Les ponts de la discorde à St-Jacques
Refusant de payer une partie de la facture de 1,3M$ pour la reconstruction de huit ponceaux menant à leur résidence ou terre agricole, des citoyens de Saint-Jacques, par le biais de leur avocat, ont déposé une requête en nullité et demandent que le règlement établissant le partage des coûts entre la municipalité et les utilisateurs des ponceaux soit annulé. La Ville affirme avoir agi en toute légalité.
Les ponceaux en question appartiennent à la municipalité depuis 1947. Ils surplombent la rivière St-Jacques et donnent accès au boulevard Édouard VII. Chacun d’eux mène soit à une résidence privée, soit à une terre agricole.
Selon le règlement adopté par la municipalité, les 10 utilisateurs doivent financer une partie des frais à hauteur de plus de 200 000$. Ils doivent payer cette facture en deux versements, en octobre 2013 et en janvier 2014, ce qu’ils contestent. Ils considèrent qu’il s’agit de la voie publique appartenant à la municipalité, donc que les coûts devraient être assumés par l’ensemble des citoyens. Selon le règlement, la municipalité doit débourser 800 000$ alors que le MAPAQ fournira une aide financière de 300 000$ pour aider les agriculteurs.
«Il n’y a pas eu d’entente entre nos clients et la ville, soutient Me Éric Oliver, avocat chez Municonseil avocats, qui représente les citoyens qui contestent le règlement. On ne s’entend sur rien. La municipalité a décidé unilatéralement de faire payer des citoyens pour la réfection de la voie publique.»
La municipalité satisfaite du règlement
La municipalité affirme avoir agi en toute légalité. Pour la mairesse de Saint-Jacques-le-Mineur, le dossier est clos. «Pour nous, la municipalité, c’est réglé à notre satisfaction, affirme Mme Trottier. Le conseil avait la volonté de régler. Le conseil a travaillé très fort. Nous nous devons d’être équitables pour tous les citoyens. Ce n’est pas à l’ensemble des citoyens à payer pour ces ponts.
Le directeur général de la municipalité, Jean-Pierre Cayer, abonde lui aussi dans ce sens. «Les gens qu’on taxe ont le droit de contester. […] La loi nous permet de taxer. Maintenant, c’est utilisateur payeur, comme avec les égouts et l’aqueduc.» Selon lui, la municipalité a investi plus de 1M$ en étude de toutes sortes, pour reconstruire ces ponts. Mme Trottier soutient que d’autres utilisateurs sont satisfaits des travaux effectués. «Certains paient 20 000$ et sont bien contents. Ils dorment tranquilles et leur pont est réparé.»
Quant au paiement exigible en deux versements, Mme Trottier dit avoir proposé aux citoyens de payer ces sommes sur un plus long terme. «On leur a proposé de payer sur 25 ans et ils ont refusé. Ils veulent des ponts neufs, mais ils ne veulent pas payer.»
Un règlement abusif selon les demandeurs
Les arguments des demandeurs s’appuient sur le Règlement numéro 9, adopté par la municipalité en 1947, selon lequel le rang St-Philippe, qui longe la rivière St-Jacques, devait être fermé. En contrepartie, la municipalité s’engageait à assurer l’entretien des ponts qui sont le prolongement de ce chemin. Leur prétention est que la fermeture de ce rang a enclavé les citoyens et que les ponts constituaient une indemnité. Autrement, ils se trouvaient privés de leur accès à une voie publique.
Ils allèguent que l’ensemble des citoyens a assumé les coûts d’entretien entre 1948 et 2013 puisque ces ponts font partie du réseau routier de la municipalité.
Selon les avocats des demandeurs, cette décision d’imposer une taxe spéciale à ces citoyens est abusive et illégale et constitue un fardeau oppressif. Ils réclament l’annulation de ce règlement. «Ce n’est pas de la faute à mes clients si la géographie du terrain nécessite un pont pour avoir accès à la voie publique», dit Me Olivier.
Selon l’avocat de la municipalité, Me Sébastien Dorion de la firme Dunton Rainville, le règlement adopté par le conseil est tout à fait légal. «La ville, lorsqu’elle fait son budget, elle peut imposer des taxes de secteur. C’est assez fréquent pour les nouvelles structures. La municipalité peut décider qui paie ça, les bénéficiaires, la municipalité ou les deux.»
Il cite l’exemple de l’ouverture de rues pour la construction d’un nouveau quartier dans une municipalité. Dans un pareil cas, la municipalité impose une taxation particulière aux citoyens de ce nouveau secteur ou encore elle impose cette taxe au promoteur qui développe le quartier, qui à son tour, ajuste le prix des maisons qu’il vend en tenant compte de cette taxe qu’il a dû payer.
Une question de sécurité
Selon la mairesse Lise Trottier, de nombreuses études ont été produites depuis 6 ou 7 ans, afin de rendre compte de l’état des ponts. La conclusion était qu’ils devaient être reconstruits. «Nos ingénieurs nous conseillaient de les refaire tous en même temps afin de réduire les coûts», explique-t-elle.
Lors de la crue des eaux, il arrivait que l’eau monte jusqu’à la hauteur des ponts. Ils devaient donc être surélevés. De plus, selon Mme Trottier, le tonnage maximal n’était pas respecté par les usagers. «On devait se mettre au niveau avec la grosseur de la machinerie agricole d’aujourd’hui. Il y avait parfois des 50 tonnes qui passaient sur des ponts qui pouvaient supporter des charges maximales de 5, 7 ou 8 tonnes.»