L’enquête portant sur la direction de Hockey Canada recommande plus de transparence

MONTRÉAL — Hockey Canada est «à la croisée des chemins» et devra remodeler son modèle de gestion en plus d’être plus transparent et redevable, a-t-on pu lire dans les conclusions d’une enquête indépendante portant sur sa direction.

Le document de 221 pages a été dévoilé vendredi, à la suite d’une enquête menée par l’ex-juge de la Cour suprême Thomas Cromwell, et après un rapport préliminaire diffusé le mois dernier. Il survient alors que l’organisation sportive vient de connaître un printemps, un été et un automne tumultueux. 

Hockey Canada est sous pression depuis mai, lorsqu’on a appris que la fédération avait discrètement réglé à l’amiable une poursuite intentée par une jeune femme qui alléguait avoir été agressée sexuellement par huit joueurs, dont certains membres d’Équipe Canada junior (ÉCJ), à la suite d’un gala présenté à London, en Ontario, en 2018. 

Le gouvernement fédéral et de nombreux partenaires commerciaux ont rapidement suspendu leurs ententes de financement, mais les manchettes odieuses ont continué à déferler, notamment avec les révélations au sujet d’un fonds d’indemnisation secret — financé en partie avec les frais d’inscription des joueurs — servant à payer les actes qui ne sont pas assurables, comme les agressions sexuelles et les allégations de harcèlement.

«La confiance met du temps à se bâtir, mais elle peut rapidement s’envoler, a écrit Cromwell en introduction. La récente expérience de Hockey Canada en est la preuve.»

Un responsable de Hockey Canada a mentionné aux parlementaires en juillet que l’organisation avait versé 7,6 millions $ pour régler neuf plaintes liées à des agressions et abus sexuels depuis 1989, sans compter le versement de cette année.

La police de London, en Ontario, a par la suite déclaré qu’elle allait rouvrir l’enquête sur l’incident de 2018. La LNH mène également une enquête parce que de nombreux joueurs de l’édition 2018 d’ÉCJ font maintenant partie du circuit Bettman.

Hockey Canada a ensuite annoncé que des membres de l’édition 2003 d’ÉCJ faisaient l’objet d’une enquête pour un présumé viol collectif, alors que les appels au changement au sommet de la pyramide se multipliaient. 

Aucune des allégations n’a encore été prouvée en cour.

Le président et chef de la direction de Hockey Canada, Scott Smith, a résisté aux appels à la démission, mais il a quitté l’organisation le 11 octobre, le jour même où le conseil d’administration a démissionné à la suite d’une audience parlementaire explosive — des responsables étaient convoqués à Ottawa pour la troisième fois depuis juin — et du dépôt d’un rapport préliminaire de Cromwell portant sur la direction de Hockey Canada.

Le rapport complet de Cromwell recommande de nouveaux paramètres pour le processus de nomination du conseil, l’augmentation de sa taille de neuf à 13 membres et une motion limitant à 60 pour cent  la portion de gestionnaires d’un même sexe. Une nouvelle élection est prévue le mois prochain.

«La complexité des défis de l’organisation en matière de leadership a dépassé la capacité de réaction des processus actuels de recrutement et d’élection du conseil d’administration, a écrit Cromwell. Le processus actuel de mise en candidature des membres du conseil n’a pas permis à Hockey Canada de bénéficier de la vaste gamme, de la profondeur et de la diversité d’expérience, tant professionnelle que personnelle, dont le conseil d’administration a collectivement besoin pour gouverner cette organisation complexe et pour orchestrer un changement de culture important.»

Cromwell, qui a recommandé que des procès-verbaux soient désormais rédigés pour chacune des réunions de Hockey Canada, a ajouté que les rôles de la haute direction et du conseil «ne sont pas clairement définis, ni étanches».

«Les rôles de la haute direction et du conseil ne sont pas clairement définis. Ça signifie qu’il arrive parfois que le conseil s’implique un peu trop dans les opérations quotidiennes de l’organisation. 

Cela amène parfois le conseil à trop s’impliquer dans les activités opérationnelles quotidiennes. De plus, les relations redditionnelles, notamment en ce qui concerne la communication d’informations vitales, sont informelles et évasives», peut-on y lire.

Cromwell, qui a interviewé plus de 80 personnes dans plus de 60 réunions pour constituer son rapport, a déclaré que Hockey Canada avait bien fait d’élaborer des fonds de réserve — y compris le Fonds national de capitaux propres (FNCP).

«La constitution de fonds de réserve pour faire face au risque de sinistres non assurés et sous-assurés est non seulement judicieuse, mais ne pas le faire serait une grave omission», a-t-il mentionné. 

Le fonds n’était cependant pas surveillé et n’avait pas la transparence appropriée.

«Hockey Canada ne dispose pas de politique écrite régissant le FNCP», a-t-il rappelé. 

Cromwell recommande que Hockey Canada «fournisse de façon sporadique à ses membres des informations publiques relatives aux réclamations en cours et celles potentielles».

«Une fois qu’un règlement aura été conclu, nous recommandons que Hockey Canada divulgue tous les renseignements accessibles au public […] tout en respectant les restrictions de tout accord de non-divulgation en vigueur», peut-on lire dans le rapport. 

Hockey Canada affirme avoir déjà pris des mesures pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans le rapport provisoire du mois dernier.

Cromwell a également brossé un sombre tableau du fonctionnement des organisations, des associations, des ligues, des équipes et des participants disposant de ressources différentes et vivant dans diverses régions du pays. 

«La responsabilité de développer le sport du hockey conformément aux principes de bonne gouvernance incombe à de multiples parties», ajoute-t-il. 

«Un manque de clarté concernant la structure organisationnelle et l’autorité peut entraîner de l’incertitude», a-t-on évoqué. 

Bien que la portée de l’enquête se limite aux gestionnaires, Cromwell a noté un certain nombre de questions soulevées par les parties prenantes tout au long du processus, y compris la «culture toxique» du hockey et un soutien insuffisant pour le hockey féminin et le parahockey.

Cromwell a également déclaré qu’il était temps que ces mêmes parties «réfléchissent à leurs propres rôles et responsabilités».

«Certaines des personnes qui ont été promptes à dénoncer Hockey Canada ont été lentes à reconnaître leurs propres gestes qui ont alimenté ces problèmes, a-t-il dit. Les causes sous-jacentes de la crise actuelle ne sont pas récentes. Les membres ont exercé un contrôle sur la composition du conseil d’administration. Sport Canada, pas plus tard qu’en juin 2022, a accordé à Hockey Canada la meilleure note pour certains aspects de sa gouvernance.

«Il ne me revient pas de pointer du doigt ni d’accuser qui que ce soit d’être responsable. Je dirais simplement que beaucoup auraient pu faire davantage pour traiter des enjeux plus tôt», a-t-il résumé. 

Cromwell a conclu en disant qu’il espère que les recommandations en matière de gouvernance permettront à Hockey Canada d’apporter les changements «devenus nécessaires de toute urgence».

«Toutes les parties impliquées devront travailler ensemble pour implanter ces changements», a-t-il écrit.

«Hockey Canada est à la croisée des chemins.»