Après 100 jours au SPVM, Fady Dagher soutient que les crimes par armes ont diminué

MONTRÉAL — La criminalité liée aux armes à feu à Montréal est à la baisse, a estimé lundi le nouveau chef de la police, en dressant le bilan de ses cent premiers jours à la direction du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Fady Dagher a souligné aux journalistes lundi qu’entre le 1er janvier et le 30 avril, il y avait eu un seul meurtre commis avec une arme à feu dans la métropole, contre cinq au cours de la même période l’année précédente.

M. Dagher a aussi indiqué que le nombre de tentatives de meurtre avec une arme à feu et de décharges d’armes à feu avait également diminué au cours des quatre premiers mois de l’année par rapport à la même période l’année précédente.

«Depuis le début de l’année, nous avons procédé à plus de 107 arrestations liées aux armes à feu et avons saisi 249 armes à feu», a-t-il dit aux journalistes.

Montréal continue d’avoir l’un des plus bas taux de criminalité parmi les grandes villes canadiennes, mais les crimes par armes à feu ont grimpé en flèche depuis 2021, année où la ville a connu 36 meurtres, dont 19 ont été commis avec des armes à feu, soit six de plus qu’en 2021. Il y a eu 41 meurtres à Montréal en 2022, mais les détails statistiques n’ont as encore été publiés.

M. Dagher a raconté avoir participé à une descente policière en mars, où il a été surpris de l’âge des suspects armés qui ont été arrêtés: trois adolescents ayant entre 17 et 18 ans.

Selon lui, les jeunes possèdent des armes à feu parce qu’ils sont peu confrontés à des conséquences quand ils commettent des crimes mineurs, ce qui les amène à commettre des actes plus graves.

«Les tout petits crimes doivent être poursuivis», a-t-il fait valoir, disant que si les enfants de 8 à 12 ans commencent à faire du vol à l’étalage et ne subissent aucune conséquence, quand ils auront 14 ou 15 ans, ils risquent d’être plus impliqués dans le crime et de décider qu’ils ont besoin d’une arme à feu pour se protéger.

Le nouveau chef du SPVM, né en Côte d’Ivoire d’une famille libanaise, est le premier membre d’une minorité visible à être à la tête du SPVM.

Celui qui a prêté serment le 19 janvier a par ailleurs soutenu lundi que le service avait également fait des progrès sur ses autres priorités: améliorer le recrutement et la rétention du personnel, et établir des relations avec les organismes communautaires.

Les policiers montréalais ont par ailleurs approuvé la semaine dernière une nouvelle convention collective qui, selon M. Dagher, rendra le SPVM plus attrayant et encouragera davantage de policiers à vivre à Montréal. Il a rappelé que moins de 15 % des policiers montréalais vivent sur le territoire qu’ils desservent pendant leur service.

La nouvelle convention collective prévoit des augmentations de salaire totales de 20 % sur cinq ans. Et c’est la première fois depuis 30 ans qu’une entente de principe est conclue par la Fraternité des policiers et policières de Montréal sans manifestations ni moyens de pression, s’est réjoui le chef Dagher, ajoutant que les salaires de départ ont grimpé de 30 % en février.

Diversité et communautés

Le SPVM a également lancé une initiative d’embauche visant à attirer davantage de policiers issus des minorités visibles, ainsi que des personnes ayant une formation en santé et en services sociaux, a rappelé le chef Dagher. Environ 131 personnes ont été engagées via ce programme, dont plus de 60 % appartiennent à des minorités visibles.

Au total, 300 nouveaux agents seront embauchés cette année, alors que M. Dagher souhaite faire passer ses effectifs de 4000 à 4700.

Et en septembre prochain, les recrues participeront à un programme d’immersion de quatre semaines auprès d’un organisme communautaire, a-t-il précisé.

Fo Niemi, directeur du Centre de recherche-action sur les relations raciales, a qualifié la conférence de presse de M. Dagher de signe d’ouverture et de transparence.

«C’est une rupture de ton par rapport aux quelque dix dernières années», a-t-il déclaré en entrevue lundi, ajoutant que la police montréalaise s’était éloignée des communautés et de leurs préoccupations.

M. Niemi croit que le plan d’immersion dans les organismes communautaires permettra aux policiers de tisser des liens et de réduire leur tendance au profilage racial – même s’il estime que la formation et les sanctions pour les policiers qui s’adonnent à du profilage sont également nécessaires.

«Je ne veux pas brosser un tableau rose», a-t-il déclaré à propos des 100 premiers jours de mandat du chef Dagher. «Mais j’estime que quand on assiste à un changement positif, on doit absolument le souligner.»

Sandra Wesley, directrice générale de Stella, une organisation montréalaise dirigée par et pour les travailleuses du sexe, estime de son côté que l’approche de M. Dagher n’est rien de plus qu’une stratégie de marketing.

Elle croit que ce programme d’immersion ne résoudra pas réellement le problème fondamental, à savoir qu’il existe des lois et des procédures systémiques conçues pour envoyer des policiers tourmenter des communautés qui sont par ailleurs mal protégées.

«Ainsi, mieux connaître nos communautés, ça ne changera pas le mandat que ces policiers recevront ensuite lorsqu’ils seront envoyés en patrouille», selon Mme Wesley.

Elle s’inquiète des remarques de M. Dagher disant que la police interviendra auprès de familles de suspects de violence par armes à feu ou d’enfants de huit ans qui commettent un vol dans un commerce, car «réformer la police ne veut pas dire leur donner le mandat de devenir des travailleurs sociaux».