Prolifération d’algues sur la rivière Richelieu à Lacolle: le problème s’aggrave près du quai des douanes

ENVIRONNEMENT – Des résidents du rang de la Barbotte à Lacolle et le maire, Roland-Luc Béliveau, réclament du gouvernement fédéral qu’il répare le gâchis environnemental causé par le quai des douanes. Cet enrochement empêche l’eau du Richelieu de circuler librement, favorisant la prolifération d’algues et l’envasement de la rivière.

Réal Lequin habite à une cinquantaine de mètres de cet entassement de roches perpendiculaire à la rivière, long de 221 m. Il milite depuis plus de 25 ans pour cette jetée soit modifiée.

Selon lui, ce quai des douanes, aussi appelé le quai Richelieu, est responsable de la formation d’algues qui s’étendent sur une superficie de 200 m vers le chenal et de 1000 m le long de la rive.

«Les algues apparaissent début juin et ça dure jusqu’en octobre, dit-il. L’hiver, les plantes pourrissent et ça décante dans le fond. La vase s’accumule et fait deux ou trois pieds d’épaisseur.»

L’homme de 75 ans se désole de ne plus pouvoir jouir de son accès à la rivière. «Le quai date de 1965 et ça fait des années que les algues sont là, rappelle-t-il. Les gens ne profitent plus de l’eau. J’ai deux petits-enfants et on les empêche de se baigner.»

Il interpelle le député fédéral de Saint-Jean, Jean Rioux, pour qu’il agisse dans ce dossier. «On demande que le quai soit démantelé et qu’il soit reconstruit sur pilotis ou mieux, qu’il soit déplacé en aval, à 1,5 km, peut-être même du côté de Noyan», réclame M. Lequin.

Démarches

Les citoyens et les élus ont entrepris plusieurs démarches au fil des ans pour que la situation soit corrigée. Une pétition a été signée par les résidents du rang de la Barbotte en 1991. Celle-ci avait incité les autorités à modifier la configuration du quai. Deux ouvertures ont été pratiquées dans l’enrochement, mais cela n’a pas réglé le problème, estime M. Lequin.

En 2013, une seconde pétition a été signée par environ 90 résidents, mais rien n’a été fait depuis, déplore le résident.

M. Lequin espère que le gouvernement agira promptement dans ce dossier. «Les études ne sont pas nécessaires, elles ont déjà été faites pour le quai Richelieu», rappelle-t-il.

Or, selon le député Rioux, les études environnementales passées sur l’impact du quai des douanes sur la qualité de l’eau produites ne peuvent pas être utilisées. «On ne peut pas se baser sur les études antérieures, dit-il. Elles ne sont valides que cinq ans.»

Pourtant, M. Lequin a obtenu un avis scientifique du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie et en environnement aquatique (GRIL), daté du 8 juin 2015.

«Les chercheurs considèrent qu’il est inévitable qu’un quai construit à 90 degrés dans une rivière résulte en une zone de recirculation avec de très faibles vitesses, et augmente ainsi la sédimentation en aval (sur la même rive que le quai), peut-on lire dans cet avis à propos du quai Richelieu. Ce sont des faits établis depuis des décennies dans la littérature scientifique et qui font depuis longtemps partie des livres de référence en génie civil et en géomorphologie fluviale.»

Même son de cloche du côté du maire de Lacolle. «On n’est plus à l’étape des études, on est à l’étape de l’action, pense M. Béliveau. C’est le fédéral qui a causé cet envasement et il nie toute responsabilité.»

Le maire souhaite que le quai soit démantelé et qu’il soit déménagé sur une barge, au centre du chenal.

À quoi sert le quai ?

Le quai des douanes est la propriété du gouvernement du Canada.

Il est utilisé par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).  

Tous les plaisanciers qui traversent la frontière maritime en provenance des États-Unis doivent s’y arrêter.

Les autorités se renvoient la balle

L’Agence des services frontaliers indique que tout a été fait pour que le quai des douanes ne nuise pas à l’environnement. «L’ASFC a mené des études en temps opportun et a posé les actions requises lorsque nécessaire dans ce dossier», affirme Judith Gadbois-St-Cyr, conseillère en communication.

Le député fédéral, Jean Rioux, suggère que la Commission mixte internationale (CMI) se penche sur ce problème. Créée en 1909, la CMI est un organisme canado-américain à travers lequel les deux pays collaborent pour gérer les eaux qu’ils partagent, comme le lac Champlain.

«Nous avons eu une rencontre avec la CMI en 2016, dit M. Rioux. La CMI a des fonds et l’argent peut être mis pour faire les correctifs.»

À ce jour, la CMI n’a reçu cependant eu aucun mandat pour étudier cette problématique. «On est au courant de la situation depuis quelques mois, explique Sarah Lobrichon, conseillère en affaires publiques à la CMI. Nous n’avons pas reçu de mandat du gouvernement pour travailler sur la prolifération des algues. S’il veut qu’on travaille là-dessus, le gouvernement va devoir fournir le budget en conséquence.»

M. Rioux affirme avoir besoin d’un appui local avant de demander un mandat du gouvernement fédéral. «On demande à la MRC [du Haut-Richelieu] qu’une résolution soit votée, affirme le député. On considère que la balle est dans le camp du maire de Lacolle pour obtenir cette résolution.»

Pourtant, selon le maire de Lacolle, Roland-Luc Béliveau, le député n’a jamais fait une telle demande. «Il n’a jamais mentionné qu’il avait besoin d’une résolution, lance M. Béliveau. Si la demande avait été claire, ça n’aurait pas pris une semaine pour l’adopter.»

Une pareille résolution existe pourtant. Le 10 septembre 2014, Lacolle avait demandé à la MRC de l’appuyer dans ses démarches auprès des ministères de l’Environnement du Canada et du Québec «afin qu’ils constatent la dégradation de l’environnement près de la jetée de l’Agence des services frontaliers du Canada et ordonnent à cette dernière de réaliser les travaux correctifs qui s’imposent».

Pour se conformer, la MRC du Haut-Richelieu a adopté une nouvelle résolution en ce sens, le 12 juillet.