Les distillateurs veulent des mesures pour sauver leur industrie

L’Union québécoise des microdistilleries (UQMD) a récemment fait une sortie publique pour mettre de l’avant que le gouvernement doit revoir plusieurs aspects législatifs qui étouffent l’épanouissement des distillateurs. À l’échelle locale, l’entreprise Terre à Boire, située à Saint-Blaise-sur-Richelieu, se dit très touchée par ce qui est pointé du doigt et estime qu’il y a aussi un manque important dans la mise en valeur du travail des distillateurs qui offrent des produits qu’on nomme du grain à la bouteille.

La Société des alcools du Québec (SAQ) a annoncé, fin avril, qu’elle désire revoir la place que les distributeurs ont sur ses tablettes, et qu’une centaine de produits pourraient en être retirés. Pour évaluer la pertinence d’offrir une bouteille ou non, la société d’État va se baser sur la « vélocité » des produits, donc sur leur capacité à être vitement vendus.

Face à cette annonce et aux difficultés que ses membres vivent, l’UQMD a lancé un cri du cœur qui comporte autant de doléances que de pistes de solutions. Les enjeux ciblés sont les réglementations liées à la vente de spiritueux, l’octroi et la distinction des permis pour les distillateurs ainsi que les produits que la SAQ identifie avec l’étiquette Origine Québec.

« Les tablettes de la SAQ ne peuvent pas en prendre plus, mais les solutions existent, et l’Union en parle depuis très longtemps avec les instances politiques. On veut remettre en lumière qu’il existe d’autres canaux de diffusion et de distribution », expose la vice-présidente de l’UQMD, Madeleine Dufour.

Distribution

Devant le réseau monopolistique de la SAQ, l’UQMD propose des solutions somme toute simples. « Si on s’inspire des autres alcools au Québec ou au Canada, il y a plusieurs canaux qui existent. On peut parler de distribution directe avec les restaurateurs, ou même de la vente en ligne », soutient Mme Dufour.

Cette dernière avance aussi que l’UQMD et ses membres ne cherchent pas à démanteler le canal principal de distribution qu’est la SAQ, mais plutôt d’évaluer des pistes de solution. « Personne n’espère rouler sur l’or. C’est vraiment juste pour pouvoir sauver une industrie qui est là », s’exclame-t-elle.

Pour l’un des copropriétaires de la ferme brassicole et distillerie artisanale Terre à Boire, Samuel Oligny, il est également essentiel de repenser le système de distribution auquel sont contraints les distillateurs. Lui aussi avance qu’il pourrait être fort simple de vendre directement à des restaurateurs et à « de l’événementiel », et il pointe que « si [la SAQ] tasse des distilleries juste en regardant la vélocité des produits, elle doit redonner en échange. Il faut par exemple qu’elle enlève la majoration pour les ventes dans nos boutiques », dit-il.

Majoration

L’entreprise Terre à Boire est composée à la fois d’une brasserie et d’une distillerie artisanale, et pour cette raison, elle est obligée de détenir un permis de distillateur dit industriel.

Bien que le grain pousse sur la ferme, qu’il est fermenté sur place et que l’entreprise a une certification Ecocert qui prouve ses efforts pour rencontrer l’appellation biologique, il est impossible pour la distillerie d’obtenir un permis de type artisanal. Cela a donc pour effet que, même si une bouteille de gin est vendue sur place, 52,1 % du prix demandé doit être retourné à la SAQ.

« Il n’y a aucune raison qui explique que je dois verser cet argent-là pour des bouteilles qui ne transigent pas vers leur entrepôt. La bouteille reste ici, ça n’a aucune raison d’être », exprime M. Oligny.

Pour remédier àla situation, Mme Dufour avance qu’il faudrait envisager une refonte du système d’octroi des permis pour les microdistilleries et revoir notamment le permis industriel, qui est en quelque sorte une catégorie « fourre-tout » où l’on ne distingue ni la qualité des produits ni les processus nécessaires pour les créer.

Valorisation

Puisque la SAQ est un repère de conseils pour plusieurs Québécois, un des enjeux soulevés par l’UQMD et ses membres est qu’il y a un manque de clarté et de valorisation pour les produits qui sont étiquetés Origine Québec.

À la SAQ, les produits dits du grain à la bouteille, comme ceux de Terre à Boire, sont placés parmi ceux qui sont uniquement embouteillés au Québec et parmi les alcools neutres. Ces derniers sont achetés par certains distillateurs qui s’approvisionnent en Ontario. Ils sont ensuite aromatisés et revendus par la SAQ, toujours avec l’étiquette Origine Québec.

La pastille du fleurdelisé qui se trouve sur certaines tablettes de la SAQ n’est donc pas représentative du dur labeur que peuvent faire certains distillateurs. L’Union et ses membres souhaitent que les pendules soient remises à l’heure.