Le bar Musi-Café, symbole de la reconstruction de Lac-Mégantic

LAC-MÉGANTIC — Le bar qui est devenu l’épicentre de la catastrophe ferroviaire mortelle qui a frappé Lac-Mégantic, en Estrie, il y a 10 ans, a marqué ce sombre anniversaire vendredi de la même façon qu’il a passé les heures précédant la tragédie : avec de la musique, des rires et même de la joie.

La tête d’affiche musicale, Dany Flanders, ancien candidat de l’émission de téléréalité «La Voix», a entamé la soirée de vendredi au Musi-Café par un hommage émouvant aux victimes et à la ville, sur l’air de «Hallelujah» de Leonard Cohen.

Toutefois, il a promis que la soirée ne serait pas entièrement sombre, et ce ne fut pas le cas. Au bout de quelques chansons, les serveuses dansaient et la foule chantait avec lui, tandis que M. Flanders répondait aux demandes et chantait une chanson d’anniversaire pour un client.

Il y a dix ans, par une autre chaude nuit d’été, le Musi-Café est devenu le point central de la tragédie qui a secoué la ville après qu’un train stationné sans surveillance et transportant du pétrole brut a dévalé la pente depuis la municipalité voisine de Nantes et a déraillé, avant d’exploser.

Une trentaine des 47 victimes de la catastrophe se trouvaient à l’intérieur ou à proximité du bar, dont le nom est depuis devenu un symbole de la résilience de la ville et de sa reconstruction en cours.

La copropriétaire Katie Stapels, qui a repris le bar l’année dernière avec son partenaire, dit qu’elle savait que le Musi-Café était important pour la communauté, mais qu’elle ne fait que réaliser à quel point il l’est. Bien qu’elle n’ait pas vécu à Lac-Mégantic en 2013, elle a accepté la responsabilité d’être propriétaire de l’endroit qui est devenu l’un de ses symboles les plus connus.

Quelques semaines seulement après la tragédie du 6 juillet 2013, le bar a rouvert ses portes sous une tente, offrant une série de concerts gratuits à la population. Un nouvel emplacement permanent a ouvert ses portes à la fin de l’année 2014, même si, à l’instar du reste du centre-ville, il ne ressemble guère à ce qui existait auparavant.

Outre la destruction immédiate de la moitié du centre-ville, le déraillement a provoqué le déversement de six millions de litres de pétrole qui se sont infiltrés dans le réseau d’égouts, contaminant ainsi de nombreux autres bâtiments. 

Au total, environ 80 bâtiments ont été démolis, soit 110 entreprises et 100 habitations, selon les informations fournies par la ville. Les dégâts environnementaux ont été si importants que le centre-ville n’a pas rouvert ses portes pendant près de trois ans. 

Dans l’intervalle, il a été décidé de reconstruire dans une rue voisine, un choix fait par nécessité, pour permettre aux entreprises de rouvrir rapidement, selon Stéphane Vachon, directeur du développement économique de la ville. Aujourd’hui, une trentaine de bâtiments ont été construits.

L’ancien site du Musi-Café est aujourd’hui un mémorial qui rend hommage aux victimes.

Un ancien centre-ville regretté

Jerry Perron, un résident de 74 ans qui assistait au spectacle de vendredi, dit que l’ancien Musi-Café, avec ses coins intimes, lui manque. Il regrette surtout l’emplacement de la rue Frontenac, très animée, avec ses immeubles bas de style «ville-champignon» du début des années 1900 et ses façades joyeuses.

Selon lui, le nouveau centre-ville est froid et sans vie en comparaison, avec moins d’activité et des bâtiments gris et bruns qui remplacent les bâtiments colorés. Le nouveau Musi-Café, tout comme le nouveau centre-ville, est plus moderne — plus grand, avec des plafonds plus hauts et dans un bâtiment indépendant plutôt que dans une rangée. 

Cependant, le Musi-Café reconstruit, bien que différent, reste un symbole important de la tragédie et un lieu où les gens de différentes générations se rassemblent. 

M. Perron rapporte que l’endroit est autant fréquenté par des jeunes que des personnes plus âgées comme lui. Frontenac, l’ancienne rue principale, est aujourd’hui un mélange de terrains vagues, d’espaces verts et de bâtiments modernes.

Le centre-ville comporte encore des plaques avec des photos et des explications sur les bâtiments historiques qui ont disparu, tandis qu’une promenade nouvellement construite longe les voies ferrées où les trains passent encore, rappelant quotidiennement ce qui s’est passé.

M. Vachon reconnaît que tout le monde n’est pas en amour avec le nouveau centre-ville, qui est moins centralisé, avec moins de bâtiments et un style moderne. Mais il dit qu’il n’y a pas de manuel sur la façon de reconstruire un centre-ville après l’explosion d’un train.

Selon lui, le nouveau projet a été élaboré en consultation avec les résidents et intègre des éléments qui leur tenaient à cœur, comme des parcs et des trottoirs plus larges.

La décision de reconstruire le Musi-Café a été prise très tôt. Il rappelle que c’était le symbole d’une renaissance.

Mme Stapels explique qu’elle et son partenaire ont apporté quelques changements depuis qu’ils ont repris l’établissement, notamment en augmentant l’offre de restauration. Mais elle précise que le nouveau bar conserve les valeurs de l’ancien, notamment la bonne musique et l’offre d’un lieu de rencontre pour la communauté. Et, tout comme le Musi-Café a soutenu les résidents au lendemain de la tragédie, elle affirme qu’ils lui ont rendu la pareille à l’approche de l’anniversaire.