Rapport de la VG: plus du quart des enseignants non légalement qualifiés

QUÉBEC — Plus du quart des enseignants qui ont travaillé en 2020-2021 étaient non légalement qualifiés, selon la vérificatrice générale Guylaine Leclerc, qui craint les conséquences sur les élèves.

Elle présentait jeudi son rapport 2022-2023 dans lequel elle se penche notamment sur le recrutement et la rétention du personnel enseignant, ainsi que sur la qualité de l’enseignement.

Des 111 151 enseignants dans le réseau, 80 630 étaient qualifiés et 30 521 ne l’étaient pas. Pire, le ministère ne détient aucune information sur le niveau de diplomation d’environ 26 000 enseignants sans autorisation. 

«Est-ce qu’ils ont un niveau collégial? On n’a pas l’information et ça représente un nombre important d’enseignants», a souligné Mme Leclerc en conférence de presse à l’Assemblée nationale.

Il existe deux catégories d’enseignants non qualifiés: les enseignants sans autorisation et les détenteurs d’une tolérance d’engagement, qui eux ont minimalement un diplôme d’études secondaires et une formation au cégep.

La vérificatrice a expliqué que son équipe avait obtenu ces données au terme d’un «travail extrêmement laborieux» de croisement de données. 

Elle affirme que le ministère de l’Éducation ne dispose que de très peu d’informations sur les professeurs non qualifiés et leur formation. «C’est très préoccupant», a-t-elle dit.

Ainsi, «malgré les signaux annonciateurs» de la pénurie d’enseignants, elle constate que le ministère ne s’est pas assuré d’avoir des données fiables notamment sur: 

– le nombre total de postes à pourvoir;

– le taux de rétention, de roulement et d’absentéisme;

– les départs à la retraite;

– les démissions et les raisons de celles-ci;

– le nombre moyen d’élèves par classe.

Des représentants du ministère ont indiqué à la vérificatrice qu’un «modèle de prévision des besoins en enseignants» a été mis sur pied l’hiver dernier.

Mme Leclerc observe par ailleurs que les initiatives du ministère et des centres de services scolaires pour contrer la pénurie d’enseignants qualifiés sont gérées «à la pièce», sans vue d’ensemble. 

Entre-temps, la pénurie entraîne la diminution de la qualité de l’enseignement, et l’augmentation de l’insécurité et l’anxiété des élèves, en raison du fait qu’ils subissent des changements d’enseignants répétés, selon elle.

Hausse de 89 % des coûts de Clic Santé

Dans un deuxième temps, en santé, la vérificatrice générale a trouvé que la grande majorité des contrats sont octroyés sans appel d’offres.

Même en excluant les contrats conclus en vertu du décret d’urgence sanitaire, on observe qu’en moyenne les CISSS et CIUSSS ont offert 73 % de leurs contrats de gré à gré entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2022.  

Mme Leclerc prévient dans son rapport que le Québec risque de développer une dépendance envers des fournisseurs. Ce serait déjà le cas avec la plateforme de prise de rendez-vous en ligne Clic Santé.

«Le fournisseur actuel a un avantage par rapport aux autres fournisseurs potentiels, notamment parce qu’il a reçu 1,3 million $ pour ajuster sa plateforme aux besoins du ministère», note-t-elle. 

«Si ce dernier signe un contrat à long terme avec le fournisseur, ce service n’aura jamais fait l’objet d’un appel d’offres et aucun autre soumissionnaire n’aura pu se présenter», a-t-elle ajouté.

Elle prévient que «lorsqu’il existe une dépendance envers une firme, il y a aussi un risque d’observer une hausse des coûts», ce qui s’est justement concrétisé dans le cas de Clic Santé.

Pour la vaccination contre la grippe saisonnière, les coûts par rendez-vous pour l’utilisation de la plateforme ont augmenté de 89,1 % par rapport au coût moyen de 2020 pour les établissements audités, a-t-elle illustré.

Par ailleurs, les coûts reliés à la main-d’oeuvre indépendante augmentent: dans les trois CISSS et CIUSSS sous analyse, la dépense est passée de 14,4 millions $ en 2016-2017 à 50,5 millions $ en 2021-2022.

En avril dernier, le gouvernement Legault a fait adopter un projet de loi dont l’objectif est de limiter le recours aux agences privées, mais les résultats restent à venir.

709 jours sur une liste d’attente

Enfin, le rapport souligne que les grands utilisateurs des urgences en santé mentale demeurent plus longtemps sur les listes d’attente du Guichet d’accès à un médecin de famille que l’ensemble de la population.

Leur durée moyenne d’attente est de 709 jours, a déploré jeudi la vérificatrice générale. «C’est très important (…) et ça ne tient pas compte que 21 % des grands utilisateurs (…) ne sont pas inscrits au guichet», dit-elle.

«Ce qu’on sait, c’est que pour les médecins de famille, ça peut être préoccupant de soigner quelqu’un qui a de graves problèmes de santé mentale», ajoute Mme Leclerc. 

En 2021-2022, 12 % des Québécois ont reçu un diagnostic de trouble mental.