Steven Guilbeault: Bay du Nord n’offre pas une énergie de transition pour l’Europe

Questionné par un sénateur sur le projet Bay du Nord, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, a répété que le pétrole n’est pas une énergie de transition pour les pays européens, quelques heures avant que le Canada annonce qu’il s’engage à augmenter ses exportations de pétrole vers l’Europe.

Le ministre Guilbeault a indiqué que le Canada veut aider les Européens à réduire leur dépendance au pétrole et au gaz russe, mais selon lui, le projet pétrolier de Bay du Nord, au large de Terre-Neuve-et-Labrador, n’est pas une façon d’y arriver. 

«Il faut bien comprendre que si le projet de Bay du Nord va de l’avant, il ne pourrait pas produire du pétrole avant 2028, alors je doute que nos amis et collègues européens attendent jusqu’en 2028 après le pétrole canadien», a indiqué le ministre. 

En réponse à une question du sénateur Claude Carignan lors d’une réunion du Comité sénatorial de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, jeudi matin, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a paraphrasé la présidente du Parlement européen Roberta Metsola, en indiquant que «la meilleure façon de réduire la dépendance de l’Europe au pétrole et au gaz russe, c’est de réduire la dépendance de l’Union européenne au pétrole et au gaz tout court et donc d’accélérer la transition vers les technologies propres et vers les énergies renouvelables». 

Claude Carignan, nommé au Sénat par le premier ministre Stephen Harper en 2009, a fait part au ministre de l’Environnement de son impatience de voir la décision d’Ottawa être reportée concernant le projet Bay du Nord.  

Selon lui, le pétrole canadien pourrait offrir une alternative à des pays européens qui pourraient être tentés d’utiliser de l’énergie provenant du charbon pour remplacer le pétrole russe. Le sénateur a également fait référence à un récent rapport provisoire de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) qui a conclu que «le projet d’exploitation de Bay du Nord n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants». 

Alors que le ministère de l’Environnement doit statuer sous peu sur l’ambitieux projet de construction d’une nouvelle plateforme de forage,  le sénateur Carignan a demandé à Steven Guilbeault si la décision qu’il devait prendre «l’empêchait de dormir». 

«Laissez-moi vous rassurer, monsieur le sénateur, je dors sur mes deux oreilles et très bien», a répondu Steven Guilbeault en ajoutant que le projet Bay du Nord était «très complexe» et qu’une décision sera rendue à la mi-avril. 

Le pétrole n’est pas une énergie de transition

En réponse au commentaire du sénateur, le ministre a tenu à préciser que «personne ne considère le pétrole comme une énergie de transition».  

Il a expliqué que «si le projet Bay du Nord devait aller de l’avant, on ne va pas déplacer la production d’électricité à partir de charbon» puisque les Européens n’utilisent pas ou peu le pétrole comme source d’électricité, précisant que le pétrole est surtout utilisé dans les procédés industriels et dans le transport.  

Concernant la dépendance des Européens au pétrole russe, Steven Guilbeault a ajouté que le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, était actuellement à Paris «à l’Agence internationale de l’énergie pour travailler avec ses collègues européens afin de voir ce qu’on peut faire, au Canada et dans les autres pays occidentaux pour les aider». 

Plus de pétrole à l’Europe

En après-midi jeudi, Ressources naturelles Canada a publié un communiqué dans lequel le Canada s’engage à mettre en œuvre un certain nombre de mesures pour aider les pays européens à faire face à la crise énergétique causée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une situation qui «compromet la sécurité énergétique des amis et alliés européens du Canada».

Ainsi, Ressources naturelles indique que «l’industrie canadienne a la capacité d’augmenter progressivement ses exportations de pétrole et de gaz d’environ 300 000 barils par jour (200 000 barils de pétrole par jour et 100 000 barils d’équivalent pétrole par jour de gaz naturel) au cours de 2022, afin de remplacer le pétrole et le gaz russes sans augmenter les émissions mondiales».

Il n’est pas question, dans ce communiqué, du projet Bay du Nord ou de nouvelles exploitations gazières.

Le communiqué indique également que le ministre Wilkinson a discuté «des formes que peut prendre la collaboration entre les pays membres de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour garantir la disponibilité des minéraux critiques nécessaires à la transition énergétique» et que des représentants canadiens ont pris part à différentes réunions avec leurs homologues européens pour «promouvoir la transition énergétique en appui aux engagements internationaux pris en faveur du climat».

Le Canada a également annoncé l’octroi de 8 millions $ au programme de transition vers l’énergie propre de l’AIE, «afin d’aider les économies émergentes à accélérer leur transition énergétique tout en répondant à leurs besoins en énergie».

Le NPD n’approuve pas Bay du Nord

Le projet Bay du Nord, de la multinationale norvégienne Equinor en collaboration avec la compagnie canadienne Husky Energy, prévoit exploiter un gisement de pétrole en eau profonde, une première au pays. Alors que Equinor pensait au départ pouvoir extraire 300 millions de barils, ce nombre a plus que triplé dans les estimations plus récentes. 

Plusieurs groupes environnementaux s’opposent au projet et le Nouveau Parti démocratique (NPD), qui a scellé un pacte avec les libéraux mardi afin de permettre au gouvernement de demeurer au pouvoir jusqu’en 2025, voit mal comment le projet pourrait être accepté.

La porte-parole du NPD en matière d’environnement, Laurel Collins, a déclaré mercredi qu’il serait difficile pour les libéraux de justifier l’approbation du projet, compte tenu des engagements du Canada à limiter la hausse des températures mondiales à 1,5 degré Celsius.

Mercredi, lors d’une conférence de presse à Ottawa, Steven Guilbault a été questionné sur l’impact que «l’alliance» avec le NPD aura sur son mandat.  

Il a répondu que «le message que ça envoie, c’est que nous allons travailler ensemble en se consacrant sur les questions d’environnement et de changement climatique» et il a souligné que  «fondamentalement, entre la plateforme du NPD et notre plateforme au cours de la dernière élection, il y a beaucoup de similitudes, donc il n’y aura pas de changement».