Fin du procès du maire de St-Rémi

Hier après-midi s’est conclu le procès de deux jours, opposant le maire de St-Rémi, Michel Lavoie et une citoyenne, Sylvie Boyer, qui souhaite faire appliquer la nouvelle loi 10, qui permet de suspendre provisoirement un élu qui fait face à des accusations criminelles.  Le juge Jean-François Michaud a mis la cause en délibéré.  Le verdict sera rendu à la fin du mois d’août.

Rappelons que la loi 10 prévoit qu’un élu peut être provisoirement relevé de ses fonctions si des accusations criminelles, passibles d’au moins deux ans de prison, sont déposées contre lui.  La loi précise qu’il doit y avoir un rapport entre les chefs d’accusation et l’exercice des fonctions de l’élu et il doit être démontré que les accusations sont de nature à déconsidérer l’administration municipale.

Les arguments de la défense réduits en pièces

Mardi matin, les avocats de la partie demanderesse ont tenté de convaincre le juge du bien-fondé de la loi 10, en réponse à l’avocat de M. Lavoie, qui la veille, a attaqué la constitutionnalité de la loi.  Me Belleau, l’avocat du procureur général, a établi d’emblée le lien entre les chefs d’accusation de fraude, complot et abus de confiance, qui pèsent contre M. Lavoie et l’exercice de ses fonctions d’élu.  «Il s’agit typiquement d’une accusation criminelle grave et de nature à déconsidérer l’administration municipale et à affecter la confiance que le public doit avoir dans l’administration publique et les élus, a déclaré Me Belleau.

L’avocat de la défense, Me St-Pierre, avait notamment demandé au juge de faire preuve de retenue, dans le contexte de la proximité des prochaines élections municipales, qui se tiendront le 3 novembre prochain.  «De notre point de vue, cette question est tout à fait à l’extérieur de l’exercice auquel la cour doit se livrer», a expliqué Me Belleau.

Me Gravel, l’autre avocat du procureur général a quant à lui rappelé les nombreux arguments devant lesquels le défendeur s’est désisté dans sa tentative visant à démontrer l’inconstitutionnalité de la loi 10.  L’avocat du maire Lavoie avait d’abord fait valoir que la loi 10 ne respecte pas la présomption d’innocence, qu’elle porte atteinte au droit de vote et que son effet rétroactif ne respecte pas les droits fondamentaux de son client.

Ayant concédé tous ces points à son adversaire, Me St-Pierre a finalement invoqué l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, selon lequel chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.  «Le défendeur n’a pas fait la démonstration d’une atteinte à ce droit», a déclaré Me Gravel.  «Clairement, il ne s’agit pas d’une situation qui porte atteinte à la vie, à la liberté et à la sécurité», a ajouté Me Belleau.

Quant au représentant de Mme Boyer, Me Gagné, il est allé encore plus loin.  Selon son interprétation, les deux critères d’application de la loi 10, selon lesquels les accusations criminelles doivent être en lien avec l’exercice des fonctions de l’élu et être de nature à déconsidérer l’administration municipale, ne sont pas cumulatifs.  Il cite l’exemple d’un élu qui serait accusé de pédophilie.  Bien que cette accusation ne soit pas en lien avec l’exercice de ses fonctions, elle serait tout de même de nature à déconsidérer l’administration de la municipalité.  Selon lui, il faut d’abord considérer la gravité des accusations qui sont portées.  Il considère donc qu’il n’est pas dans l’intérêt public de maintenir en position le maire de St-Rémi.

Une défense à bout d’arguments

L’avocat de M. Lavoie, Me St-Pierre a tenté tant bien que mal de rétorquer aux attaques de ses collègues.  «Il faut évaluer non seulement la gravité, mais le sérieux des accusations, a-t-il déclaré.  On doit voir s’il y a un peu de substance derrière tout ça, avant d’imposer ce stigmate.  On doit aller plus loin parce qu’il y a des conséquences pour la personne, sa réputation et la poursuite ou non de sa vie politique.» 

Finalement, le juge Michaud a remercié les avocats pour leurs représentations, mais il n’a pas rendu de verdict.  «Je suis bien conscient des enjeux, mais j’ai d’autres obligations et je ne rendrai pas de décision avant la fin du mois d’août.»