Jour de la Terre: des milliers de manifestants pressent les gouvernements d’agir

MONTRÉAL — Des milliers de personnes se sont rassemblées samedi après-midi à l’occasion du Jour de la Terre pour revendiquer des actions politiques dans la lutte aux changements climatiques.

Deux importantes manifestations se sont tenues à Montréal et à Québec, mais d’autres rassemblements étaient organisés un peu partout en province, notamment à Rimouski, Trois-Rivières, Joliette, Sherbrooke, Chicoutimi, Rouyn-Noranda et Baie-Comeau.

Des gens de tous âges ainsi que plusieurs organisations de tous horizons, notamment du milieu communautaire, syndical, étudiant et écologiste ont marché dans le but de se faire entendre. On revendique entre autres l’arrêt de l’exploitation des énergies fossiles et un investissement dans le filet social pour une transition juste et inclusive. 

Le Jour de la Terre a eu lieu au lendemain d’un rapport publié par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations unies, qui alerte que les glaciers fondent à une vitesse grand V sans que l’on puisse les en empêcher. 

Le rapport confirme que la température moyenne de la planète en 2022 était supérieure de 1,15 °C à celle de l’époque préindustrielle. De plus, les huit dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. 

Un autre rapport, cette fois du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), a de nouveau sonné l’alarme le mois dernier concernant la crise climatique, soulignant qu’il pourrait bien s’agir de la dernière chance d’éviter les pires conséquences. 

Dans son rapport publié le 20 mars, le GIEC insiste sur le fait qu’il faudra réduire rapidement la pollution par le carbone, ainsi que l’utilisation des combustibles fossiles de près des deux tiers d’ici 2035. 

La co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Manon Massé, qui a participé à la marche aux côtés de plusieurs députés solidaires, estime qu’il n’est pas trop tard pour agir pour le climat, mais qu’il faut des actions maintenant. 

Elle rappelle que QS prône l’interdiction de la vente de véhicules à essence dès 2030, «une année charnière», selon Mme Massé. Son parti demande au gouvernement de François Legault d’être plus strict que l’actuelle cible de 2035 sur cet enjeu. 

Mme Massé a dit qu’on peut encore agir pour respecter nos engagements lors de l’accord de Paris, c’est-à-dire de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C, maximum 2 °C, par rapport aux niveaux préindustriels. «Ça, c’est encore possible, lance-t-elle. Chaque heure que les gouvernements se traînent les pieds et tardent, c’est une heure où on risque de rater notre cible». 

La porte-parole nationale du Parti Québécois (PQ), l’ancienne députée Méganne Perry Mélançon, était également présente à la marche du Jour de la Terre, qui débutait aux pieds du Mont-Royal. 

«On est ici pour réitérer nos propositions qui sont encore d’actualité, on les a faits en campagne, mais pour nous ce sont des idées qui pourraient être appliquées par le gouvernement en place», a-t-elle déclaré. 

Un gouvernement sourd 

Aimé Cousineau et Elinor Poitras, toutes deux âgées de 15 ans ainsi qu’Alexia Lehouillier-Berthillon, âgée de 16 ans, sont venues assister à la manifestation qui s’est déroulée dans une ambiance festive. «Pour nous, c’est important d’aider la planète et agir pour l’environnement. Ce n’est pas juste pour nous, mais aussi les personnes après nous», a mentionné Elinor Poitras. 

L’accumulation des déchets dans l’océan, la déforestation, les espaces menacés qui se multiplient et la «maltraitance de la nature» sont quelques exemples qui les préoccupent.  

«Le fait qu’il y a beaucoup de monde qui se rassemble, c’est sûr que ça permet d’envoyer un message. Je ne sais pas à quel point ça aide, mais ce n’est pas rien», affirme Aimé Cousineau. 

Son amie Alexia explique que c’est leur façon de participer à la démocratie. «Il n’y a pas vraiment de façon (de se faire entendre), surtout qu’à notre âge on ne peut pas voter. C’est notre façon d’envoyer notre message», dit-elle. 

Nathalie Lapointe, porte-parole pour Unifor était également de la marche pour représenter le syndicat, mais aussi pour des convictions personnelles. Elle était accompagnée de sa mère, âgée de 75 ans, qui a dénoncé qu’au Québec, on priorise l’économie à défaut de l’environnement. 

«Je ne sais pas si ça fait vraiment une différence, je ne suis pas convaincu que le gouvernement québécois entend vraiment ce qu’on a à dire», a mentionné Mme Lapointe nuançant qu’à plus grande échelle cela a sûrement un impact. 

La Coalition du 22 avril, qui regroupe plusieurs organismes, abonde dans le même sens. «Au-delà des beaux discours, le gouvernement du Québec continue de repousser l’urgence d’agir et de prioriser le développement économique, renforçant ainsi un système économique qui creuse les inégalités et détruit la planète», mentionne la coalition dans un communiqué de presse. 

Néanmoins, la semaine dernière à l’Assemblée nationale a été marquée de petites victoires dans divers dossiers qui touchent l’environnement. 

«Cette semaine, honnêtement, c’était la semaine des victoires. Il y a eu l’abandon du troisième lien autoroutier, l’engagement — on ne sait pas à quelle hauteur — du premier ministre qui reconnaît qu’on doit faire plus pour soutenir les municipalités après que Gabriel (Nadeau-Dubois) l’a talonné», s’est réjouie Manon Massé, ajoutant qu’elle avait hâte de voir les montants. 

Cette semaine le gouvernement Legault a annoncé des sommes additionnelles pour rendre les infrastructures de la province plus résilientes face aux effets des changements climatiques. Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a dit que le montant allait être défini dans la mise à jour duPlan pour une économie verte (PEV).

«Ça fait longtemps que les municipalités le réclament, on voit aussi que pour tout ce qui est catastrophe naturelle, érosion des berges, les inondations — on est à un moment de l’année où les crues printanières inquiètent beaucoup de municipalités avec raison — il faut donner des outils et les municipalités sont souvent prises avec des budgets limités pour faire face à ces changements climatiques», a fait valoir la porte-parole nationale du PQ. 

Des partis politiques discrets 

Le Parti libéral du Québec et la Coalition avenir Québec (CAQ) se sont faits discrets lors des différentes manifestations organisées à l’occasion du Jour de la Terre. Les partis ont tout de même souligné cette journée pour le climat sur leurs réseaux sociaux. 

Le premier ministre François Legault a écrit sur Twitter que les Québécois sont chanceux d’avoir «un si beau territoire». «Je suis fier de nos lacs, de nos rivières, de notre magnifique fleuve St-Laurent. On doit protéger la biodiversité. On doit électrifier notre économie. On doit éliminer les GES. Pour nos jeunes, pour le Québec!», a-t-il déclaré. 

Le chef de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec, Marc Tanguay, a indiqué que «la protection de l’environnement, la lutte contre les changements climatiques, la carboneutralité et une économie verte pour tous les Québécois sont au cœur de leur engagement». 

De son côté, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a affirmé sur Twitter qu’elle était «déterminée à faire de Montréal la métropole la plus verte en Amérique du Nord». 

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, s’est aussi dit fier des territoires canadiens. «En ce Jour de la Terre, souvenons-nous que si nous partageons notre planète, nous partageons aussi la responsabilité de la protéger. (…) Aujourd’hui et tous les jours, renouvelons notre engagement à protéger la Terre au profit des prochaines générations», a-t-il déclaré dans un communiqué.