La chaleur accablante devrait être envisagée comme une «catastrophe naturelle»

OTTAWA — Les gouvernements au Canada devraient envisager la chaleur accablante comme une «catastrophe naturelle», car les changements climatiques augmentent le risque de hausses des températures dans une grande partie du pays, selon des experts. 

Un nouveau rapport, rédigé par des experts du Centre Intact d’adaptation au climat de l’Université de Waterloo, conclut que «les sonnettes d’alarme canadiennes devraient résonner» au sujet des risques liés à la chaleur intense.

«La chaleur extrême est comme une espèce de catastrophe imminente, a déclaré l’auteure principale, Joanna Eyquem, directrice générale des infrastructures résilientes au climat au Centre Intact. 

«Nous accordons beaucoup d’attention aux inondations et, évidemment, aux incendies, qui causent beaucoup de dégâts matériels. Mais je pense que la chaleur extrême est dans une catégorie à part, et que le coût de la chaleur extrême, c’est la mort et la santé des gens. C’est quelque chose que nous n’avons pas vraiment dans ce pays avec nos catastrophes naturelles.»

Le site web du gouvernement fédéral sur les catastrophes naturelles fournit des liens vers des pages d’information sur les inondations, les incendies de forêt, la grêle, les tremblements de terre, les icebergs, les glissements de terrain, les avalanches, les tornades, les tsunamis, les ondes de tempête, les tempêtes hivernales et même les éruptions volcaniques. Mais rien sur la chaleur accablante, même si elle s’est avérée plus mortelle et plus courante au Canada que la plupart des autres menaces naturelles.

La vague de chaleur qui a frappé la Colombie-Britannique l’été dernier a fait près de 600 morts, dont 526 en une seule semaine, fin juin. En 2018, au Québec, 89 personnes sont mortes à cause de la chaleur accablante, la plupart dans des quartiers défavorisés de Montréal, où la climatisation était rare et les îlots de chaleur nombreux. 

Le gouvernement de l’Ontario a été critiqué pour ne pas avoir correctement colligé les décès liés à la chaleur, qui sont souvent enregistrés comme des crises cardiaques ou d’autres maladies chroniques, dont beaucoup peuvent devenir rapidement mortelles lorsque frappe la chaleur intense. L’air chaud entraîne également une mauvaise qualité de l’air, affectant les personnes souffrant de problèmes respiratoires comme l’asthme.

Le rapport du Centre Intact indique que les effets de la chaleur extrême seront ressentis d’ici le milieu du siècle dans une grande partie du Canada, surtout bien sûr dans le sud du Québec et de l’Ontario, dans les Prairies le long de la frontière américaine et dans le sud de la Colombie-Britannique. Plus de 17 millions de personnes vivent dans les centres urbains les plus exposés aux épisodes de chaleur accablante, selon le rapport.

Des épisodes plus nombreux et plus longs  

Entre 1976 et 2005, Windsor, en Ontario, a connu une moyenne d’environ 25 jours au-dessus de 30 °C au cours d’un été. D’ici 2050, cette période de chaleur devrait atteindre de 60 à 79 jours. À Regina, le nombre de jours au-dessus de 30 °C pourrait passer de moins de 20 à plus de 50; à Montréal, d’une dizaine de jours à entre 35 et 54.

La température maximale à Kelowna, en Colombie-Britannique, était de 35 °C entre 1976 et 2005. Le changement climatique pourrait pousser cette température au-delà de 40 °C d’ici 2051.

La durée des vagues de chaleur devrait également augmenter: la canicule moyenne à Kelowna durait environ six jours avant 2005, mais devrait presque doubler pour atteindre plus de 11 jours d’ici 2051. À Ottawa, les canicules, qui duraient en moyenne cinq jours, pourraient s’étendre au-delà de huit jours d’ici le milieu du siècle. Or, plus la chaleur extrême dure longtemps, plus elle devient dangereuse, préviennent aussi les experts de l’Université Waterloo.

Le rapport présente des dizaines de gestes que les particuliers, les entreprises et les gouvernements peuvent poser pour atténuer cette menace, y compris une meilleure planification d’urgence et des systèmes d’avertissement de chaleur intense ou extrême.

Les citoyens peuvent aussi planter des arbres pour créer de l’ombre, installer des stores, ajouter des matériaux de construction absorbant la chaleur, installer des toits verts ou blancs, et prévoir déjà des scénarios pour traverser les vagues de chaleur en sécurité, comme profiter de la climatisation à la bibliothèque.

Les gouvernements, de leur côté, doivent intégrer les problèmes de chaleur dans les codes du bâtiment et d’urbanisme, disposer d’options d’ombrage public telles que des arbres ou des auvents artificiels, et s’assurer qu’il existe des systèmes de refroidissement à base d’eau, comme des étangs et des gicleurs.

Les sources d’alimentation de secours pour prévenir les pannes lors de conditions météorologiques extrêmes sont également essentielles, ajoute le rapport. «Si un événement de chaleur extrême coïncidait avec une panne de courant prolongée — sans alimentation électrique des climatiseurs et des ventilateurs —, le manque de préparation pourrait entraîner de nombreux décès», préviennent les experts.

La professeure Eyquem rappelle que bon nombre de ces gestes peuvent faire double emploi ou joindre l’utile à l’agréable. Par exemple, les arbres et les parcs améliorent la qualité de vie des citoyens et peuvent également réduire les dommages causés par les inondations.