseaux à la fois.

Selon M. Vaillancourt, la grippe aviaire est «dévastatrice à plusieurs niveaux» pour les producteurs qui doivent voir leurs troupeaux entiers détruits. Bien qu’ils soient indemnisés pour les oiseaux perdus, les perturbations de la production peuvent prendre des mois à surmonter, nuisant aux économies des régions qui dépendent des emplois agricoles.

Le bien-être des animaux est également une grande préoccupation, a-t-il déclaré. Les troupeaux où se trouve le virus sont euthanasiés, en partie pour leur épargner une mort lente due à la maladie. Cependant, le dioxyde de carbone – le gaz de choix pour euthanasier les oiseaux – est actuellement en pénurie, en raison de la forte demande pour la fabrication de boissons gazeuses et d’autres utilisations.

«Cela peut même retarder l’abattage de certains troupeaux, et cela a des implications directes sur le bien-être là-bas», déplore le professeur Vaillancourt. 

M. Henrie a déclaré qu’une épidémie de grippe serait dévastatrice pour une ferme familiale comme la sienne.

«Toutes nos économies sont (dans la ferme), a-t-il dit, ajoutant que le prix de la production biologique est plus élevé. C’est aussi beaucoup de temps, alors plutôt que de perdre une ferme comme la nôtre, nous préférons prendre des mesures en amont pour nous assurer que le virus ne pénètre pas.»

Selon lui, l’épidémie de H5N1 devrait amener les gens à remettre en question les productions industrielles massives, qui rendent les maladies plus difficiles à contenir et entraînent des décès massifs si la grippe réussit à entrer dans un milieu. 

Le virus surveillé de près 

La grippe aviaire avait été découverte chez 274 espèces d’oiseaux, ainsi que des dizaines de mammifères, dont des phoques, des renards et des ratons laveurs, a indiqué M. Vaillancourt. 

Les agences de santé publique au Canada, aux États-Unis et en Europe conviennent que le risque pour la santé humaine reste faible, les cas étant presque toujours limités au contact direct avec des oiseaux ou des environnements infectés, comme un poulailler. Il n’y a aucun risque associé à la consommation de produits de volaille bien cuits.

Cependant, les chercheurs surveillent de près l’évolution du virus H5N1. Dans un article publié plus tôt cette année, des scientifiques de l’Agence canadienne d’inspection des aliments ont examiné des cas chez 40 mammifères sauvages différents et ont découvert que le virus avait subi des «mutations critiques», bien que l’agence a déclaré que les risques de propagation humaine restent minimes.