Une nouvelle vocation pour près de 300 églises du Québec
Depuis une décennie, pas moins de 285 églises du Québec ont changé de vocation ou sur le point de l’être, révèlent des données obtenues par TC Media.
La majorité de ces églises ont été converties. Elles ont été mutées en centres communautaires, en bibliothèques, en salles de spectacle ou même en immeubles à logements abordables, d’après une compilation scrupuleuse du Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ), un organisme à but non lucratif qui veille à la conservation et la mise en valeur des biens et des immeubles de l’Église.
Parfois, les nouvelles fonctions de ces églises sont multiples. Par exemple, l’Église Sainte-Germaine-Cousin, à Montréal, abritera sous peu une salle communautaire ainsi qu’un centre de la petite enfance. À la place de l’ancien presbytère, un immeuble à logements pour des personnes âgées sera construit.
Les activités de culte ne sont pas nécessairement écartées des projets. Plusieurs communautés religieuses ont d’ailleurs racheté ces églises. Dans d’autres cas, un espace plus restreint a été accordé aux religieux. À La Durantaye, dans Chaudières-Appalaches, l’église Saint-Gabriel a été transformée en centre multifonctionnel. Les bancs ont été retirés. Une cuisine, un vestiaire et des toilettes ont été construits à l’intérieur de la nef. Le choeur y est toujours, mais il est dissimulé derrière un rideau pendant les activités laïques.
Dans moins d’un 1% des cas, les églises ont été modifiées pour abriter des condos. «Des projets de condos, ce n’est pas l’avenir, a indiqué le chargé de projet du CPRQ, Denis Boucher. Il y a toutes sortes de modifications qui doivent être faites par la suite pour essayer d’améliorer la qualité de vie des occupants et leur coût est énorme.»
D’après la professeure titulaire à la Faculté de théologie et des sciences de la religion à l’Université de Montréal et la titulaire de la Chaire religion, culture et société, Solange Lefebvre, le Québec est en avance sur plusieurs pays, notamment européens, lorsqu’il est question de trouver un nouvel usage aux églises. «On est plus avancé dans la mesure où on en déjà converti, a-t-elle dit. On a assumé déjà le fait qu’il fallait [convertir ces églises]».
Mme Lefebvre a notamment souligné la création de la Fondation du patrimoine religieux du Québec, en 1995, qui est devenue en 2007 le CPRQ, ainsi que le rapport de la Commission de la culture déposé en 2006, Croire au patrimoine religieux du Québec.
Le gouvernement du Québec a en plus consacré près de 275M$ dans la restauration du patrimoine religieux depuis 1995.
Bien que le Québec ait fait un pas de plus dans la transformation des églises, il est encore trop souvent en mode réaction, a déploré l’architecte Ron Rayside, qui a participé à plusieurs conversions d’églises. «Il faudrait que l’archevêché, les églises, la Ville et peut-être même le gouvernement du Québec s’assoient ensemble pour voir quel sera le plan pour les 20 prochaines années. Il faut qu’on aille une grande réflexion et surtout le temps de la faire», a-t-il fait savoir.
En 2006, la Commission de la culture a exhorté le gouvernement du Québec à décréter un moratoire «sur l’aliénation et la modification des bâtiments religieux» afin de prendre le temps de réfléchir à l’avenir des églises. Le ministre de la Culture d’alors, Line Beauchamp, avait refusé en disant que le moratoire serait «un processus lourd et intrusif qui va à l’encontre du droit de propriété».
Ron Rayside regrette que trop souvent, les communautés cherchent à la va-vite un nouvel usage à leur église. Lorsque celles-ci sont fermées, elles se détériorent rapidement, faute d’entretien. Et le temps que les communautés sinon les promoteurs trouvent un projet réalisable et le financement nécessaire, la dégradation s’accélère.
«Quand on trouve un acquéreur, il y a une facture de mise à niveau qui est énorme, a rapporté M. Boucher. Et je ne parle pas de mise aux normes et de tout ce que le bâtiment peut exiger selon l’usage qu’on veut en faire.»