Climat: les glissements de terrain pourraient arriver plus fréquemment

MONTRÉAL — Les changements climatiques risquent d’augmenter la fréquence des événements météorologiques qui causent des glissements de terrain au Québec, comme celui qui a fait deux morts il y a une semaine, prévient un chercheur qui étudie les risques naturels.

Jacques Locat, professeur émérite à l’Université Laval, affirme que les modèles de changement climatique prédisent que le sud du Québec recevra entre 5 et 14 % plus de pluie d’ici 2050. 

Selon ses recherches, l’augmentation des précipitations, couplée avec la hausse prévue des événements extrêmes de pluie, pourrait accroître la fréquence des glissements de terrain.

«L’impact des changements climatiques, pour ce qui concerne les glissements de terrain, va surtout être en lien avec les précipitations», a expliqué en entrevue M. Locat, qui est cofondateur du Laboratoire d’études sur les risques naturels.

Samedi dernier, des pluies torrentielles dans la région du Saguenay—Lac-St-Jean ont contribué à plusieurs glissements de terrain, dont un qui a entraîné la mort de deux personnes.

Ce glissement de terrain, a indiqué M. Locat, semble avoir été causé par l’érosion le long de la rivière Éternité et la saturation du remblai au-dessus, qui ont tous deux provoqué le glissement vers le bas de matériaux sableux sur le sol argileux.

Le Québec risque d’avoir plus de «glissements de terrain superficiels», selon M. Locat, ce qui implique généralement des conditions de sol particulièrement sensibles à l’érosion et à la saturation rapide en eau.

Selon M. Locat, deux facteurs conduisent à des glissements de terrain superficiels: l’érosion du sol au bas des pentes – causée par l’eau mais aussi l’activité humaine – qui les rend plus abruptes, et la saturation du sol au sommet des pentes, qui fait glisser les matériaux vers le bas.

«Les changements climatiques pourraient avoir un effet sur la fréquence des crues, et/ou leur importance et peut-être une incidence sur les glissements superficiels», a-t-il soutenu.

Des régions plus à risque

Environ 40 % des glissements de terrain dans la vallée du fleuve Saint-Laurent au Québec – une région où ils sont particulièrement fréquents dans la province – sont causés par l’érosion résultant des activités humaines, a-t-il déclaré. Des glissements de terrain se produisent également autour de Gatineau, dans la région de Charlevoix et dans la péninsule gaspésienne.

Toutes ces régions sont situées sur une plaine argileuse laissée par une mer disparue il y a environ 10 000 ans. Ce sol argileux peut devenir instable et les glissements de terrain font partie de l’évolution naturelle de ce type de paysage, a-t-il dit.

L’été dernier, plus de 70 ménages ont été évacués à La Baie, une partie de la ville de Saguenay, après qu’un glissement de terrain eut détruit une maison vide; les autorités craignaient de nouveaux glissements. En 1971, un glissement de terrain dans cette même région avait tué 31 personnes et entraîné l’abandon du village de St-Jean-Vianney.

Selon M. Locat, le glissement de terrain le plus meurtrier de l’histoire du Québec se serait produit en 1908 à Notre-Dame-de-la-Salette, à environ 40 kilomètres au nord-est d’Ottawa, et avait tué 33 personnes. Cependant, le chercheur, qui a étudié l’événement pour un article de 2017, a découvert que le glissement de terrain s’était produit de l’autre côté de la rivière depuis la ville et avait déclenché une sorte de «tsunami» qui avait projeté de la glace sur la communauté et causé des morts.

Une recherche publiée par Ressources naturelles Canada en mai 2021 a montré qu’entre 1771 et 2019, le Québec s’est classé deuxième au Canada pour le nombre de glissements de terrain meurtriers, avec un total de 239. Seule la Colombie-Britannique en a enregistré plus, avec 356. Le Québec était suivi de Terre-Neuve-et-Labrador, avec 103, et l’Alberta, où il y en avait 73.

Mais M. Locat a noté que le Québec pourrait avoir un nombre plus élevé de glissements de terrain enregistrés que d’autres régions du pays en raison de ses modèles de peuplement. Environ 80% de la population du Québec vit dans la plaine argileuse où se produisent des glissements de terrain, a-t-il dit, ajoutant que la province a été colonisée plus tôt que d’autres régions du Canada, offrant aux Québécois une possibilité plus étendue d’enregistrer le phénomène par rapport aux autres Canadiens.