Archidiocèse de Montréal: un changement de culture nécessaire, dit l’ombudsman

MONTRÉAL — Près d’un an après la création de son poste, l’ombudsman à l’Archidiocèse de Montréal dresse le constat qu’un «important changement de culture» est toujours nécessaire pour mettre fin à certains comportements et éviter que le traitement de plaintes ne soit «qu’un miroir aux alouettes dont les victimes en paieront le prix».

Dans son troisième rapport publié mardi, Me Marie Christine Kirouack écorche certains membres de l’Église pour leur attitude à l’égard des plaintes. 

Elle souligne notamment des délais pour l’avancement des enquêtes «causés par la résistance de certains au changement qui volontairement, par omission, négligence ou refus, ne transfèrent pas les documents demandés».

L’absence de suivi quant aux recommandations et la rédaction de lettres laissant à désirer et donnant l’impression que les faits reprochés sont une mauvaise interprétation des plaignants ont aussi été soulevés par l’ombudsman. 

Mais la plupart des problèmes liés au traitement des plaintes sont le fruit d’un manque d’organisation, a précisé Me Kirouack à La Presse Canadienne. 

«Je ne suis pas prête à dire que dans tous les cas c’est de la mauvaise volonté. Dans certains cas, oui, mais dans d’autres, c’est un problème organisationnel», a-t-elle soutenu.

Malgré «les derniers mois ont été difficiles», Me Kirouack indique que sa présence est bien accueillie dans l’archidiocèse. Plusieurs se réjouissent d’avoir un processus de plaintes clair pour regagner la confiance du public. 

Appelé à réagir au rapport, le bureau de l’archevêque de Montréal a référé La Presse Canadienne à la déclaration de Mgr Christian Lépine transmise par voie de communiqué. 

«L’Archevêché de Montréal poursuit son processus de transformation. Déjà, en neuf mois, nous avons mis en place un programme de formation unique en son genre pour le personnel de l’Archevêché et le personnel mandaté en paroisse. Nous nous engageons également à constamment améliorer nos procédures internes pour toujours mieux  prévenir et mieux assurer le suivi du traitement des plaintes», a-t-il déclaré. 

Encadrer les prêtres «caractériels»

Un changement de culture doit aussi s’opérer face à des comportements sur le plan psychologique, a mentionné Me Kirouack. 

«Les abus de paroles, les caractériels, ce n’est plus acceptable. L’espèce d’impunité qui est liée au fait d’avoir une espèce de statut au sein de l’Église doit être mise de côté, c’est fini», affirme-t-elle. 

Depuis son entrée en fonction, un certain nombre de plaintes visent «des difficultés entre le personnel et des membres du clergé ou des mésententes entre les membres des Conseils de fabrique et un membre du clergé», peut-on lire dans le rapport.

Me Kirouack invite l’archidiocèse à une réflexion profonde sur l’avenir de ces prêtres «colériques» et «toujours impatients qui bousculent tout le monde». 

Si certains de ces comportements ne représentent pas des abus, ils demeurent inacceptables et nécessitent «des solutions qui encadreront de façon serrée ces ‘caractériels’», évoque l’ombudsman. 

Les déplacer dans une autre paroisse ne constitue pas une solution pour effacer le problème, selon elle. 

«Dans le monde non clérical, c’est facile, on les met à la porte», a dit Me Kirouack, mais la situation devient plus compliquée avec un membre du clergé. 

Elle appelle à mettre «de la viande autour de l’os» afin d’avoir des mesures strictes évitant la reprise des comportements reprochés; une politique sur les sanctions est bientôt attendue. 

À l’écoute de leur histoire

Depuis mai 2021, l’ombudsman a reçu 95 plaintes, dont une cinquantaine concernent des abus sexuels, physiques, psychologiques ou financiers, survenus au cours des 70 dernières années, détaille le rapport. 

Des dix plaintes retenues relatives à des abus, des enquêtes sont en cours. Trois rapports d’enquête ont aussi été déposés et concluent à la commission des actes reprochés. 

Certaines victimes d’abus retrouvent aussi du réconfort seulement en contactant l’ombudsman, a relaté Me Kirouack. 

«Il y a des gens que juste après m’avoir parlé, ils ont décidé de ne pas porter plainte. (…) Ils avaient besoin que quelqu’un entende leur souffrance», a-t-elle affirmé. 

L’ombudsman à l’Archidiocèse de Montréal a été mis sur pied dans la foulée d’un rapport indépendant rendu public en novembre 2020 sur le traitement de plaintes reçues à propos de l’ex-prêtre Brian Boucher.

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.