Retour sur une session difficile pour la Coalition avenir Québec

QUÉBEC — Recul sur le troisième lien, hausse controversée du salaire des députés, cafouillage à la SAAQ: retour sur une session difficile pour le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ). 

«C’est la première fois que la CAQ est ébranlée par des faux pas qu’elle a faits», soutient André Lamoureux, chargé de cours en science politique à l’UQAM, en entrevue avec La Presse Canadienne. 

Le recul sur le troisième lien a provoqué de vives réactions dans la population, mais également au sein des députés caquistes, particulièrement ceux de la région de Québec et de Chaudière-Appalaches. 

La ministre Martine Biron s’est dite «blessée» alors que son collègue Bernard Drainville a fondu en larmes devant les journalistes à l’Assemblée nationale. 

«Cette promesse-là a pris des proportions très importantes dans le débat public, car la CAQ s’est un peu peinturée dans le coin. Elle ne pouvait que décevoir plein de gens», affirme Philippe Dubois, professeur de communication publique et politique à l’École nationale d’administration publique.

Bien qu’il reconnaisse que cela a été un coup dur pour le gouvernement, André Lamoureux estime que la situation aurait pu être pire. 

«Il y a eu des dissensions, mais pas de crise au sein du caucus. […] François Legault a été capable de surmonter la vague d’insatisfaction qui s’est exprimée dans son propre parti», soutient-il. 

«Jongler avec toutes les patates chaudes»

Le projet de loi pour augmenter le salaire des députés de 30 000 $ a donné lieu à plusieurs déclarations controversées. 

Le premier ministre François Legault a dit qu’un député avait le droit de vouloir gagner plus pour léguer le plus d’argent possible à ses enfants. 

Le whip du gouvernement Éric Lefebvre, pour sa part, a affirmé que son travail de député était tellement demandant qu’il ne pouvait voir sa mère qu’une fois par année. 

«Ça sentait un peu l’improvisation et qu’on tentait de colmater les brèches, mais il n’y avait pas de message uni et central. Les justifications proposées étaient très défensives et très centrées sur eux-mêmes», soutient le président de Traxxion Stratégies et ancien conseiller de Jack Layton, Karl Bélanger.

Philippe Dubois pense que le gouvernement a pu décider de prendre des décisions impopulaires, car les prochaines élections sont encore loin. 

«J’ai l’impression qu’on a choisi que ça allait être la session parlementaire martyre en se disant qu’on aura le temps après pour changer le cadrage», explique le professeur. 

«Tant qu’à jongler, on va jongler avec toutes les patates chaudes en même temps», illustre-t-il. 

Selon André Lamoureux, la question de la hausse du salaire aurait mieux passé dans l’opinion publique si le gouvernement avait consenti, en contrepartie, à rendre moins généreux le régime de retraite des députés.  

«Si le gouvernement avait expliqué cela à la population tout en permettant une certaine augmentation, je crois que ça aurait passé beaucoup plus facilement», soutient le chargé de cours en science politique. 

Également, M. Lamoureux estime que le cafouillage à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) a «nui à l’image d’efficacité que le gouvernement de la CAQ s’était donnée depuis le début de son mandat». 

Un enjeu qui semble avoir mieux passé dans le débat public est celui des seuils d’immigration. La CAQ propose un scénario pour les faire passer de 50 000 à 60 000 par année, alors que durant la dernière élection, François Legault avait laissé entendre que de hausser les seuils serait «un peu suicidaire». 

«Dans ce cas-là, ça n’a pas créé une énorme controverse. On n’a pas revécu un mélodrame et sur ça je pense que c’est mission accomplie», estime Philippe Dubois. 

Un second scénario maintient le statu quo à 50 000 immigrants permanents par année. Ces deux avenues seront soumises à des consultations publiques. 

«La CAQ vit clairement le plein exercice du pouvoir»

M. Dubois ne croit pas que le gouvernement caquiste est confronté à l’usure du pouvoir. 

«La CAQ vit clairement le plein exercice du pouvoir. […] Là, il y a l’espace pour critiquer les ministres, pour les remettre en question, ce qui était moins possible pendant la pandémie parce que les gens s’attendaient à ce qu’on fasse corps derrière le gouvernement», soutient-il. 

Malgré les éléments mentionnés précédemment, le gouvernement reste largement en tête selon les derniers sondages. 

«Les gens conservent leur confiance envers le gouvernement par rapport à des dossiers centraux […] comme la laïcité, la langue française, le contrôle de l’immigration», énumère André Lamoureux. 

Dans ces mêmes sondages, on voit toutefois la montée du Parti québécois (PQ). 

«Les électeurs potentiels du PQ sont des caquistes. Si le PQ demeure sur sa lancée, ça pourrait devenir un caillou assez important dans la bottine de la CAQ», affirme le professeur Philippe Dubois. 

Selon Karl Bélanger, le PQ profite du fait que le gouvernement semble avoir de la difficulté à obtenir des gains substantiels d’Ottawa.

«Comme la CAQ ne semble pas livrer et que les attentes sont élevées, le PQ a le beau jeu de leur remettre ça sur le nez. Ça ne veut pas dire que le PQ serait capable de faire mieux, mais pour l’instant ce n’est pas leur problème», expose-t-il. 

Philippe Dubois rappelle toutefois que la CAQ est encore bien en selle. «Quand on regarde les taux d’approbation, ça reste très acceptable», dit-il.