Un groupe de chercheurs canadiens se penchent sur le mystère des tornades

WASHINGTON — Confirmer le passage d’une tornade au Canada, c’est comme la chute d’un arbre dans une forêt: si personne ne l’a vu, cela ne s’est jamais produit, du moins officiellement.

Un groupe de chercheurs canadiens regroupant des météorologues, des ingénieurs et des étudiants universitaires veulent changer cela avec l’aide des moyens techniques contemporains et d’un travail de terrain méticuleux.

«Je me considère plus comme un détective», sourit Conelle Miller, un ingénieur éolien qui participe au projet Northern Tornadoes (Tornades du nord) de l’Université Western, à London. «Je ne me rends pas sur les lieux, je ne me mets pas en danger. Je laisse cela aux chasseurs de tempête.»

Mis en place en 2017 avec l’appui financier d’ImpactWX, un fonds qui étudie les conséquences des temps extrêmes, ce projet est rapidement devenu un pionnier dans le domaine de l’étude des passages de tornade.

Le but d’ImpactWX est de contribuer à mieux détecter et à prédire l’arrivée d’une tornade, ainsi qu’à mieux comprendre les événements météorologiques extrêmes.

Le Canada arrive au deuxième rang mondial, après les États-Unis, pour la fréquence des tornades. Avant la création du projet «Northern Tornadoes Project», le nombre exact de tornades au pays était une énigme. On en estimait le nombre à une soixantaine par année.

En réalité, il y en a deux fois plus.

«Je ne crois pas que le nombre de tornades rapporté chaque année soit exact. Nous pensons qu’il est trop bas, souligne le cofondateur de «Northern Tornadoes», Greg Kopp, un professeur de la faculté de génie de l’Université Western. Alors nous sommes partis à la recherche de toutes ces tornades inconnues.»

À l’aide de caméras à haute résolution installées sur des drones et de l’imagerie par satellite, le groupe peut avoir une vue à vol d’oiseau d’un endroit qui aurait été frappé par une tornade. Ils recherchent notamment des débris d’arbre éparpillés de manière aléatoire et non des dommages uniformes d’une simple rafale.

Selon ces chercheurs, on compterait 117 tornades en 2021 et 117 autres en 2022, des chiffres qui reflètent plus une surveillance accrue qu’une plus grande fréquence. Toutefois M. Kopp et ses collègues sont bien conscients que les changements climatiques sont en train de modifier la donne.

«Ce sont des indicateurs démontrant que la situation empire au Canada à cause des changements climatiques. Ces phénomènes se déplacent vers le nord parce que le sud des États-Unis devient trop chaud et trop sec.»

Depuis le début de l’année, le groupe a recensé 30 tornades, dont une de force 4 à l’échelle de Fujita, le 1er juillet à Didsbury, en Alberta. Les vents ont atteint des vitesses de 267 à 322 km/heure.

M. Miller était sur les lieux dès le lendemain du passage de cette puissante tornade en compagnie d’un groupe d’enquêteurs. Ils ont parlé à des témoins, examiné des recherches en soufflerie et utilisé des drones pour tenter d’en déduire les caractéristiques. 

«Ces collectivités qui ont été frappées par cette tornade ont été très chanceuses, selon moi», a-t-il mentionné. Les tornades de force 4 ou de force 5, les plus violents, les plus destructeurs, peuvent aussi tuer.

«Heureusement, elles ont pu être averties à temps. Les gens vivant des endroits vulnérables ont pu se rendre là où ils étaient plus en sécurité.»

Aux États-Unis, le Center for Disaster Philanthropy a déjà recensé plus de 800 tornades depuis le début de l’année, dont 170 au cours du mois dernier. 

Il est difficile de prédire l’arrivée d’une tornade de grande force ni ses points d’impact.

«Pouvoir s’améliorer dans les avis d’alerte signifie d’examiner ce qu’on a fait avec les prévisions et les alertes. Pour ce faire, il faut savoir ce qui est déjà arrivé sur le terrain, dit le Pr Kopp. Si on ne tente pas d’identifier systématiquement les tornades, on ne s’améliora pas.»

En 2022, le groupe a étudié les données pour vérifier si le ministère de l’Environnement et des Changements climatiques avait réussi à avertir la population à temps de l’arrivée d’une tornade.

Les résultats ont été décevants, mais peu étonnants. Le ministère obtient une note de 37,5 %. Le fait de lancer une veille ou une alerte à temps a été un critère pour déterminer son efficacité.

Des membres du groupe examinent les dégâts causés aux immeubles afin de déterminer si les règlements liés à la construction ont été respectés. Des modifications des codes du bâtiment pourraient être utiles afin d’atténuer les risques.

Il est impossible d’empêcher les dommages causés par une tornade de force 4 ou de force 5, mais la grande majorité des tornades au Canada ne sont pas aussi puissantes, rappelle M. Miller.

Selon les chercheurs, un toit mieux attaché aux murs n’ajouterait que 200 $ aux coûts, mais risquerait de moins s’envoler en cas de tornade. 

«Si ces maisons pouvaient résister aux vents d’une tornade de force 2, alors elles pourraient résister à 95 % des tornades canadiennes, dit M. Miller. Si cela coûte 200 $, on pourrait en économiser davantage [après le passage d’une tornade]».