Le Petit Maghreb de Sherrington
Parmi les 18 employés réguliers chez Prisme Consortium, une association de producteurs et de professionnels qui travaillent à la mise en œuvre de bonnes pratiques agricoles, basée à Sherrington, 6 proviennent du Maghreb.
Djamel et Mohammed sont originaires de l’Algérie et Yassine, de la Tunisie. Les trois ont décidé de traverser l’Atlantique, respectivement en 2001, 2004 et 2009, afin d’améliorer leurs perspectives d’emploi.
Le programme de dépistage des ennemis de cultures, chez Prisme, leur a permis d’obtenir une première expérience de travail au Québec, en lien avec leur champ d’études. «On s’est souvent fait dire que nous n’avions pas d’expérience québécoise de travail, explique Mohammed. Prisme a été notre porte d’entrée.» Finalement, tous trois ont réussi les examens de l’ordre des agronomes et sont maintenant reconnus comme tels.
«Lorsque je suis arrivé chez Prisme en 2002, je n’avais jamais vu de brocoli, parce qu’il n’y en a pas en Algérie. Maintenant, je suis l’expert dans les crucifères! On a des opportunités ici et il y a de la place pour la créativité», lance Djamel.
Il leur a fallu beaucoup de persévérance avant de pouvoir atterrir à Montréal. «Le processus est très long, explique Djamel. Ça peut prendre jusqu’à 7 ans, depuis l’Algérie, pour obtenir un visa pour le Canada.» Quant à Mohammed, il a entamé les démarches en 1999, pour finalement obtenir son visa en 2003.
Le Canada déploie aussi des programmes de recrutement à l’étranger pour attirer de nouveaux arrivants. Yassine a participé à une telle activité, qui se tenait à l’ambassade du Canada en Tunisie. «Le département le plus fort du Canada, à l’extérieur du pays, c’est le marketing, explique-t-il avec ironie. Quand j’ai participé à ce colloque sur l’immigration, je venais de recevoir mon diplôme. Tous les employés sont venus me parler et ils m’ont mis dans la tête que ce serait facile et que j’aurais un bon salaire.» Cependant, comme c’est le cas pour bon nombre de nouveaux arrivants, la réalité sur le terrain est souvent bien différente.
L’emploi
Une fois arrivé au Canada, chercher un emploi, ce qui devait être une chose facile, étant donné les nombreux diplômes qu’ils possèdent, s’avère finalement bien plus ardu que prévu. Mohammed, titulaire d’un diplôme d’ingénieur d’état en agronomie, à l’université de Blida, en Algérie, a d’abord travaillé comme ouvrier agricole, dans les champs, puis a travaillé deux ans dans la restauration. Pour sa part, Yassine, lui aussi titulaire d’un diplôme d’études supérieures, a travaillé comme commis d’épicerie dans un marché d’alimentation pendant près d’un an, lorsqu’il est arrivé. Il avait pourtant travaillé pendant 8 ans comme cadre dans une entreprise en Tunisie.
Le gouvernement du Québec leur a finalement attribué l’équivalent d’un baccalauréat en agronomie. «Ça m’a choqué parce que mon diplôme est reconnu partout dans le monde. En France, je suis ingénieur agricole et je faisais partie de l’élite des étudiants parce que c’est très difficile», relate Yassine.
Même si la reconnaissance de leurs diplômes a posé problème, ils apprécient tout de même l’étendue des opportunités d’emplois qui s’offrent maintenant à eux. «Chez moi, il y a beaucoup de bureaucratie et très peu d’initiatives, explique Djamel. Il y a de la magouille et on n’obtient pas un emploi selon nos compétences.»