Les fromagers craignent une concurrence déloyale

La signature de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne suscite des inquiétudes chez les fromagers de la région qui craignent une concurrence déloyale sur les tablettes des épiceries.

Il s’agit de leur premier constat quelques jours après la conclusion d’une entente historique où le Canada a consenti à doubler les exportations de fromages de l’Union européenne. En échange, il demande un accès au marché outre-Atlantique pour les producteurs de boeuf et de porc.

Selon l’Union des producteurs agricoles, l’importation de fromages européens passerait ainsi de 14 000 tonnes à près de 32 000 tonnes par année, ce qui ferait augmenter le contingent de fromages au Canada, tous pays d’origine confondus, de 20 000 à 38 000 tonnes.

«Les autres pays se servent de l’agriculture comme monnaie d’échange, déplore Raymond Métayer, propriétaire de la fromagerie Le Métayer, à Saint-Cyprien-de-Napierville.  Je suis dans le domaine laitier depuis 35 ans, il fallait s’y attendre.

Ce sentiment est partagé par un fromager bien connu de Noyan, Fritz Kaiser. «Notre commerce est bâti pour remplacer les fromages importés. Le gouvernement autorise l’offre de produits européens à rabais. Ce n’est pas correct», estime le propriétaire de l’établissement qui porte son nom.

Subventions

Ces derniers dénoncent la concurrence déloyale avec les agriculteurs d’outre-mer. Les producteurs de lait étant largement subventionnés, ils considèrent que les armes sont inégales.  «En Europe, les gouvernements introduisent de l’argent dans le système.  Les fromagers ne paient qu’un pourcentage du coût de production du lait, explique M. Métayer.  Le lait n’est pas du tout subventionné au Québec.»

«Les fromagers paient leur matière première le tiers de notre prix. Ils peuvent se permettre de vendre au rabais», souligne Fritz Kaiser.

Sachant cela, Stephen Harper a déjà assuré que des compensations seront versées à ceux qui sont pénalisés par le traité de libre-échange.

Ventes

Questionnés à savoir s’ils envisageaient une baisse draconienne des ventes, les producteurs se disent confiants de la fidélité des consommateurs de la région.

«L’industrie d’ici est bien établie depuis une vingtaine d’années.  On espère que les gens vont continuer de la supporter», indique M. Métayer.

À long terme, les producteurs redoutent la disparition de fromageries québécoises. L’intérêt des consommateurs n’est pas assez grand pour accueillir cette hausse sur le marché.

«Nous avons investi beaucoup au cours des deux dernières années pour augmenter notre production. Les produits européens pourraient nous faire très mal», estime Fritz Kaiser.

L’accord de libre-échange est le fruit de quatre années et demie de négociations. Avant d’être mis en application, il devra recevoir la bénédiction des dix provinces canadiennes et des 28 pays membres de l’Union européenne. La consultation pourrait durer plus de deux ans.

(Avec la collaboration de Marc-André Couillard)