Il y a près de 40 ans: Napierville accueillait une famille de réfugiés cambodgiens
PORTRAIT – À l’hiver 1980, c’est toute la communauté de Napierville qui s’est unie pour venir en aide à une famille cambodgienne qui fuyait la guerre. Si le froid et la neige ont marqué Thaïla Khampo, le plus jeune de la famille, qui n’avait que quatre ans à son arrivée, c’est l’accueil et la générosité manifestés par la population qui lui laissent un souvenir ineffaçable.
C’est un résident de Napierville, Jean Délisle, qui a démarré ce projet de parrainage. «Je travaillais à la Baie-James et j’étais sur le chômage parce que mon contrat était fini, explique-t-il. Je suis allé voir le curé et je lui ai dit que je voulais parrainer une famille et que j’avais besoin d’un organisme pour me soutenir.»
Il ne suffisait pas d’en faire la demande, encore fallait-il préparer l’arrivée de ces gens, notamment en leur trouvant un endroit où habiter, mais surtout en amassant de l’argent pour subvenir à leurs besoins. «On était responsables d’eux pendant un an, se rappelle M. Délisle. Il fallait payer pour le loyer, le chauffage, l’électricité, la nourriture et les vêtements. C’était difficile d’évaluer le montant dont on aurait besoin parce qu’on ne savait combien ils étaient.»
Un comité comptant une vingtaine de personnes a été formé, en 1979. En quelques mois, ils ont amassé 13 000 $. «J’ai contacté des bénévoles et on passait aux portes, se souvient M. Délisle. J’ai aussi fait le tour de tous les organismes. Tout le monde a donné. Cette idée d’aider les autres les a emballés. Le journal Coup d’œil nous a aussi beaucoup aidés en nous faisant de la publicité et en parlant de notre projet.»
La famille Khampo
La maman s’appelait Sy Kahm et le papa, Im. Lim Thong, Noy, Choy, Lamdouan, Thong Leng, Kim Seng, Chan Eng, Tha Vin, ainsi que les jumeaux Thaïla et Namaï étaient leurs dix enfants, âgés entre 4 et 18 ans.
M. Délisle se rappelle très bien être allé les chercher à la base militaire Longue-Pointe, à Montréal, à l’hiver 1980. «On avait un gros autobus rempli de gens qui voulaient aller les chercher», raconte M. Délisle.
La famille Khampo s’est installée dans la maison adjacente à ce qui est aujourd’hui le bureau de l’assureur Group DPJL.
«C’était difficile pour eux à cause de la langue, explique M. Délisle. Ils ne parlaient ni français ni anglais. Ils sont allés suivre des cours de français à Saint-Jean et des citoyens leur montraient comment utiliser une laveuse et une sécheuse. Je leur ai montré comment faire de la sauce à spaghetti. Tout le monde les aidait. En septembre, les enfants ont commencé l’école et c’est une citoyenne qui gardait les plus jeunes.»
Le plus vieux des enfants, Choy, s’était déniché un emploi de nuit à la Dominion Textile, à Saint-Jean. «J’allais le mener et un autre citoyen allait le chercher le matin, dit M. Délisle. Le dimanche, j’allais chercher toute la famille et je les emmenais à la messe. Ils ne comprenaient rien, mais c’était pour que les gens les voient et pour qu’eux aussi les rencontrent. C’était une forme d’intégration.»
Certains des enfants ont même été baptisés à l’église de Napierville, au printemps de 1980. M. Délisle est le parrain de Chan Eng, qui est aujourd’hui infirmière, à Montréal.
«J’ai fait ça pour les enfants. La guerre, ils ne l’ont pas demandée.»
Jean Délisle
Plus tard
Après trois ou quatre années passées à Napierville, la famille Khampo a décidé d’aller rejoindre des membres de leur famille à Laval.
«Quand ils sont partis, on avait tous la larme à l’œil, mais on comprenait que c’était mieux pour eux, pour qu’ils se trouvent du travail, dit M. Délisle. C’est une bien belle famille…»
Depuis, les liens n’ont pas été complètement rompus. La maman est enterrée au cimetière de Napierville et ses enfants viennent s’y recueillir.
Souvenirs
Pour Thaïla Khampo, Napierville restera à jamais le souvenir d’un nouveau départ pour lui et sa famille, mais aussi celui de l’accueil et de la générosité d’une communauté.
Il se souvient très bien de ses années à l’école primaire Daigneau. «Sœur Marguerite et le curé nous prenaient en charge, dit-il. On nous donnait des livres et nous nous sommes lancés dedans. Nous avons été baptisés. Nous ne sommes jamais allés à l’église après, mais nous l’avons fait pour l’intégration. Tout le monde était vraiment gentil avec nous. Tout Napierville a été généreux.»
Art
Aujourd’hui âgé de 41 ans, il est illustrateur et participent à plusieurs projets d’envergure. Ses œuvres ont été utilisées pour réaliser des campagnes publicitaires pour le Festival du nouveau cinéma, le Salon du livre ou encore le magazine Ricardo. Son talent l’amène à travailler à l’extérieur des frontières du Canada puisqu’il collabore avec une maison d’édition en Australie et un magazine en France.
C’est à Napierville qu’il a commencé à pratiquer son art. «Depuis Napierville, j’ai toujours dessiné, dit-il. Ensuite, j’ai continué au secondaire, au cégep et à l’université. Dessiner m’a toujours ramené à quand j’ai commencé, et c’était à Napierville. Même le jour où je vais avoir 80 ans, Napierville restera toujours un des meilleurs moments de ma vie.»