Événement antiavortement: le gouvernement Legault mis en demeure

QUÉBEC — Le gouvernement du Québec et le Centre des congrès de Québec sont mis en demeure par l’organisation religieuse Harvest Ministries International en raison de l’annulation de leur événement «Rallye Feu, Foi et Liberté». Selon la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, il s’agissait d’un événement antiavortement. 

L’information d’abord rapportée par «Le Devoir» a pu être confirmée par La Presse Canadienne. 

Dans la mise en demeure, on indique qu’il ne s’agissait pas d’un événement antiavortement. «Aucune prise de parole, représentation, projection ou thématique soi-disant  »antiavortement » n’était au programme», peut-on lire. 

«Même si la thématique du rallye était  »antiavortement » (nous le nions), votre décision de bannir ma cliente du Centre des congrès – et de toutes les propriétés similaires de la Couronne provinciale – serait abusive, discriminatoire, attentatoire aux libertés fondamentales d’expression et de religion, sans l’ombre d’une justification raisonnable», poursuit-on. 

Vendredi dernier, la ministre Proulx est intervenue pour faire annuler l’événement du groupe qui devait se tenir au Centre des congrès sous prétexte qu’il était contre l’avortement. Elle a plaidé que le centre relevait du gouvernement et qu’à ce titre, il ne pouvait louer de salles à des groupes qui sont contre les «principes fondamentaux» de l’État.

Le groupe basé en Colombie-Britannique estime son préjudice matériel à plus de 450 000 $. Ce montant n’inclut pas, selon lui, les dommages, punitifs ou autres, qui pourraient être également réclamés.

On menace le gouvernement québécois d’intenter des procédures si jamais il ne rétablit pas le contrat d’ici le 8 juin. 

«Chacun a le droit d’exprimer ses convictions et ses valeurs profondes, même si elles sont minoritaires ou impopulaires. Au Québec, comme dans le reste du Canada, l’arbitraire étatique, la censure et la discrimination n’ont pas leur place», a affirmé le leader de Harvest Ministries International, le pasteur Art Lucier, par communiqué. 

L’événement devait se tenir du 23 juin au 2 juillet.

Ni le cabinet de Caroline Proulx ni le Centre des congrès de Québec n’ont voulu commenter la mise en demeure. 

Le PQ veut des clarifications 

Le Parti québécois s’interroge désormais sur le bien-fondé de cette décision gouvernementale qu’il appuyait pourtant sans réserve la semaine dernière.

La ministre Proulx n’a jamais clarifié quels sont les principes fondamentaux de l’État, ou si d’autres événements allaient être interdits et si oui, à partir de quels critères.

Après avoir applaudi le bannissement du groupe Harvest Ministries International, le PQ se demande désormais si c’était la bonne décision à prendre. 

Dans un gazouillis mercredi, le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon réitère que son parti est pro-choix, mais il invite les élus à «prendre un pas de recul et bien considérer la question».

Le gouvernement devrait-il pouvoir déterminer, sur une base arbitraire, qui peut se rassembler et s’exprimer dans notre société, s’interroge M. St-Pierre Plamondon. 

«Le gouvernement prétend que son PDG (du Centre des congrès) a manqué de jugement et que l’on ne devrait pas louer de salles à des gens qui ne partagent pas les « valeurs » (…) du Québec», a-t-il écrit. 

«Mais lorsqu’on demande au premier ministre comment désormais on fera la différence entre les gens qui ont le droit de se réunir et ceux qui perdent ce droit sur la base de ce test des valeurs, il n’est pas capable de répondre.

«J’invite le gouvernement à clarifier sa position. (…) Notre meilleur rempart contre les propos contraires à nos valeurs n’est pas la censure, mais bien la clarté de nos arguments», a-t-il poursuivi.

Vendredi dernier, son député Pascal Bérubé avait déclaré: «L’État, à travers le Centre des congrès, n’a pas à accueillir un tel groupe qui fait la promotion de valeurs qui vont à l’encontre de celles de l’État».

M. Bérubé n’a pas voulu commenter le gazouillis de son chef, mercredi.

De son côté, la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, a réaffirmé mercredi que la décision d’annuler l’événement du groupe antiavortement à Québec «a été prise à la lumière des valeurs de notre gouvernement».

Pour le reste, le gouvernement procédera «au cas par cas», a-t-elle dit. 

Le PLQ appuie la CAQ

Le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, ne ressent pour sa part aucun malaise: le gouvernement a pris, selon lui, la bonne décision en annulant l’événement antiavortement.

Pourtant, son ancienne collègue Christine St-Pierre venait d’exprimer publiquement ses réserves. 

«Le respect de l’égalité homme-femme, la laïcité de l’État, la liberté de religion également, la liberté d’expression, c’est des valeurs fondamentales», a commencé M. Tanguay.

Donc, a voulu savoir un journaliste, des groupes qui s’opposent à la laïcité de l’État ne pourraient pas se rencontrer dans des lieux publics?

«Des groupes, vous me dites, qui viendraient contester la laïcité de l’État? C’est une valeur fondamentale, la laïcité», a insisté en point de presse M. Tanguay.