Décevante récolte de sirop d’érable
Comme vous pouvez vous l’imaginer, le temps anormalement chaud qui prévaut depuis une semaine déjà a mis un terme de façon prématurée à la récolte de sirop d’érable dans le Haut-Richelieu, mais aussi dans toute la Montérégie. Dans l’ensemble, les acériculteurs font face à des baisses de rendement allant de 20 à 30% par rapport à une année normale. À Mont-Saint-Grégoire, où l’on retrouve de nombreuses érablières, la chaleur excessive a eu raison des derniers espoirs des producteurs en début de semaine. Quand les bourgeons commencent à faire leur apparition dans les arbres, ce qui est anormal à cette période-ci de l’année, c’est habituellement signe que la saison est terminée. Le goût et la saveur du sirop sont alors affectés, ce qui rend sa commercialisation difficile. «Ce n’est pas catastrophique, mais c’est définitivement une petite année, rapporte Michel Gingras, de l’érablière La Goudrelle, à Mont-Saint-Grégoire. Je dirais qu’on a fait 20% de sirop de moins qu’au cours d’une année normale. C’est tout le contraire de l’an dernier, alors que nous étions au-dessus de la moyenne dans une proportion équivalente. Dans mon cas, j’ai manqué la première coulée de février, ce qui n’a certes pas aidé. Ce qu’on vit cette année, c’est quelque chose qui se produit habituellement tous les dix ans.» Raymond Meunier, de l’Érablière Meunier, à Richelieu, a aussi mis un terme à sa saison le 17 mars dernier. «La récolte avait bien débuté à la mi-février, mais la situation s’est détériorée par la suite. J’ai déjà vu pire, mais j’ai déjà vu beaucoup mieux. Du temps chaud comme ça, c’est la première fois que je vois ça. Dans mon cas, je dirais que mes rendements sont inférieurs à 25% d’une récolte normale. On ne peut rien y changer», de souligner cet acériculteur qui compte plusieurs années d’expérience. Tout comme son confrère de Mont-Saint-Grégoire, le temps chaud et la fonte rapide de la neige lui font craindre un mois d’avril difficile pour l’achalandage dans les érablières. «J’ai refusé du monde à la porte dimanche dernier (18 mars), mais j’avoue être inquiet pour la suite des choses. Ça va dépendre du temps que nous allons avoir dans les semaines qui viennent. Quand il fait trop chaud, les gens passent à autre chose», fait remarquer M. Meunier. Qualité Il n’y a certes pas mieux placé que Serge Beaulieu pour nous donner l’heure juste sur la situation qui prévaut dans l’ensemble de la Montérégie et dans les autres régions acéricoles. Cet acériculteur d’Ormstown (région de Saint-Jean-Valleyfield) assume la présidence de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, ce qui lui permet de suivre l’évolution de la récolte de jour en jour. «Au moment où je vous parle (20 mars), la récolte est terminée en Montérégie, précise-t-il en entrevue téléphonique. De façon générale, on peut parler d’une baisse de rendement de l’ordre de 30% par rapport à une année normale. Après avoir connu trois grosses saisons d’affilée, il fallait s’attendre à ça. Par contre, c’est la première fois que nous faisons face à des températures aussi élevées en mars. Il a fallu s’arrêter à cause de ça.» L’an dernier, les plus gros producteurs de la Montérégie avaient obtenu une récolte allant de quatre à cinq livres à l’entaille, ce qui était exceptionnel. C’est loin d’être le cas cette année avec des rendements variant entre deux livres et demie et trois livres à l’entaille, dans le meilleur des cas. «Heureusement, le sirop récolté est d’excellente qualité. La couleur est belle et il n’y a aucun défaut de saveur. Ça compense quelque peu», note M. Beaulieu. Ailleurs Pour ce qui est des autres régions du Québec, le président de la Fédération des producteurs acéricoles garde espoir que la saison sera bonne. «Dans la Beauce, Québec et le Bas-Saint-Laurent, les producteurs ont récolté tout près d’une livre et demie de sirop à l’entaille jusqu’à maintenant, précise-t-il. Il y a encore de la neige dans les bois et le mercure va revenir à la normale dans les jours qui viennent. Je reste optimiste.» Peu importe la suite des choses, les acériculteurs savent qu’ils peuvent compter sur un surplus d’inventaire de 37 millions de livres de sirop pour répondre aux besoins du marché. C’est sans oublier le fait que la récolte a été très décevante en Pennsylvanie, dans l’État de New York et au Vermont. «On va pouvoir réduire nos inventaires, c’est certain. C’est pour ça qu’il est important d’en avoir», de conclure Serge Beaulieu.