Hemmingford: le Parc Safari prélève le sperme d’un éléphant pour préserver l’espèce

FAUNE – L’équipe du Parc Safari a récolté du sperme de Jeannot, un des deux seuls éléphants d’Afrique chez qui on peut pratiquer une telle intervention en Amérique. L’objectif de cette manœuvre est d’assurer la survie de cette espèce menacée par le braconnage. Le liquide servira à inséminer une éléphante du Zoo de Pittsburgh.

Le prélèvement de 30 ml a été réalisé le 14 juin par Francis Lavigne, directeur zoologique au Parc Safari, avec l’aide du vétérinaire allemand Frank Göritz, un des rares spécialistes en la matière. Cette manœuvre a pris une heure.

«On a mis presque 10 ans pour développer notre procédé, explique M. Lavigne. On stimule la prostate à la main. Il faut d’abord bâtir une relation de confiance avec l’animal. On est souvent derrière et dessous lui et il ne nous voit pas vraiment.»

M. Göritz et Joseph C. Gaspard, directeur en science et conservation du Zoo de Pittsburgh, sont repartis la journée même pour inséminer une éléphante en période d’ovulation.

Une partie du sperme récoltée a aussi été acheminé au Zoo de Memphis. Il servira à compléter une étude portant sur les spermicides produits par certaines éléphantes.

«Beaucoup de femelles produisent une sécrétion qui tue le sperme, explique M. Lavigne. Ça pourrait expliquer leur faible taux de reproduction.»

Si le Parc Safari procède de cette manière, c’est pour éviter de devoir déplacer les éléphants d’un zoo ou d’une réserve à l’autre pour les faire s’accoupler. Le déplacement peut causer un stress à l’animal, le blesser ou même le faire mourir, selon le directeur zoologique.

Recherche

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, très peu de recherches ont été réalisées sur la reproduction des éléphants. Une des difficultés que les scientifiques rencontrent est que le sperme ne peut pas être conservé plus de cinq jours.

«Le produit qu’on utilise pour conserver le sperme d’éléphant provient du Brésil», explique le directeur zoologique du Parc Safari.

Cet automne, une l’équipe du Parc Safari participera à une expérience pour développer une nouvelle technique de préservation du sperme.

«La même équipe va revenir en octobre et on va essayer de congeler le sperme dans l’azote pour voir si ça fonctionne, dit M. Lavigne. Une fois congelé, il pourra être gardé pendant 100 ans.»

Si le Parc Safari déploie autant d’effort, c’est que l’éléphant d’Afrique est une espèce en danger de disparition.

Le premier responsable de cette situation est le braconnage des humains, notamment pour l’ivoire. Dans les pays africains où l’on trouve des réserves naturelles où vivent les éléphants, les ressources manquent pour contrer le braconnage et les dirigeants doivent être conscientisés à ce problème.

«J’ai déjà été accueilli par le président d’un pays africain qui avait une canne d’ivoire à la main», raconte M. Lavigne, sans vouloir identifier le pays en question.

On compte aujourd’hui environ 60 éléphants africains en Amérique du Nord, dont quatre au Canada (deux au Parc Safari et deux au Zoo de Granby), selon M. Lavigne.

«Le futur des éléphants au Canada est incertain, croit-il. J’ai une petite fille qui vient de naître et je me demande si elle va être capable de voir des éléphants ou des rhinocéros en Afrique dans 25 ou 30 ans.»

Le braconnage en chiffres
96 En Afrique, environ 96 éléphants sont braconnés chaque jour, pour un peu plus de 3 500 éléphants par année.
24 La période de gestation de l’éléphante est de 24 mois. Cela signifie que chaque éléphant qui est braconné prend deux ans à remplacer.