Les Communes adoptent la réforme de la Loi sur les langues officielles

OTTAWA — La Chambre des communes a adopté presque à l’unanimité lundi le projet de loi C-13 qui réforme la Loi sur les langues officielles.

Selon les résultats préliminaires, 300 députés ont voté en faveur. Un seul était contre, soit le député libéral de Mont-Royal, Anthony Housefather. Il avait fait de même à l’étape du rapport. La députée de Longueuil—Charles-LeMoyne, la libérale Sherry Romanado, a enregistré une abstention. Et une trentaine d’élus n’ont carrément pas voté.

«C’est une journée historique pour moi. Je vais vous dire, je me sens un peu émotionnelle aussi», a déclaré après le vote la ministre des Langues officielles et marraine du projet de loi, Ginette Petitpas Taylor.

En somme, a-t-elle résumé en mêlée de presse, C-13 accomplit deux objectifs: freiner le déclin du français au pays et appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Le projet de loi consacre un nouveau droit de travailler et d’être servi en français au Québec et dans les «régions à forte présence francophone» des autres provinces dans les entreprises privées de compétence fédérale, comme les banques, les compagnies aériennes ou ferroviaires. À la suite d’amendements en comité, il est désormais aligné sur la Charte de la langue française du Québec.

C-13 donne également au commissaire aux langues officielles le pouvoir de donner des ordres aux institutions fédérales et crée un régime de sanctions. Aussi, il force la nomination de juges bilingues à la Cour suprême.

Dissidence

La ministre Petitpas Taylor a refusé de réclamer des sanctions à l’égard du député qui a fait dissension dans les rangs de sa formation. M. Housefather a eu l’occasion de partager les inquiétudes de «certains» de ses concitoyens, a-t-elle dit. Il a pris sa décision, «et puis c’est correct».

«La modernisation de la Loi sur les langues officielles n’enlève aucun droit aux anglophones du Québec, a insisté la ministre. C’est sûr qu’on mentionne la Charte de la langue française puisque c’est la loi qui existe au Québec.»

Dans une déclaration transmise à La Presse Canadienne, M. Housefather a expliqué que c’est justement la présence dans le projet de loi de ces références à la loi 96 du Québec qui explique sa décision.

«J’ai senti qu’il fallait rappeler à la Chambre et aux Canadiens que les craintes de la communauté anglophone du Québec n’étaient pas réglées et qu’un vote unanime en faveur du projet de loi aurait balayé ces craintes du revers de la main», écrit-il.

Le premier ministre Justin Trudeau avait été forcé de clarifier dans les derniers mois que ses ministres devront tous voter en faveur de C-13 après que l’un d’eux, le Montréalais Marc Miller, eut ouvert la porte à faire le contraire.

À son arrivée à la période des questions lundi, le ministre Miller a expliqué que C-13 est «une bonne loi» qui va renforcer le français au pays. Il est important de «reconnaître cette asymétrie qui existe dans notre pays dans une mer d’anglais en Amérique», a-t-il déclaré aux journalistes.

Son collègue David Lametti, ministre de la Justice et procureur général, qui avait des réserves au cours des derniers mois sur C-13, a lui aussi confirmé qu’il allait voter en faveur du projet de loi «en tant que membre du gouvernement et du cabinet». Et «non», ce n’est pas à contrecœur, a-t-il assuré.

«Insuffisant»

Les conservateurs, qui avaient maintenu le mystère jusqu’à la dernière minute, ont finalement tous voté pour le projet de loi. Toutes les autres formations politiques avaient annoncé au préalable être en faveur.

«Il a fallu huit ans aux libéraux pour présenter un projet de loi qui ne constitue pas la réforme qu’ils promettaient. Cependant, par respect des communautés minoritaires affectées, et afin de soutenir les parties de ce projet de loi qui sont nécessaires, nous avons finalement décidé de voter pour», a soutenu le porte-parole conservateur en matière de langues officielles, Joël Godin.

Au Bloc québécois, on estime que C-13 constitue «un pas dans la bonne direction», mais qu’il reste «insuffisant» pour que le français soit protégé au Québec.

Le leader parlementaire bloquiste, Alain Therrien, a dit conclure que le résultat démontre que les opposants au projet de loi sont «vraiment tenaces», mais aussi que le whip libéral a fait «quand même un bon travail» puisqu’il n’y a eu qu’un vote contre et une abstention.

Le Bloc entend continuer d’exercer des pressions afin que la Charte de la langue française du Québec s’applique «de façon complète et en bonne et due forme» aux entreprises de compétence fédérale dans la province, a-t-il déclaré.

«C-13, tout ce qu’il dit, c’est qu’une personne qui veut parler en français peut et qu’on lui offre ce droit-là, alors qu’il n’est pas dit que la personne qui parle anglais, qui veut parler anglais, qui résiste à ne pas offrir le service en français ou à ne pas vivre dans un environnement en français (…) il n’y aurait rien pour justement contraindre cet individu-là à respecter ce qui se passe en français à l’intérieur du territoire québécois», a-t-il résumé.

Du côté du Nouveau Parti démocratique, la porte-parole en matière de langues officielles, Niki Ashton, a également qualifié la journée d’«historique».

«Dès le début, le NPD a clairement indiqué que la Loi sur les langues officielles devait être renforcée et modernisée le plus rapidement possible, a-t-elle affirmé. Nous sommes fiers du travail que nous avons accompli pour obtenir des changements historiques qui donneront à notre pays les outils nécessaires pour protéger le français face à son déclin.»

Maintenant qu’il a franchi toutes les étapes à la Chambre des communes, le projet de loi est envoyé au Sénat dont il doit avoir l’assentiment afin d’obtenir la sanction royale. 

Le gouvernement Trudeau souhaite que le projet de loi termine son parcours législatif avant la fin de la session, en juin. Les sénateurs ont déjà mené une préétude – ils ont notamment entendu des témoins en comité – ce qui devrait leur permettre de terminer plus rapidement leurs travaux.