Un début de saison «bizarre» pour le nautisme

ACTUALITÉ – La rivière Richelieu vibre de nouveau aux rythmes des vagues créées par les plaisanciers depuis la réouverture officielle des marinas, le 1er juin. Mais différemment. La frontière américaine et les écluses fermées, plusieurs propriétaires de grosses embarcations ont déjà fait une croix sur la saison. Un nouveau marché semble toutefois s’ouvrir pour les petits bateaux.

Reconnue comme étant la capitale du nautisme au Québec, la municipalité de Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix compte une dizaine de marinas sur son territoire. Chaque été, des milliers de visiteurs provenant des quatre coins de la province s’y rendent afin de mettre leur bateau à l’eau, que ce soit pour profiter des attraits de la rivière Richelieu, prendre la direction du lac Champlain ou encore vivre l’expérience des écluses du canal de Chambly. Une industrie qui représente près de 200 emplois.

À la Marina Fortin, qui dispose de 265 places à quai, on parle d’un début de saison tranquille. Plusieurs plaisanciers ont déjà fait savoir qu’ils garderont leur embarcation en cale sèche afin d’éviter les coûts de mise à l’eau et de l’entretien nécessaire pour cette opération. Une décision prise en raison de la fermeture de la frontière américaine qui pourrait se poursuivre jusqu’à la fin du mois de juillet, et de celle des écluses du canal de Chambly prévue jusqu’à la troisième semaine de juillet.

Président de la Marina Fortin, Pierre Fortin constate un changement dans les habitudes de sa clientèle qui se tourne maintenant vers les petites embarcations.

Impact majeur

«Pour nous, c’est un impact majeur. Les propriétaires d’embarcation de 40 pieds et plus veulent faire des grands voyages, aller sur le lac Champlain. Il n’y a que les douanes qui nous en sépare», souligne le président de la Marina, Pierre Fortin. C’est d’ailleurs l’un des attraits principaux de la région pour les plaisanciers. Certains propriétaires d’embarcation gardent néanmoins espoir de pouvoir pratiquer leur loisir favori dans les prochaines semaines et s’y préparent tranquillement.

Du côté de la Marina Gosselin, qui entrepose 400 bateaux l’hiver et dispose de 70 places à quai, même son de cloche. «Beaucoup de notre clientèle va aux États-Unis. Ils ne veulent pas prendre la chance de mettre leur bateau à l’eau même si la frontière rouvre parce qu’ils ne savent pas ça va être quoi les conditions à respecter», souligne le copropriétaire, Martin Gosselin. La rumeur d’une quarantaine obligatoire et d’une fermeture prolongée de la frontière jusqu’en juillet ajoute aux incertitudes.

Copropriétaire de la Marina Gosselin, Martin Gosselin souligne que plusieurs plaisanciers préfèrent attendre la réouverture de la frontière américaine avant de mettre leur embarcation à l’eau.

Petites embarcations

Une tendance semble toutefois se dessiner. «On a vendu beaucoup de voiliers de 18 à 27 pieds. En temps normal, ce n’est pas des bateaux qu’on vend beaucoup. C’est du 38 pieds et plus», souligne M. Gosselin. Plus petites, ces embarcations sont parfaites pour la navigation sur les lacs du Québec. Les amateurs de voile semblent donc faire de mauvaise fortune bon cœur et opter pour des bateaux qui leur permettront de s’amuser sur d’autres plans d’eau québécois.

La vente de gros bateaux est complètement nulle, mais on voit que tout ce qui est petite embarcation usagée, on en manque. Aussitôt qu’on en a une, elle ressort.

-Pierre Fortin, présidente de la Marina Fortin

Le président de la Marina Fortin confirme que le phénomène est aussi observé dans son entreprise. Il ne s’agit pas toujours de premiers acheteurs, mais plutôt de gens qui connaissent déjà le milieu nautique et souhaitent s’adonner à ce sport en compagnie d’amis.

Propriétaire de la Marina St-Tropez à Saint-Blaise-sur-Richelieu, Karine Roy constate elle-aussi cet engouement. La marina dispose de 70 places à quai dont 30 sont réservées aux saisonniers. Sa clientèle comptait déjà plusieurs propriétaires de petites embarcations et au rythme où les réservations lui parviennent, elle prévoit afficher complet sous peu. Parmi ses clients, elle remarque d’ailleurs beaucoup de nouveaux propriétaires qui ont décidé d’investir leur budget vacances dans une embarcation.

«Il y a de l’effervescence», dit-elle en précisant que c’est un début de saison hors de l’ordinaire. À Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix, on utilise plutôt le qualificatif «bizarre» pour décrire cette saison qui passera très certainement à l’histoire.