L’absence de neige dans les champs sème l’inquiétude
Agriculture. Au début du mois de mars, le Haut-Richelieu n’avait reçu que 115 centimètres de neige. Or, bon an, mal an, la région en reçoit en moyenne 220, selon des données de MétéoMédia. Une situation qui peut entraîner diverses conséquences dans le domaine agricole. Sans le manteau blanc qui recouvre les champs, certaines plantes plus vulnérables risquent de ne pas pousser. L’ethnobotaniste et professeur au département des sciences biologiques à l’Université de Montréal, Alain Cuerrier, se dit inquiet pour la santé des sols et pour la survie de certaines espèces végétales.
« C’est clair que si tu n’as plus de neige, ton sol n’est plus protégé. La neige fait une couverture comme si tu mettais un manteau. Si tu enlèves le manteau, le froid va vraiment sévir. Les enjeux sont les plantes, les microorganismes et les animaux qui vont réagir de façon différente avec ce changement », explique Alain Cuerrier.
Cet hiver, les champs du Haut-Richelieu sont complètement nus. Au début du mois de mars, il ne restait aucune trace de neige, seulement de la glace. Les météorologues ne prévoyaient pas de chutes de neige, mais une petite bordée a permis aux champs d’être à nouveau recouverts pour quelques jours avant que les températures remontent.
Zone agricole affectée
« Le manque de neige va surtout affecter les plantes herbacées et la qualité du sol. On ne parle pas seulement de la perte de nutriments dans le sol, mais aussi de la perte d’autres microorganismes importants comme les champignons par exemple. Il peut également y avoir des impacts sur le rendement dans les champs de grandes cultures comme le canola », précise Alain Cuerrier.
Même si aucun expert ou agriculteur ne peut se prononcer sur l’avenir de la production agricole, certains facteurs comme le gel du sol et le manque d’eau dans les nappes phréatiques pourraient affecter le sol. L’expert, qui travaille également avec le Jardin botanique de Montréal, prévoit que certaines espèces animales comme les grenouilles qui hibernent vont aussi être probablement perturbées par le phénomène.
La densité des plantes par mètre carré va être moins forte. À long terme, l’appauvrissement du sol provoquera des impacts sur la plante. Il y a des études qui ont été faites au Michigan où des plantes moisies ont été retirées. Le gel du sol a créé des impacts indirects sur la qualité du sol qui est moins fertile. Une agriculture de qualité commence avec un sol de qualité.
Alain Cuerrier
Selon lui, l’une des solutions à cette problématique serait de trouver d’autres espèces de plantes qui s’adapteraient mieux aux nouvelles conditions climatiques.
Changements climatiques
Cet hiver a été marqué par un manque de précipitations, un temps sec et doux. Les températures ont atteint les dix degrés Celsius au début du mois de mars. Le météorologue de MétéoMédia, André Monette, explique que ces caractéristiques peuvent être attribuables au phénomène El Niño qui est particulièrement fort cette année.
« L’année passée, on a eu un hiver aussi doux, mais avec beaucoup de neige. Cet hiver, c’était tellement doux qu’il n’y a pas eu d’occasions de neige. Les dépressions ont passé souvent vers la côte est américaine, surtout après la mi-janvier. On ne peut pas dire qu’il va faire aussi doux jusqu’à l’été », note l’expert.
M. Monette est toutefois d’avis qu’El Niño n’est pas la seule raison qui peut expliquer le manque de neige. Le réchauffement des courants dans l’Atlantique cause des hivers de plus en plus chauds. « Les eaux dans l’Atlantique restent plus chaudes plus longtemps à cause du réchauffement climatique. Cela a une influence sur une partie de la météo et l’augmentation des températures », estime-t-il.
Selon le météorologue, il s’agit d’un phénomène qui est déjà enclenché. Les hivers vont être de plus en plus chauds et secs. Le printemps risque de se pointer le nez de plus en plus tôt avec les années. Il affirme toutefois qu’il y aura encore des hivers froids et des précipitations de neige, mais beaucoup moins qu’avant. « Les températures augmentent et les hivers vont être de plus en plus courts. Ça va amener plus de mélanges de pluie, de neige et de grêle », ajoute-t-il.