Gatineau: une diplomate sénégalaise devait plus de 45 000 $ à son locateur

GATINEAU, Qc — La diplomate sénégalaise qui aurait été détenue et battue par la police de Gatineau la semaine dernière devait plus de 45 000 $ à son locateur, apprend-on dans un jugement du Tribunal administratif du logement. 

La police était intervenue alors qu’un huissier se présentait chez la diplomate, qui travaille comme première conseillère à l’Ambassade du Sénégal à Ottawa. 

En juin, le Tribunal administratif du logement (TAL) avait condamné la diplomate à payer plus de 45 300 $ à son ancien locateur en raison de l’état dans lequel celui-ci a retrouvé sa maison, un bungalow loué meublé. 

«Les photos sont éloquentes. Le mobilier est plein de cafards. Les meubles sont éraflés et égratignés. Il en manque. Tout est sale. Pour ne prendre qu’un autre exemple, le locataire utilisera du charbon de bois dans le BBQ au gaz», peut-on lire dans la décision rendue par le TAL en juin.

Le logement était également infesté de coquerelles et plusieurs traitements ont été nécessaires. 

De plus, le locateur a dû effectuer d’importants travaux à la structure, totalisant plus de 50 000 $, en raison de l’usage de la douche, dont la porte n’était pas fermée. 

«L’eau qui coule à l’extérieur n’est pas essuyée. L’eau abîme le revêtement des murs et s’infiltre sous le plancher», est-il précisé. 

La locataire n’était pas présente lors de l’audience du TAL. 

«Une personne agressive»

Le Sénégal a accusé la police canadienne d’avoir «sauvagement tabassé» une de ses diplomates la semaine dernière. Le Service de police de la Ville de Gatineau (SPVG) a plutôt indiqué avoir fait face à «une personne agressive», qui aurait blessé deux policiers. 

Dans un communiqué daté de jeudi et rendu public vendredi, le ministère des Affaires étrangères du Sénégal rapporte «une descente d’une rare violence de la police canadienne le 2 août au domicile d’une diplomate sénégalaise en service à l’Ambassade du Sénégal à Ottawa». 

Le document précise qu’elle a été «menottée et sauvagement tabassée, au point qu’elle a eu du mal à respirer, ce qui a conduit à son évacuation par ambulance à l’hôpital». 

Le SPVG explique, dans un communiqué publié vendredi soir, que des policiers sont venus porter «assistance à un huissier muni d’une ordonnance devant être exécutée» le 2 août vers 13h30.

La personne étant «agressive et refusant de collaborer», les policiers sont intervenus pour expliquer la démarche. C’est à ce moment qu’une «policière a été frappée au visage et blessée», est-il précisé. 

«Les policiers ont alors décidé de procéder à l’arrestation de la personne afin de faire cesser l’infraction, pour la sécurité des personnes présentes. La personne a résisté à son arrestation et blessé par morsure un deuxième policier. La personne a alors été amenée au sol pour être maîtrisée», explique le SPVG. 

L’huissier a ensuite pu effectuer son ordonnance alors que la personne était «détenue à l’arrière du véhicule de patrouille, sous supervision d’une policière».

«En aucun temps la personne n’a mentionné avoir été blessée ou avoir des douleurs lorsque questionnée», ajoute le SPVG. 

Les ambulanciers paramédicaux sont intervenus auprès de cette même personne vers 15h et ont appelé le SPVG en assistance, détaille le service de police. 

Le Sénégal accuse la police de «violence physique et morale humiliante (sur la diplomate), devant témoins, et en présence de ses enfants mineurs».

Le pays indique avoir convoqué la chargée d’affaires de l’Ambassade du Canada à Dakar au ministère des Affaires étrangères sénégalais, jeudi. «Une note de protestation a été servie aux autorités canadiennes», est-il ajouté. 

Le gouvernement sénégalais réclame une enquête et des poursuites contre les auteurs de cette agression. Il affirme qu’il s’agit d’une «violation flagrante de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques». 

Le SPVG souligne de son côté avoir interpellé les autorités provinciales et fédérales. 

Enquête du BEI

Le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) enquête sur ces allégations selon lesquelles la diplomate sénégalaise aurait été détenue et battue par la police de Gatineau.

Guy Lapointe, du Bureau des enquêtes indépendantes, l’a confirmé lundi à La Presse Canadienne. L’enquête sur ces allégations débute en demandant des copies des rapports faits à la suite de l’incident.

Le ministère de la Sécurité publique du Québec a indiqué samedi que la ministre Geneviève Guilbault avait demandé au BEI de faire enquête sur les agissements de policiers du SPVG à l’égard de la diplomate sénégalaise.

La ministre par intérim des Relations internationales et de la Francophonie, Andrée Laforest a rapporté que la première conseillère de l’Ambassade du Sénégal au Canada aurait fait l’objet d’une intervention policière qui soulève des questions. 

En vertu de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, cette personne possède une immunité diplomatique, ajoute le ministère. 

Le SPVG avait déposé un dossier «au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) afin que des accusations de voie de fait sur agent et d’entrave au travail des policiers soient déposées». 

Cependant, en raison de l’immunité diplomatique de la première conseillère, le DPCP a fermé le dossier concernant la plainte des policiers, selon un communiqué du ministère de la Sécurité publique publié samedi. 

Affaires mondiales préoccupée

Affaires mondiales Canada dit «être extrêmement préoccupée par le traitement allégué d’une diplomate sénégalaise par le Service de police de la Ville de Gatineau». L’agence considère l’incident comme étant «tout simplement inacceptable».

«Nous travaillons assidûment avec les différents paliers de gouvernement concernés et attendons une enquête approfondie. La ministre Joly est en contact avec son homologue sénégalaise. Le Canada continuera de coopérer pleinement avec le Sénégal pour remédier à cette situation regrettable», a-t-on indiqué à La Presse Canadienne dans un courriel, samedi.

«Le Canada prend très au sérieux ses obligations en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques.»