Lacolle: à la défense des droits des animaux et du public

PORTRAIT – Petite, Caroline Kilsdonk dorlotait les chatons sur la ferme familiale à Lacolle. Aujourd’hui, elle occupe le poste de présidente de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec. Un cheminement marqué par le hasard des opportunités et sa passion pour les gens. Oui, les gens.

Invité à prendre place dans la cuisine des Kilsdonk, on ne peut s’empêcher de noter à quel point la scène est apaisante. «Avec mon garçon, on aime venir s’asseoir sur le balcon et regarder les orages dans le champ», nous confie Caroline Kilsdonk.

Mère de quatre enfants âgés de la vingtaine, notre interlocutrice n’a rien de la vétérinaire typique. Un bref coup d’œil à son parcours nous le confirme. Elle détient bien un doctorat en médecine vétérinaire depuis 1992, mais n’a jamais pratiqué à temps plein dans une clinique pour petits animaux. Elle s’est plutôt tournée vers l’enseignement, poursuivant la tradition familiale.

«Je suis devenue la cinquième génération de mère en fille à enseigner», dit-elle avec fierté. Elle était curieuse, s’intéressait à toutes les sphères du métier de vétérinaire et peinait à choisir une direction plutôt qu’une autre. Lorsqu’on lui a offert d’enseigner sa matière auprès de futurs producteurs agricoles, puis d’étudiants en santé animale, tout en travaillant à temps partiel en clinique, elle s’est empressée de saisir l’opportunité.

Un rythme de vie qu’elle a maintenu pendant une dizaine d’années. «J’ai toujours aimé la relation avec les gens. C’était un programme où on connaissait tous nos élèves», se souvient-elle. Une carrière qu’elle a ensuite mise sur pause pour s’occuper à temps plein de ses enfants alors âgés de 6 à 14 ans. «Je suis très fière de mes années à la maison. Ç’a beaucoup élargi mes horizons», affirme-t-elle.

Perfectionnement

Parce que pendant ces années, la jeune mère de famille a beaucoup lu. Elle s’est intéressée à divers sujets, dont la zoothérapie et le comportement canin. Au moment de retourner sur le marché du travail, elle a même complété un certificat en gérontologie humaine. «J’ai toujours apprécié la compagnie des aînés», dit-elle. Et elle a commencé à visiter les résidents d’un CHSLD en compagnie de ses chiens.

Elle se rendait sur place deux à trois fois par semaine, pendant quatre ans. Chaque fois, les gens l’accueillaient à bras ouverts, contents de passer un peu de temps avec ses caniches royaux.

Pas de la magie

«La zoothérapie, ce n’est pas de la magie. Ça ne guérit pas un cancer, mais tout ce qui ajoute à la qualité de vie des gens, c’est très important. C’est certain que je vais retourner faire ça un jour», mentionne Caroline Kilsdonk.

Parallèlement, elle a continué à parfaire ses connaissances en complétant un microprogramme de 2e cycle en médecine des animaux de compagnie – une façon de se mettre à jour explique-t-elle – puis en décrochant une maîtrise en bioéthique à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Elle est également devenue formatrice et consultante en comportement animal ainsi que personne-ressource en prévention des morsures canines.

Bref, des années remplies de projets et de défis. Puis, est arrivée l’opportunité de la présidence de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec (OMVQ). Un mandat de trois ans qui l’intéressait par curiosité intellectuelle, mais aussi parce qu’il lui permettait de réunir sous un même chapeau plusieurs de ses intérêts, qu’il soit question d’enjeux éthiques, de rôle sociétal ou encore de communications auprès du public.

Enjeux de société

Depuis son entrée en poste en 2017, Caroline Kilsdonk a d’ailleurs été invitée à présenter et défendre la position de l’OMVQ sur plusieurs sujets chauds, dont celui des morsures de chien. Un dossier qu’elle connait bien ayant elle-même été appelée par les autorités à se prononcer sur la dangerosité d’animaux ayant fait l’objet de plaintes, et ce, en raison de son rôle de vétérinaire généraliste.

Sur ce dossier, l’OMVQ a fait quelques recommandations au gouvernement provincial en vue de l’adoption de la nouvelle loi.

Changement

«C’est très positif qu’on ait pris conscience collectivement du problème. Il fallait qu’il y ait un changement. L’important maintenant, c’est de ne pas passer d’un extrême à l’autre. Il faut garder en tête que les deux facteurs comptent: la nature du chien et son propriétaire», dit-elle en faisant allusion au débat entourant la

Pour remédier à la situation, la présidente et son équipe proposent diverses mesures, dont un meilleur contrôle des élevages et une meilleure éducation de la population. Cela dit, Caroline Kilsdonk s’intéresse de près à plusieurs autres enjeux de société qui ne concernent pas nécessairement les animaux domestiques. L’utilisation d’antibiotiques pour les gros animaux en fait partie.

Profession d’avenir

Au fil de la conversation, Caroline Kilsdonk confirme qu’elle briguera un deuxième mandat en 2020. Nous en profitons donc pour faire un portrait de la profession. Est-il vrai que les vétérinaires sont maintenant majoritairement des femmes? «Oui», répond avec assurance Mme Kilsdonk. Des 90 finissants par année au Québec, tout aux plus dix hommes obtiennent leur diplôme. C’était l’inverse il y a 25 ans.

Au Québec, 40 % des morsures surviennent parmi les membres de la famille. Ça veut dire que bien souvent, les propriétaires ne comprennent pas le comportement de leur chien. Il faut une plus grande prudence, mais aussi une meilleure compréhension du comportement canin.

-Caroline Kilsdonk, présidente de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec

«C’est un programme dont le mode de sélection est basé sur les notes. Ça favorise les filles», affirme Mme Kilsdonk. D’ailleurs, petite anecdote à saveur historique, les premières femmes vétérinaires au Québec ont obtenu leur diplôme en 1968. Elles étaient trois, dont une résidente de Saint-Jean-sur-Richelieu, Anne Bousquet.

Pénurie

Et qu’en est-il de la pénurie de main-d’œuvre? «Nous n’avons pas de données officielles, mais il faut se rendre à l’évidence. Nous avons en moyenne une quarantaine d’offres d’emploi publiées sur notre site Web tous les dix jours», confirme-t-elle. Pourtant, le nombre de nouveaux vétérinaires sur le marché du travail augmente annuellement. Comment expliquer cette pénurie?

«Il y a une plus grande demande de médecins vétérinaires pour les animaux de compagnie», confirme Mme Kilsdonk. Doit-on en conclure qu’il est faux de prétendre que les Québécois s’occupent mal de leurs animaux, une réputation pourtant maintes fois entendue à l’extérieur de nos frontières? «Il n’y a pas de chiffres pour dire qu’on est pire qu’ailleurs», assure Mme Kilsdonk qui réfute ces allégations.

Voilà que la pluie a presque cessé. C’est l’heure de repartir sur les routes mouillées en direction de Saint-Jean pour nous, de la Rive-Sud pour elle où elle ira retrouver ses trois caniches royaux. «Il était prévu que je les amène aujourd’hui, mais avec la pluie, j’ai changé d’idée». Dommage. Nous aurions bien aimé rencontrer Leeloo, Laïla et Poupou.