Aide médicale à mourir élargie: le projet de loi est adopté

QUÉBEC — Une majorité de députés de l’Assemblée nationale ont voté en faveur du projet de loi pour élargir l’aide médicale à mourir (AMM). 

Parmi les élus présents, 103 se sont prononcés en faveur. Deux libéraux ont voté contre: Filomena Rotiroti et Linda Caron. Le libéral André A. Morin s’est, quant à lui, abstenu.

La nouvelle loi permettra les demandes anticipées à l’AMM pour les personnes atteintes d’une maladie grave et incurable. Toutefois, il pourrait s’écouler jusqu’à deux ans pour que de telles demandes puissent être faites. Les personnes avec un diagnostic d’alzheimer, par exemple, devront donc s’armer de patience.

Sandra Demontigny, qui est atteinte d’alzheimer précoce depuis 2019, attend avec impatience de pouvoir formuler sa demande anticipée. Il y a deux semaines, elle a affirmé en entrevue à La Presse Canadienne qu’elle craignait de «passer tout droit».

La ministre des Aînés, Sonia Bélanger, a expliqué qu’il fallait du temps pour harmoniser la nouvelle mouture de l’AMM avec le Code criminel. 

Mercredi, tout juste après l’adoption, la ministre a réitéré qu’elle souhaitait procéder «rapidement, mais correctement». 

«On doit rencontrer les ordres professionnels: l’Ordre des infirmières et le Collège des médecins. On doit mettre en place les programmes de formation. On doit former les professionnels compétents et on doit les former correctement», a-t-elle expliqué. 

«Et ce n’est pas vrai que 15 minutes de formation…», a-t-elle ajouté. 

Mme Bélanger assure avoir déjà parlé du sujet avec le gouvernement fédéral. 

Désormais, les personnes avec une «déficience physique grave entraînant des incapacités significatives et persistantes» seront aussi admissibles à l’AMM.

Une «loi importante»

Durant l’étude du projet de loi, certaines dissensions sont apparues entre le gouvernement et les partis d’opposition. 

«Ce n’est pas parce qu’on travaille en transpartisanerie qu’on est d’accord sur tout, tout le temps. Donc effectivement, il y a eu des moments où on a eu à discuter et à débattre et finalement s’entendre sur un certain nombre d’éléments», a dit le péquiste Joël Arseneau. 

Malgré cela, les oppositions sont satisfaites de l’adoption du projet de loi.

«Je pense que ça répond à une évolution souhaitée par une majorité de Québécois. Ce que je souhaite, c’est qu’on préserve ce consensus québécois», a ajouté M. Arseneau. 

La députée libérale Jennifer Maccarone dit qu’il s’agit d’une «loi importante, qui respecte la dignité et l’autonomie des personnes confrontées à des souffrances intolérables, qui étend l’accès à des options de soins de fin de vie, incluant les demandes anticipées, attendues depuis si longtemps». 

«J’estime qu’on a effectivement travaillé de manière très constructive et transpartisane jusqu’à la toute fin de ce projet de loi, y compris quand est venu le moment de décider du délai de l’échéance pour l’entrée en vigueur des dispositions sur les demandes anticipées», a pour sa part affirmé la solidaire Christine Labrie. 

Rappel 

Le projet de loi a dû être modifié à certains égards dans le processus. 

La nouvelle loi va modifier la loi initiale sur l’AMM pour permettre à une personne de recevoir les soins de fin de vie dans le lieu où elle le voudra. Cet amendement fait suite aux révélations de «La Presse» au sujet des salons funéraires qui offraient l’AMM.

La Loi sur l’aide médicale à mourir précise, à l’article 4, qu’une personne peut demander des soins de fin de vie «dans une installation maintenue par un établissement, dans les locaux d’une maison de soins palliatifs ou à domicile».

Le terme «établissement» englobe «tout établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui exploite un centre local de services communautaires, un centre hospitalier ou un centre d’hébergement et de soins de longue durée».

Cette pratique sera toutefois encadrée. La nouvelle loi stipule maintenant que «nul ne peut faire la promotion ou la publicité d’un bien ou d’un service fourni dans le cadre d’une activité commerciale en l’associant directement ou indirectement à l’aide médicale à mourir».

Il ne sera pas non plus possible de charger des frais — par exemple pour la location d’une salle — pour offrir l’AMM. Également, le lieu choisi devrait être approuvé par un directeur des services professionnels ou un directeur des soins infirmiers.

Aussi, le projet de loi initial prévoyait qu’une personne avec un «handicap neuromoteur grave et incurable» aurait pu faire une demande d’AMM. Or, la notion «handicap neuromoteur» ne faisait pas consensus et plusieurs craignaient qu’elle soit discriminatoire. 

Lors des consultations sur le projet de loi, des groupes, comme le Collège des médecins, ont demandé le retrait de l’adjectif «neuromoteur» afin d’englober plusieurs types de handicaps, et ainsi de s’arrimer avec le gouvernement fédéral. L’ancienne députée péquiste Véronique Hivon − considérée comme la «mère» de la loi actuelle sur l’AMM − a lancé un appel à la prudence et à un débat de fond, étant donné que la définition du mot handicap est «extrêmement large».

La notion «handicap neuromoteur» a donc été remplacée par celle de «déficience physique grave entraînant des incapacités significatives et persistantes», dans la foulée de recommandations formulées par un groupe d’experts formé à la demande de la ministre pour étudier la question.