Microbiote: des chercheurs fouillent dans la couche des bébés

MONTRÉAL — Le microbiote intestinal des bébés contient dix fois plus de virus qu’il ne contient de bactéries, et la vaste majorité de ces virus sont inconnus des scientifiques, a découvert une étude internationale à laquelle ont collaboré des chercheurs de l’Université Laval.

Les chercheurs ont consacré cinq ans à l’examen du contenu de la couche de 647 bébés danois âgés d’un an. Ils ont trouvé dans leurs excréments 10 000 espèces de virus réparties parmi 248 familles virales, dont seulement 16 qui étaient déjà connues.

Quatre-vingt-dix pour cent des virus identifiés sont ce que les chercheurs appellent des «bactériophages» ― des virus qui infiltrent non pas des cellules humaines, mais plutôt des bactéries à qui ils transmettent leur code génétique. Cela pourrait, par exemple, rendre ces bactéries plus efficaces en leur permettant d’absorber certains nutriments. Cela pourrait aussi jouer un rôle dans l’équilibre de la flore intestinale.

«On sait qu’il y a des bactéries dans notre microbiote, on sait qu’il y a des phages, donc on voulait étudier l’interaction des phages avec ces bactéries-là, puis de voir s’ils ont des rôles importants dans cet écosystème», a résumé le professeur Sylvain Moineau, du département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique de l’Université Laval.

Le 10 % restant des virus s’attaque aux cellules humaines, apparemment sans pour autant rendre les enfants malades. Leur rôle exact reste à déterminer, mais ils servent possiblement à «entraîner» le système immunitaire à reconnaître les infections. Il n’est pas non plus impossible qu’ils soient liés à des problèmes de santé sans qu’on le sache.

Il existe probablement un équilibre entre les bactéries du microbiote intestinal, les virus et le système immunitaire, ont dit les chercheurs.

Les bactéries qui composent le microbiote intestinal sont beaucoup mieux connues que les virus, a rappelé le professeur Moineau, possiblement parce qu’elles sont plus faciles à identifier, et donc à étudier. Les bactéries, a-t-il souligné, disposent de «marqueurs universels» qui en facilitent la détection et l’identification.

«C’est plus difficile d’isoler ou de caractériser ou d’identifier des virus dans notre soupe intestinale, parce qu’il n’y a pas ces marqueurs universels qui sont présents chez les bactéries», a dit M. Moineau. 

La première étape en vue de mieux comprendre le rôle des virus consistait donc à les caractériser, et de puissants outils de bio-informatique ont dû être développés spécifiquement à cette fin.

Les chercheurs ont été épatés par la diversité du virome (l’ensemble des virus trouvés dans un même environnement) à l’âge d’un an, puisque l’intestin des bébés est stérile au moment de leur naissance. Le nourrisson est exposé à des bactéries et des virus dès l’accouchement, par le biais de sa mère et de l’environnement, puis lorsqu’il interagit avec le monde, par exemple en mettant des doigts sales dans sa bouche.

Ces travaux ont été effectués dans le cadre du projet COPSAC (Copenhagen Prospective Studies on Asthma in Childhood). Son responsable, le professeur Dennis Sandris Nielsen de l’Université de Copenhague, a expliqué par voie de communiqué que ce virome diversifié est possiblement dû au fait que le système immunitaire n’a pas encore appris, à l’âge d’un an, à départager ce qui est «utile» de ce qui est «nuisible».

Cette diversité, a-t-il ajouté, pourrait aider à nous protéger contre des maladies chroniques comme le diabète et l’asthme plus tard pendant la vie.

«La prochaine étape, c’est de faire des corrélations entre certaines de ces familles de virus ou de phages qui ont été identifiées, puis l’impact sur la santé», a dit le professeur Moineau.

Les données danoises dont disposent les chercheurs sont extrêmement riches. Ils pourront donc examiner de multiples facteurs, de l’alimentation des enfants jusqu’à la présence de frères et sœurs en passant par l’environnement et l’apparition de maladies chroniques. D’autres travaux seront publiés au cours des prochains mois.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical Nature Microbiology.