Ottawa versera 12 M $ sur cinq ans à Akwesasne pour lutter contre la criminalité

AKWESASNE — Ottawa consacrera environ 12 millions $ sur cinq ans à la prévention de la criminalité et à la lutte contre le crime organisé à Akwesasne, après le décès en mars de huit migrants dans le fleuve Saint-Laurent.

Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, en a fait l’annonce jeudi au cours d’un passage dans la communauté mohawk qui chevauche le Québec, l’Ontario et l’État américain de New York.

Une bonne partie des fonds fédéraux, soit 10,4 millions $, ira au Service de police mohawk d’Akwesasne, par le biais du renouvellement d’un programme financé par Ottawa. 

Le gouvernement précise que cette somme doit servir à «soutenir une équipe chargée de lutter contre les crimes graves et le crime organisé» dans la communauté et aux alentours. On mentionne que le financement fédéral aidera notamment à une meilleure coordination entre différentes agences et organisations pour lutter contre la criminalité transfrontalière.

Des montants sont également prévus pour de nouveaux équipements de police et pour des groupes communautaires travaillant à prévenir la violence.

Une portion de 1,13 million $ ira à des projets communautaires de prévention de la violence, par l’entremise d’un autre programme appelé Fonds pour bâtir des communautés plus sécuritaires.

«Akwesasne, comme toutes les autres communautés, en même temps, a été confrontée aux défis liés à la criminalité, a dit le ministre. Je soulignerais que nous avons vu des problèmes impliquant le flux illégal de contrebande, évidemment des éléments criminels organisés, et plus récemment, la tragédie impliquant huit vies perdues, qui font l’objet d’une enquête» pour trafic d’êtres humains.

Mais les autorités sont restées muettes sur leur enquête après que les corps de huit migrants indiens et roumains ont été retirés du fleuve Saint-Laurent, fin mars, à la suite de ce que la police a qualifié d’une tentative infructueuse de traverser illégalement vers les États-Unis par bateau.

Les autorités décrivent Akwesasne comme un endroit propice pour le passage de clandestins en raison de sa géographie particulière. 

L’enquête se poursuit 

Le chef de la police d’Akwesasne, Shawn Dulude, a mentionné qu’il ne pouvait rien ajouter de plus au sujet de l’enquête en cours jeudi.

«Cela semble cliché ce que je dis, mais je ne peux pas commenter, car l’enquête est en cours, a déclaré M. Dulude.L’enquête se poursuit avec nos différents partenaires policiers de la région et au niveau international, la GRC fait ce qu’il y a à faire avec les différents paliers impliqués.»

Il a assuré que ce qui doit être fait localement ou dans la région a été fait par la police mohawk et les agences partenaires. 

Les corps des membres des deux familles ont été retirés du fleuve Saint-Laurent à Akwesasne, à environ 130 kilomètres au sud-ouest de Montréal, les 30 et 31 mars.

Les autorités indiennes ont déclaré qu’elles recherchaient trois hommes en lien avec la mort de la famille Chaudhari du Gujarat. Selon une plainte de la police indienne, au moins un des suspects se trouverait au Canada.

M. Dulude a dit qu’il n’était au courant d’aucun mandat d’arrêt lancé au Canada.

L’autre famille était la famille Iordache de la région de Toronto, composée d’un couple et de leurs deux enfants nés au Canada.

M. Mendicino a déclaré que la «dynamique unique» d’Akwesasne obligeait la police à se concentrer sur les problèmes frontaliers et à obtenir la collaboration de différents organismes d’application de la loi. 

Le ministre a déclaré que le financement permettrait à la police d’Akwesasne de participer à une équipe d’enquête conjointe aux côtés d’autres organisations, dont la Gendarmerie royale du Canada, la Sûreté du Québec, l’Agence des services frontaliers du Canada et le Service américain des douanes et de la protection des frontières.

«L’objectif est essentiellement de parvenir à une plus grande collaboration, qui facilitera un plus grand partage d’informations et un effort unifié entre les différents niveaux des forces de l’ordre et des agences de sécurité aux frontières, ce qui nous permettra d’investir, d’enquêter, de perturber et de dissuader les activités criminelles organisées», a soutenu le ministre Mendicino.

Le flux de migrants continu

Le chef de la police d’Akwesasne, Shawn Dulude, a déclaré que le financement fédéral permettrait au corps policier d’acquérir des outils technologiques, comme des caméras et des drones, qui faciliteront la surveillance sur les routes et les voies navigables de la communauté.

«L’annonce d’aujourd’hui n’arrêtera pas ce qui se passe en ce moment, ça dure depuis longtemps, a déclaré M. Dulude. Il y a toujours une préoccupation à cause de l’endroit où nous nous trouvons – notre géographie sera toujours propice à cela – et nous devons garder cela à l’esprit lorsque nous définissons nos objectifs et notre planification stratégique pour les années à venir.»

Le chef Dulude déclarait aux journalistes en avril que la police avait effectué depuis janvier 48 interceptions distinctes impliquant 80 personnes qui tentaient d’entrer illégalement aux États-Unis. Il a admis jeudi que ses agents n’avaient encore arrêté aucun passeur cette année.

Depuis les décès, M. Dulude a constaté qu’il y avait moins d’activité sur l’eau de manière générale, mais a affirmé que le flux de migrants par voie terrestre entre les États-Unis et le Canada s’était poursuivi.

Le mois dernier, la police a suspendu ses recherches fluviales pour retrouver Casey Oakes, âgé de 30 ans, qui a été vu pour la dernière fois aux commandes du bateau qui a ensuite été découvert près des corps des deux familles de migrants. 

L’enveloppe de 12 millions $ annoncée jeudi s’ajoute à un financement ponctuel d’environ 849 000 $ pour fournir du matériel nécessaire aux policiers d’Akwesasne, comme des véhicules et des armes à feu.

Une entente a été conclue en ce sens entre Sécurité publique Canada et le Conseil des Mohawks de la communauté. Le cabinet du ministre Mendicino a indiqué que l’argent serait acheminé d’ici quelques semaines.